Noces indiennes. Sharon MAAS - 2009

Publié le 3 Avril 2022

Noces indiennes

Sharon MAAS
Traduit de l’anglais par Martine LEROY-BATTISTELLI

Éditions J'ai Lu, 2009
660 pages

Thèmes : Famille, Inde, Amour, Condition féminine, Transmission, Quête identitaire

Cet épais roman, servi par une magnifique couverture, se divise en trois parties d'inégales longueurs pour nous permettre de rencontrer Savitri, Nataraj et Saroji. Trois enfants d'âges et de conditions sociales différents que l'on suit au fil de plusieurs décennies à plusieurs époques (1921 - 1947 et 1956) et endroits (Inde, Guyane britannique et Angleterre). 

1921 - Savitri vit en Inde. Fille impulsive du cuisinier employé par les Lindsay, un couple anglais parent de David 6 ans. Les deux enfants se retrouvent dès qu’ils le peuvent, jouent et étudient même, plus grands, ensemble, avec Mr Baldwin comme précepteur, et avec la présence, indispensable, de Gopal pour chaperonner et légitimer la présence de Savitri. Plus tard, elle se découvre un don.
David et Savritri s’aiment, d’un amour pur et sincère, et se promettent de s'épouser, plus tard, quand ils le pourront.

1947 – Nat, 4 ans, orphelin en Inde dans un institut catholique, est adopté par un sahib estropié et médecin. Il l’aide quelquefois auprès des malades qui viennent à toute heure du jour ou de la nuit, et souvent de très loin. Lui aussi veut devenir médecin. Alors son père l’encourage à aller à l’école, d’abord celle du village, puis à aller en Angleterre où il pourra acquérir de meilleures connaissances... avec le risque de se perdre....

1956 en Guyane britannique (Amérique latine) – Saroji, 13 ans, est anéantie. Elle vient d’apprendre que son père, Babba, lui a trouvé un époux. Babba est un homme autoritaire jusque dans ses silences.
Saroj est persuadée de ne pouvoir trouver ni aucune aide ou réconfort auprès de sa mère, Ma, si discrète, si enfermée dans sa culture indienne et soumise, si parfaite dans son rôle effacé d’épouse.
Elle est très proche de son frère Ganesh à qui elle se confie. Mais elle certaine d'être seule dans cette épreuve qui dure longtemps, où elle se rebelle autant qu’elle peut, dans son comportement et ses amitiés, notamment avec Trixie, une Noire, alors que le pays est agité par des violences racistes, dont Babba est en partie responsable depuis qu’il s’est engagé en politique.

-Le caractère fait le destin", répéta-t-elle en éclatant d'un rire nerveux et, du coup, Ganesh cessa de sourire pour la considérer avec attention. Jusqu'à présent c'était la culture plutôt que le caractère qui avait dicté le destin de la famille. La culture avait façonné le caractère pour qu'il s'accorde avec les diktats, si bien que culture, caractère et destin étaient entremêlés, entrelacés, enchevêtrés selon une trame prévisible et préétablie.

Au fil des chapitres choraux qui nous les attachent, se dessinent les liens qui les unissent par-delà le temps et les continents. Des liens familiaux, amicaux, mais aussi issus de coutumes et pratiques qui les enferment autant qu'elles les définissent pour leur permettre d'être, de s'affirmer, de se rebeller ou de se conformer.

Si au début, il n'est pas toujours facile de se représenter les époques et les lieux, et de bien y situer chacun, cela vient assez rapidement puis le roman nous happe et nous emporte.

Ainsi est-il question de la place des filles – femmes / épouses / mères – veuves ; du mariage (arrangé, voulu, subi, apprivoisé) ; des castes ; des races (Anglais, Africains, Hindous) et du racisme ; du métissage ; de la langue (hindi, anglais, tamoul) ; de l'éducation ; de la religion ; mais aussi de l'Histoire qui, bien souvent, rattrape les personnages et les malmène (la deuxième Guerre Mondiale, Singapour, l'indépendance de la Guyane devenue Guyana)...
Les descriptions sont nombreuses, fines, minutieuses : la mousson qui emporte tout, la cuisine et ses saveurs, les odeurs qui transportent ou insupportent, la nature flamboyante avec ses bougainvilliers ou ses rosiers...

