Mes lectures de la Rentrée Littéraire d'automne 2023
Publié le 15 Octobre 2023
650 nouveaux livres de tous genres confondus sont attendus pour cette nouvelle Rentrée Littéraire. Si le nombre peut sembler élevé, il y a tout de même beaucoup moins que les années passées. Plusieurs raisons à cela, celle des coûts mais aussi l'envie de davantage porter leurs auteurs pour les maisons d'éditions.
Cette année, plusieurs titres m'ont donné vraiment très envie de les découvrir! Retrouvez ici ceux que j'ai lus et et ceux que je compte lire, mes avis remplaceront progressivement les présentations des éditeurs au fur et à mesure de mes lectures!
Le Diplôme. Amaury BARTHET. Albin Michel, 23 août 2023
Premier Roman
Guillaume Carpentier, prof d'histoire-géographie à Bobigny, résigné, désabusé, largué et volontiers feignant, fait la rencontre de Nadia, jeune trentenaire pimpante mais simple vendeuse sans avenir à Zara. Elle peut plus, elle vaut plus, il en est convaincu. Avec une conception toute personnelle du diplôme et de ce qu'il permet, il se propose de lui en donner UN. Ce diplôme va la légitimer dans les hautes sphères professionnelles et donc sociales, et lui permettre de s'accomplir. Et pour lui-même ? Il saura en profiter également.
Ce premier roman d'Amaury Barthet décide de prendre le déterminisme et le conditionnement social à contre-pied, usant de clichés et de caricatures pour mieux le et les dénoncer. Vous pensiez compétences ?! Cette société faite d'apparences se repaît de factice, de langue de bois et titres pompeux, mais condamne et cloue au piloris quiconque oserait les dénoncer, pire les utiliser.
Nous voici donc avec une critique politique, sociale et sociétale, de l'entre-soi, de la consommation (objets, physique et sexuelle), des valeurs et modèles (patriarcaux, de réussite), de la méritocratie à la fois juste, cynique et rébarbative.
Tout du long de ma lecture, je me suis demandée si l'auteur/le narrateur prêchait le faux pour dire le vrai, poussait les stéréotypes jusqu'à l'absurde pour mieux les dénoncer ou s'il y croyait vraiment tant certains passages semblent plus vrais que nature avec des personnalités nommées, des lieux et actions reconnaissables. Je suis restée avec cette ambiguïté.
Pour la fin, l'auteur joue une dernière carte caricaturale, celle de la mièvrerie. Ce qui m'était apparu dommage au moment de ma lecture me semble à présent tout à fait dans la lignée et apporte à l'ensemble du roman un aspect d'autant plus redoutable.
Alors soit ce (premier) roman est tout à fait percutant et intelligent, soit il est tout son inverse !
Ma Tempête. Eric PESSAN. Aux Forges de Vulcain, 25 août 2023
Alors que son adaptation de la pièce La Tempête de Shakespeare ne va pas être produite, que sa femme s'impatiente de son inertie professionnelle et se rend à son travail (elle est professeure de français), et que la crèche est en grève, notre narrateur décide de jouer la pièce à sa fille, Miranda, de deux ans et demi.
Au fil de la journée, au-dehors, un orage se transforme en tempête. Dans l'appartement, il décrit à sa fille la pièce, son auteur et son contexte de parution. Entrecoupés par des moments du quotidien, il fait un parallèle avec notre époque où l'Art et la création sont capitalisés au nom de la rentabilité et du succès, ne permettant donc pas la diversité, l'originalité, l'essor des petits projets, aussitôt avortés faute de soutiens, financiers et politiques. Cette impossibilité est illustrée par la relation avec son frère aîné, élu municipal, avec qui il ne s'entend pas.
Lorsque la journée prend fin, les tempêtes sont passées. Place à l'apaisement.
J'ai beaucoup aimé ce roman au titre polysémique. Avec fluidité, et utilisant les codes du théâtre d'unicité de temps, lieu et action, l'auteur entremêle trois récits, jouant de métaphores et aussi de caricatures pour servir un propos engagé autour de la paternité (biologique, créative), de la Tempête (météorologique, émotionnelle), et de la transmission (familiale, artistique, politique).
