Alicia Prima Ballerina Assoluta. Eileen HOFER et Mayalen GOUST – 2021 (BD)
Publié le 16 Mars 2022
Alicia
Prima Ballerina Assoluta
Scénario d’Eileen HOFER
Dessin et couleurs de Mayalen GOUST
Éditions Rue de Sèvres, 2021
148 pages
Thèmes : Alicia Alonso, Biographie, Cuba, Danse classique, Quête identitaire
A Cuba, le Ballet national est une fierté identitaire et l’une des cinq meilleures compagnies de ballet classique au monde, après l’Opéra de Paris, le London Royal Ballet, l’American Ballet Theatre et le Bolshoi Ballet.
Son histoire nous est racontée par le portrait de ses fondateurs, Alicia et Fernando Alonso, avec en creux, celui de son pays, Cuba.
Ainsi suivons-nous Alicia Alonso de 1943 au moment de sa « révélation » à New York où elle remplaça au pied levé Alicia Markova pour « être Giselle », jusqu’en 2011, lorsqu’elle s’est rendue au ballet national de Cuba où la procession de Cachita, « la Vierge de la Caridad » , faisait un arrêt.
C’est là que nous rencontrons Amanda, jeune fille « venue de la campagne » pour intégrer l’Ecole et qui rêve de pouvoir rencontrer Alicia.
- Je ne comprends pas pourquoi tu lèves si haut la jambe. Les autres mères jasent entre elles.
- C'est le professeur qui nous a dit de la lever haut comme Anna Pavlova.
- Comme Anna Pavlova, tu dis ?
Alors elles sont jalouses parce que tu fais mieux que leurs filles.
Ses parents, Josefina (infirmière) et Ernesto, sont très reconnaissants envers la « médecine moderne et le service médical » qui leur a permis d’avoir un enfant.
Josefina ne partage pas l’amertume de sa collègue et amie Amanda, jeune maman célibataire et métis qui danse dans un club de striptease et qui doit parfois se prostituer pour pouvoir ramener de quoi acheter à manger (ou à boire pour son père).
Au fil des planches sublimées par le dessin vaporeux, coloré, doux et rond de Mayalen Goust, nous découvrons l’étroit lien qui unit Alicia au castrisme.
Alicia Alonso (1920-2019) était une femme pourvue d’une grande force de caractère, d’une volonté de fer et d’une abnégation incroyable qui lui permit de continuer à danser et à performer alors même qu’elle perdait la vue. Un ingénieux système de lumières l’aidaient à s’orienter et chacun de ses partenaires se devait d’être à la bonne place pour la réceptionner.
Mais cela donne aussi d’elle une image peu sympathique, froide, autoritaire et exigeante. Mayalen Goust la représente le visage souvent fermé, le sourire avare, et avec le long nez « de Cléopâtre », qu’elle avait.
Fervente partisane de la révolution cubaine, elle n’hésita pas, encouragée par son époux, à mettre son Art au service la Cause.
Qui savait le lui rendre.
– On va créer une école et nationaliser notre compagnie de danse.
– Le monde a fait de moi une danseuse. Je ferai de ces barbus des balletomanes.
– Tu as l’aura du Che, Fidel a besoin de toi. Faisons en sorte qu’il ne puisse rien te refuser.
De manière subtile, au détour d’une phrase ou dans le détail d’un dessin, nous est restituée l’évolution de la situation économique, sociale et politique de Cuba : vétusté des bâtiments, retour de la ferveur religieuse, excellence du système éducatif, crainte des délations, lutte contre le racisme, système alimentaire, émigration vers les Etats-Unis, particularité de la danse cubaine, etc.
- On doit notre technique à notre maestro, Fernando Alonso, qui a pris en considération la morphologie cubaine.
Il a créé en 1960 cette méthode qui valorise le corps cubain lors des sauts, des fouettés, des battus...
Cet album, servi par une magnifique couverture aux couleurs si attrayantes, m’a beaucoup plu ! Merci à Bidib de m’avoir donné envie de le découvrir !
Les dessins de Mayalen Goust sont magnifiques, chaque chapitre est introduit par le dessin d'un pas de base en danse. Les personnages secondaires sont très bien travaillés pour nous offrir différentes opinions et facettes de ce modèle politique et sociétal si singulier.
J’ai aimé découvrir le portrait de cette femme ainsi que son engagement, comme l’histoire de son pays, que je ne connaissais finalement que trop peu et qui m’a donné envie d’en apprendre davantage. (CLIC)
Femme exceptionnelle, elle est la seule Latino-américaine de l'histoire à avoir été "prima ballerina assoluta", distinction symbolique accordée aux ballerines les plus extraordinaires de leur génération (Anna Pavlova l'a aussi reçue). Et qui ici, se double d’une métaphore de son engagement entier envers le castrisme.
L’album se termine (presque) comme il a commencé, j’aime ! Et invite à faire se prolonger l’histoire (et l’Histoire).
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » aujourd’hui chez Noukette (CLIC); au "Petit Bac 2022" d'Enna, pour ma 3e ligne, catégorie Art; au Tour du Monde en 80 Livres de Bidib, ainsi qu'à l'Objectif PAL d'Antigone.
Lisez aussi les avis de Bidib, Antigone, Eimelle, Soukee, Linda
De Mayalen Goust, retrouvez sur le blog:
- Album: Arlequin ou les oreilles de Venise. Texte d'Hubert BEN KEMOUN
- Album: Barbe-Bleue. D'après Charles PERRAULT
- Album: La petite fille aux allumettes. D’après Hans Christian ANDERSEN
- BD: Vies volées. Buenos Aires - Place de Mai. Scénario de Matz
- Album: Dame Hiver. Conte des Frères Grimm adapté par Françoise Bobe
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