Ma commençait sa journée par balayer. Tous les matins, Saroj s’éveillait au chuintement étouffé du balai dans la cour, tandis qu’elle-même chassait la nuit de son esprit, avec les toiles d’araignée qui le tapissaient. Pour Ma ce qu’on pensait était plus important que ce qu’on disait ou ce qu’on faisait. Aussi, quand elle avait fini de balayer, consacrait-elle une demi-heure à dessiner un kolam devant l’entrée, un kolam chaque jour différent. Elle commençait par répandre de la farine de riz, de manière à établir un réseau de points qu’elle reliait par des traits ou des lignes courbes, jusqu’à ce qu’apparaisse un étonnant motif symbolique, compliqué, fragile, parfaitement symétrique, une œuvre d’art fugitive qui, dès midi, serait effacée par les pas indifférents des personnes.

Noces indiennes est un formidable roman qui nous transporte et nous prend au cœur.

Découvrez aussi les avis de Hilde - Rachel - Katell - Véronique IG 

De Sharon Maas, j’avais lu et aimé La Danse des Paons.

Merci à Hilde de m'avoir permis de lire ce roman qui participe à nos Etapes Indiennes ; au "Tour du Monde en 80 Livres" de Bidib; à l'Objectif PAL d'Antigone; et à "Des livres et des écrans en cuisine" de Bidib et FondantGrignote

 

Ma connaissait tous les secrets de la cuisine. Elle connaissait les mets dits sattvic, qui permettent à l’intellect d’atteindre de très hauts sommets, les rajasic, qui excitent l’esprit et le portent jusqu’au point d’ébullition, et les tamasic, qui le tirent vers de lourdes et ténébreuses profondeurs. La cuisine est affaire de mesure : quand ajouter quoi, en telle quantité et pas un gramme de pus. Mesurer la chaleur et l’humidité, maintenir la bonne température, régler la flamme, car si le feu est créateur, il lui arrive de se révéler destructeur. Calculer l’apport en eau, qui a le pouvoir de donner la vie mais aussi de noyer et de s’introduire dans une préparation sans y être invitée. Mais il ne s’agit là que de technique. Ma y ajoutait du mystère.

Pour notre défi, ce roman coche les cases : Mariage / Cuisine /  Roman / Etape en Angleterre

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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A
Il y a beaucoup de très bons romans indiens !
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Oh que oui!
H
Comme tu le sais déjà, j'ai beaucoup aimé ce roman, il m'a happée aussi. Je me suis attachée aux personnages. Certains passages sont beaux avec cette nature sauvage indienne et d'autres vraiment terribles. Beaucoup d'émotions à la lecture d'après mes souvenirs. Je suis contente qu'il t'ait plu aussi. :)
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Oh oui et davantage que La Danse des Paons. Ce roman-ci m'a davantage marquée, est plus olfactif et prégnant à mon sens. Encore merci pour m'avoir permis de le découvrir!
R
Oh oui j'avais bien aime ce livre...avec ce cote suspens a la fin...vraiment une bien belle aventure....
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C'est exactement ça, une très belle aventure familiale, humaine et historique!
F
Une belle lecture, et en plus efficace côté challenge !! :-) Bon dimanche, Blandine, biz
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Hé hé oui!! Il était temps que je présente ce roman que j'ai beaucoup aimé et que je porte en moi depuis que je l'ai refermé!! Et c'est comme tu dis côté challenges ;-) Bon dimanche à toi aussi! Des bisous
M
Je crois que je l'ai dans ma PAL... une romancière que je dois encore découvrir !
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Ses romans sont denses, riches de détails, mais ils nous emportent ;-) Bonne future lecture à toi^^