Bien que certains passages soient un peu trop manichéens, il instille une réflexion autour de l'Art, de sa création à son "utilité", sur l'instant et pour la postérité, il nous interroge sur nos valeurs et codes sociaux et moraux (au nom de quoi, une profession serait mieux qu'une autre, la rentabilité pour tout), et nous recentre sur l'essentiel, être en accord avec soi et ceux que l'on aime.
Panorama. Lilia HASSAINE. Gallimard, août 2023
Il y a 20 ans
Parce que la Justice a été trop lente, parce que la Justice n'a pas condamné assez sévèrement ou même pas du tout, un homme s'est fait justice lui-même, relayant son acte sur les Réseaux Sociaux. Son geste en a inspiré d'autres.
Dès lors, pour que les murs des habitations, des différents établissements, des foyers pour Jeunes, des entreprises ne permettent plus que des exactions inadmissibles soient commises, pour que la violence ordinaire, domestique, que le harcèlement ou agression, physiques surtout, ne puissent plus s'exercer, tout est sous vidéo surveillance, tout est en verre et tout est visible. Tout le monde peut voir tout le monde, pardon, peut veiller sur tout le monde. Donc tout le monde s'observe, non pas par voyeurisme bien sûr, mais bien par sécurité, protection, entraide.
C'est l'ère de la Transparence.
Soyez rassurés, personne n'est contraint de s'installer dans ces nouveaux quartiers, mais les anciens ne bénéficient plus des mêmes moyens et "protections". D'ailleurs, puisque personne n'a rien à cacher, pourquoi refuser de s'y installer?
Quand toute une famille disparaît, c'est l'émotion, comment cela a-t-il pu se produire? Qu'est-ce que cela induit?
Dans ce roman dystopique, Lilia Hassaine explore avec brio jusqu'où nous sommes prêts à aller, tout ce à quoi nous pouvons consentir, au nom de la sécurité, physique. Mais qu'en est-il de nos sécurités morales et psychologiques? de nos libertés fondamentales ?
L'autrice nous décrit tout, jusque dans ses moindres détails: architecturaux, économiques, politiques, éducatifs, sémantiques, de communications, sans omettre les différences de niveau social, et donc de représentations (permanentes), qui sont parfaitement mises en scène.
Cette "Transparence" ne crée-t-elle pas de nouvelles violences bien plus sournoises et dangereuses ?
Si parfois, l'autrice tend vers le "facile", il n'en reste pas moins que son roman est saisissant et glaçant de réalisme et de possible.
Elle nous offre comme une mise en garde, une envie et même une nécessité de résistance
Pour moi, c'est un coup de coeur !
Commence par raconter. Meg REMY. Premier Parallèle, 21 septembre 2023
"N'oublie pas, c'est ton histoire, c'est à toi de la raconter."
Le récit protéiforme de Meg Rémy ne se demande pas s'il faut parler des violences sexuelles subies, mais comment en parler, quels mots utiliser et pour quel sens.
"Je ne veux pas avoir à prouver l'horreur de ce que j'ai subi. Je veux juste que les gens sachent que les personnes traumatisées ont des réactions qui n'ont aucun sens vues de l'extérieur."
Ce faisant, elle entremêle plusieurs de ses histoires de vie à la sienne, non pas pour la diluer, mais bien pour montrer leurs liens, leur fatalité imbriquée. La violence ordinaire, sociétale (américaine), systémique, à l'indicible et cachée qui se terre dans le secret de sa/les famille (s). Pour exprimer ce qu'elle ne peut pas, elle intègre dans la marge des citations qui expliquent, qui contextualisent, qui complètent.
C'est fort et c'est percutant.
Une claque!
L'homme tempéré, c'est Elie Guillou lui-même.
Lui qui vit en France de façon plutôt confortable, avec ses certitudes, ses projets, ses envies, et surtout, une indifférence banalisée face à ce qu'il se passe dans le monde, dans certaines parties du monde plutôt.
En 2012, il se rend en Turquie pour y rencontrer des musiciens traditionnels, les dengbejs, mais il y découvre surtout un peuple et une cause: les Kurdes. Et la répression violente qu'ils ne cessent de subir. Il la prend de plein fouet et sa conscience vole en éclats.
Aux côté de deux hommes photoreporters, il voit des lynchages et la mort, participe à des rassemblements, se rend dans des camps, vit la misère, rencontre diverses personnalités, intègre des informations et se demande comment en rendre compte, d'autant qu'en France, il se heurte à une indifférence polie, à sa candeur lorsqu'il veut aider, et même à une certaine forme de méfiance, car son engagement perturbe.
Lui est déchiré.
Comment vivre tranquillement, comment continuer à vivre tranquillement ?
La culpabilité d'avoir sa vie, la chance d'être né là, son impuissance à changer les choses, sa volonté d'agir à son niveau, l'inertie du monde, le rongent.
"Présente toutes les nuances, même celles que tu ne comprends pas." lui conseille-t-on. C'est ce qu'il s'attache à faire.
Récit à la limite du document, Elie Guillou se livre sans fards, d'une manière aussi simple que sincère. Je suis entrée facilement dans ce livre qui m'a embarquée, émue et révoltée quant aux Kurdes et à leur désir de reconnaissance et légitimité étouffé par la Turquie depuis si longtemps. Et des dengbejs, il en est aussi question, mais là paradoxalement, j'ai été tenue à distance sans que je ne m'explique pourquoi.
Ce livre est humain, intéressant et visuel. Elie Guillou se pose des questions qui pourraient être les nôtres si nous décidions de sortir de notre confort, il le fait d'une manière aussi évidente, complexe que délicate. Son écriture va à l'essentiel, reste sobre, presqu'orale. Cette proximité est un moyen de nous happer, de nous heurter, de nous emmener, de nous projeter.
Tasmania. Paolo GIORDANO. Le Bruit du Monde, août 2023
Le narrateur, journaliste et écrivain, Paolo G. (de là à pnser qu'il s'agit du narrateur, il n'y a qu'un pas), assiste à une conférence pour le climat, alors que les attentats viennent de secouer Paris (en 2015) et qu'il voudrait écrire un livre sur la bombe atomique, ce qui nous permet d'avoir beaucoup de détails de sa conception aux largages de 1945 aux commémorations actuelles. Son couple avec Lorenza, plus âgée qu'elle et mère d'Eugenio, bat de l'aile depuis qu'ils n'ont pas réussi à avoir un bébé. Il aide son ami, Giulio) pour la garde de son fils qu'il se déchire avec Cobalt.(partagée) de son fils. Il se lit d'amitié avec un professeur émérite de physique, Novelli, mais ses positions sexistes dans la communauté scientifique le font s'éloigner de lui sans qu'il n'ait eu le courage ni de lui dire ni de l'aider, il n'a tout simplement rien dit ni poster et à l'ère des réseaux sociaux, la présence comme l'absence d'un commentaire se remarque.
Tasmania est un récit hybride qui nous fait entrer dans la vie du narrateur et en ressortir comme nous sommes venus. Il y a des moments vraiment intéressants, émouvants, témoins d'une vie et d'autres clairement ennuyeux ou plats, voire même lâches. Car le narrateur se plaît beaucoup à rester en retrait, à ne pas prendre parti, à ne surtout pas s'interposer, à préférer fuir même. Il voudrait bien tromper sa femme avec Curzia mais attend que cette dernière prenne l'initiative (ce qui ne se fera pas!). Les passages sur la bombe et le Japon m'ont beaucoup plu, mais heureusement que j'avais vu le film Oppenheimer pour bien les apprécier. Ainsi trouve-t-on des réflexions historiques philosophiques, éthiques, et même féministes. Et cela rehausse le niveau du roman. Je sous toute de même contente de l'avoir fini.
"L'obsession de certains d'entre nous pour les désastres imminents, ce penchant pour les tragédies que nous croyons noble et qui constituera, je pense, le cœur de cette histoire réside peut-être là : dans le besoin, chaque fois que nous traversons un passage excessivement compliqué de notre vie, de dénicher quelque chose de plus compliqué encore, de plus urgent et de plus menaçant où diluer notre souffrance personnelle. Et il se peut que la noblesse n'ait rien à voir avec ça."
Tout le monde n'a pas la chance d'aimer la carpe farcie. Elise GOLDBERG. Verdier, août 2023
Premier Roman
Au fil de paragraphes plus ou moins longs, Elise Goldberg entremêle souvenirs familiaux et mémoire juive, cuisine Ashkénaze et plats emblématiques, mots yiddish et éléments culturels juifs, moments d'humour et recherches personnelles, pour remonter le fil de son histoire familiale. Le ton est tendre, drôle, émouvant, grave, sensible.
J'ai adoré ma lecture!
Danser encore. Charles AUBERT. Itsya & Cie, septembre 2023
Johann Trollmann a été Champion d'Allemagne de boxe en 1933, mais en a été privé presque aussitôt. La raison? Il était Tsigane, pas assez aryen de peau, pas assez allemand dans son style de jeu. Dans son roman en 10 rounds, Charles Aubert nous raconte son histoire, ses parents, son amour pour Olga et leur couple, ses différents combats et le climat allemand qui va en se dégradant à mesure que le parti national-socialiste trouve légitimité. La fin, on la devine mais je n'ai pas imaginé la manière, atroce. Ce roman m'a autant révoltée qu'émue. Et m'a fait penser à Victor "Young" Perez, dit "le Boxeur d'Auschwitz", dont j'ai déjà beaucoup parler sur le blog.
Un monde plus sale que moi. Capucine DELATTRE. La Ville Brûle, 25 août 2023
Elsa a 17 ans quand on la rencontre, une jeune fille avec des envies, des idéaux, un peu de maladresse et de candeur aussi. Elle a dix-sept ans, envie d'aimer et d'être aimée. Et quand elle rencontre Victor, 20 ans, par le biais de leurs parents, le pourquoi pas devient oui. Dès lors, nous suivons leur relation, du premier baiser à la première fois, aux premières fois, à la douleur des rapports à la douleur des mots, ce qui compose et défait leur relation, son amour ou ce qu'elle prend comme tel pour lui et ses mots et attitudes à lui envers elle. Jusqu'à la rupture. Jusqu'aux interrogations sur leur couple, leur fonctionnement, le dénigrement, la relation ave la mère, les autres garçons, les amitiés... Le tout mis à l'aune de la société dans laquelle Elsa a grandi, s'est construite, évolue avec, contre ou malgré. Cette société du #metoo qui apprend à repérer, dénoncer, échapper aux comportements déviants, aux emprises héritées, entretenues, générationnelles, inconscientes et acquises, mais qui ne dit pas comment accepter, comment être puisque tout est à l'analyse. Elsa revient sur sa relation, sur ses douleurs, physiques, psychologiques, sur la difficulté de parler, de verbaliser, d'être écoutée pour ce qu'elle dit ou ne dit pas, pour ce qu'elle dit sur le moment et des mois/années après. Il y a eu #metoo et la société a semblé s'en contenter. Pourtant, si #metoo a permis une libération de la parole, la dénonciation et le changement, il a aussi enfermé les jeunes filles et femmes dans un nouveau comportement à avoir, féministe engagé et militant, comme si la revendication, la libération de la parole était une fin en soi, tout en étant réduite qu'à ça.
"Être violée, c'est avoir échoué à ne pas l'être."
A partir de l'histoire, à la fois intime, unique, banale d'Elsa, née en 2000, Capucine Delattre retrace l'histoire des comportements de couple, pas forcément amoureux, de la rencontre à la séparation, à l'après. Elle dénonce, dégomme des stéréotypes, apporte de nouvelles définitions, retrace des combats qui semblent acquis alors même que les comportements changent, et donc l'emprise avec. Je n'ai pas toujours été d'accord avec ce qu'elle avançait, prônait, me demandant si elle n'était pas dans une forme d'exagération, jusqu'à une question de la narratrice : "Tu penses à quoi, quand tu penses à viol?" Parce que là aussi notre représentation est préformée, générationnelle, transmise. Capucine Delattre démontre bien les différences entre le silence, le consentement et l'acceptation, change les perspectives pour ne pas faire de la fille l'éternelle coupable, bien que les garçons et hommes soient souvent objets de vindictes et charges. Il est intéressant de noter le comportement et la décision de Victor quelques années après, parce que parler n'aide pas que les filles.
Au fil de ma lecture, j'ai pensé à moi, de quand j'étais ado à aujourd'hui, à ma fille, à ma relation avec elle, à ce que l'on cache, tait, dit. C'est un roman sans pathos, presque froid malgré le sujet, qui décortique et remet en perspective, qui ne se destine pas qu'aux jeunes filles et femmes, mais aussi aux mères, et qui demande à être lu et relu.
Cette lecture fait écho aux propos de Neige Sinno dans la Grande Librairie du 20 septembre pour son roman "Triste Tigre" (Dans ma PAL) dans laquelle l'autrice revendique que l'on peut avancer avec une blessure ouverte, que c'est aussi une option parce qu'on a pas forcément envie d'être sauvée, que l'idée de la libération par la parole est un cliché à laquelle "on" s'accroche alors que ça emprisonne celle qui parle. Ces idées, nouvelles, qui bousculent, sont communes aux deux romans.
Ecume. Véronique BERGEN. ONLIT Editions, à paraître le 30 août 2023
Hermann Melville avait signé avec Moby Dick un roman-monde, Véronique Bergen nous livre ici un roman-océan dans lequel la référence au célèbre cachalot est constante, à commencer par son narrateur principal, Ismaël qui navigue chaque année sur La Mirabelle pour le retrouver. Lors d'une escale à Amsterdam, il embarque Anaïs, une jeune femme de la terre qui perd pied sur l'eau... et dont les affres de prostituée lesbienne nous sont racontées par son journal intime. Et dans le même temps, elle fait parler l'Océan, cette entité mouvante, vivante, abîmée par les Hommes depuis si longtemps, qui se meurt de pollution et de surpêche. L'écriture de l'autrice est puissante et métaphorique, combine références et dénonciation, hommage et accusation. Le sexe est omniprésent décrit par des mots souvent violents, parfois trash, trop vulgaires, notamment lorsqu'Anaïs parle, elle qui n'a connu le sexe que d'une manière abusive, tarifée... Et qu'elle reproduit donc. Je repose le roman pour le moment.
Méduse. Martine DESJARDINS. L'Atalante, 17 août 2023
La couverture de roman est aussi magnifique, hypnotisante qu'un brin rebutante! Et l'on comprend instantanément le clin d'œil (sans mauvais jeu de mots) au mythe de Méduse, dont on retrouve tous les marqueurs au fil des pages de cette réappropriation. Conte gothique aux limites temporelles floutées, roman puissamment féministe, la narratrice nous raconte son histoire a posteriori, de sa prime enfance où son aspect dérangea et repoussa, lui interdisant tout contact visuel, jusqu'à sa libération... Mais entre-deux ,que d'épreuves traversées au sein de cette société patriarcale qui se repaît de ses apparences et dont les frustrations explosent sur les jeunes filles, surtout celles qui ont eu la malchance d'être nées différentes...
L'écriture de Martine Desjardins est poétique, métaphorique, suffisamment éloquente pour n'avoir pas besoin de décrire tout ce qui se trame et se produit, instaurant ainsi un climat d'autant plus malaisant, sordide et oppressant. Bien que la révélation finale (je ne peux pas spoiler) ne m'ait pas convaincue (ou que je ne l'ai pas comprise), jai été subjuguée, emportée, saisie par ce récit!
Trois âmes sœurs. Martina CLAVADETSCHER. Éditions Zoe, août 2023
Iris, Ling, Ada. 3 femmes, 3 conditions, 3 lieux.
Iris, une jeune femme mariée, qui aime raconter des histoires avec ses amis le soir mais qui se sent continuellement jugée.
Ling, jeune femme chinoise certainement du spectre autistique, travaille dans une usine de confection de mannequins féminins réalistes, et se voit chargée de seconder une scientifique dans l'élaboration du programme relationnel d'Harmony, une "poupée intelligente".
Ada Lovelace, la "mère" des mathématiques qui souffrit sa vie durant d'une éducation et situation corsetées parce que fille/femme, puis dans son corps à cause de la maladie.
Un roman qui lie leurs trois voix dans une forme narrative originale pour nous questionner.
Les mathématiques sont-ils notre origine ?
Jusqu'à quel point la technologie impacte-t-elle nos vies?
L'intelligence artificielle est-elle l'humanité de demain?
Voici un roman très surprenant qui me laisse circonspecte. Non pas que je n'ai pas aimé, mais je m'attendais à autre chose du fait de la 4e de couverture. Une autre forme surtout et un portrait autrement développé. Pourtant, ses thèmes sont très intéressants et inépuisables comme les origines et la transmission, actuels tels la déshumanisation liée au travail et à l'intelligence artificielle qui a tendance à nous remplacer, d'une manière virtuelle, professionnelle, et même physique. Ce faisant, elle aborde des questionnements d'éthique. Jusqu'où cette curiosité, cette réalité même peut-elle aller? est-elle malsaine, viable, désirée?
La mauvaise habitude. Alana S. POTERO. Flammarion, 23 août 2023
Quartier populaire de San Blas à Madrid où tout le monde se connaît, s'entraide, s'espionne, jase, et parmi eux, une enfant. Une enfant qui a bien du mal à trouver sa place, malgré une famille aimante et plutôt ouverte. Une enfant qui grandit dans la dissimulation de son être véritable, dans le travestissement de ses goûts, dans la certitude de n'être ou de ne pas être, comme la certitude de ne pouvoir être accepté... alors cette enfant grandit de guingois, de travers, se trouve des modèles, découvre l'amour homosexuel, fait des rencontres interlopes qui la forgent et ainsi passent les années entre lumière et plus souvent obscurité.
Plus que le thème de la transsexualité, ce roman intime et émouvant est le récit d'une quête identitaire par le biais du genre, de la transformation du quartier, et des quartiers de la ville par où passer, ou non,, des liens humains qui se font et se défont. Un premier roman fort en émotions.
En garde. Amélie CORDONNIER. Flammarion, 23 août 2023
Présentation de l'éditeur:
La narratrice de ce roman a promis à ses enfants et à son mari de raconter ce qui a déchiré leur vie de longs mois durant. Trois ans après les faits, Amélie Cordonnier tient parole et remonte le temps jusqu’à ce jour où tout a commencé. Il y a d’abord eu un courrier, pris pour une mauvaise plaisanterie. Alertée par un appel pour maltraitance, la protection de l’enfance la convoquait en famille à un rendez-vous visant à s’assurer que son fils et sa fille étaient bien en sécurité dans leur foyer. Un simple coup de fil, de surcroît anonyme, pouvait donc provoquer l’envoi d’une lettre officielle vous mettant en demeure de démontrer que vous êtes de bons parents ? Oui. La machine était lancée, et rien ne semblait devoir l’arrêter. Car comment prouver qu’on aime ses enfants ?
Dans En garde, Amélie Cordonnier continue d’explorer ce qui se passe – et se cache – dans l’intimité familiale. Elle met en scène l’étau qui se resserre autour d’une famille sous surveillance, dans une course aussi effrayante qu’haletante.
La fille qui prenait les armes. Amy HARMON. Éditions Charleston, 10 octobre 2023
Présentation de l'éditeur
Massachusetts, 1780.
Depuis la petite ferme isolée du Massachusetts où elle travaille comme servante depuis ses dix ans, Deborah Samson rêve de Boston, de New York et de Philadelphie, de découvrir des endroits qui n’ont pas encore de nom… À vingt et un ans, elle attend impatiemment le jour où elle pourra enfin goûter à la liberté et explorer le monde. Alors, quand la guerre pour l’indépendance des colonies éclate, elle trouve dans la cause américaine, opposée à l’oppression anglaise, un écho singulier à sa propre situation.
Enflammée par les rêves de liberté d’un pays tout entier, Deborah bande sa poitrine, enfile un uniforme et s’enrôle dans l’armée continentale. Sa taille élancée fait d’elle un soldat convaincant, mais les risques sont considérables et, confrontée à l’horreur du champ de bataille, elle devra lutter pour garder son identité secrète…
Inspirée d’une histoire vraie, une fresque saisissante de la guerre d’indépendance américaine portée par une héroïne forte et libre qui s’émancipe de tous les carcans de son temps.
Et vous, quelles sont vos lectures de la Rentrée Littéraire?
Belles lectures et découvertes,
Blandine