La seconde vie de Mirielle West. Amanda SKENANDORE - 2023

Publié le 19 Novembre 2023

La seconde vie de Mirielle West

Amanda SKENANDORE

Traduction de Typhaine DUCELLIER

Faubourg Marigny, 31 octobre 2023
400 pages

Thèmes : Lèpre, Maladie, Etats-Unis, Emotions

Mirielle West est mariée à un acteur célèbre du cinéma muet, avec qui elle a eu deux petites filles dont s'occupe fort bien la nourrice, elle porte toujours de jolies tenues assorties avec goût, et un verre de gin se trouve souvent à portée de sa main. Pourtant, sa vie faite de mondanités et d'oisiveté va brusquement prendre fin lorsque son médecin de famille va constater une légère décoloration sur sa main. Mirielle est fâchée, c'était pour une légère brûlure qu'elle l'avait fait mander et lui se concentre sur ça. Pire, il évite son regard, devient distant, l'envoie dans un hôpital où elle est affreusement mal reçue, doit choisir un pseudonyme, est parquée dans une chambre digne d'une cellule avant d'être envoyée en Louisiane dans un train certainement destiné au bétail.

Mirielle est passée de l'adulation à l'ostracisation.
Que l’on soit de la bonne société ou de basse extraction, la lèpre ne fait pas de différence et met tous ceux qui ont le malheur d’en être atteint au même niveau de bannissement social, familial, sociétal.
Envoyée dans la colonie de lépreux de Carville, hôpital géré par des Sœurs, il lui faut trouver une raison de survivre surtout lorsque sa tentative d'évasion échoue. 

Il y a deux types de patients à Carville: ceux qui se considèrent comme déjà morts, et ceux qui ont le cran de réclamer leur place parmi les vivants.

Survivre pour vivre.
Survivre pour retourner en Californie mener sa vie tranquille et confortable, et surtout retourner auprès de ses filles dont elle comprend peu à peu combien elle n'a pas été assez présente quand elle le pouvait, car désormais, elle va rater plein de premières fois et moments. 

Pour espérer sortir, il lui faut avoir douze tests mensuels négatifs d'affilée.
Pour passer le temps et avoir une raison de survivre, Mirielle va décider de se rendre utile malgré ses désillusions sur son potentiel d'aide possible.
Et pour commencer, il lui faut apprendre à connaître, à voir, à ressentir cette maladie.
A l’accepter dans toutes ses formes et manifestations.
Et à connaître ceux qui en sont atteints. Car derrière les Lépreux, il y a des individus, des humains, des gens comme elle qui ont eu une vie, des espoirs, des illusions, des douleurs.
Les mois passent et Mirielle gagne en humilité, en humanité.
Son portrait s'affine, son histoire se dévoile et révèle des souffrances, des fragilités, des forces aussi.

Qu'elle le veuille ou non, la vie avait continué depuis son arrivée à Carville, et elle l'avait emportée avec elle.

Ce faisant, l'autrice nous décrit le fonctionnement de Carville, sa géographie avec ses bâtiments (entre les habitations, l’infirmerie, le magasin, le service postal, et même sa prison), la recherche de remèdes et les tests réalisés (dont certains semblent aussi doux que d’autres barbares), les espoirs ou désappointements des patients, le comportement de chacun face à la maladie, la vie qui reprend peu à peu, forcément, heureusement, le dessus avec ses habitudes et festivités, malgré les déceptions, les décès,... et le stigma.
Car cette maladie de Hansen (comme il convient de l'appeler) est double.
Il y a l'atteinte physique, plus ou moins virulente selon les cas, et la peur qu'elle suscite, entraînant le rejet et le bannissement même si la maladie n'est plus. Même au sein de sa famille. Les préjugés et idées reçues demeurent. Les lettres de Charlie, le mari de Mirielle, en attestent. Car les dégâts physiques qu'elle entraîne peuvent être tellement importants qu'ils impactent les esprits même si sa contagion est très faible.
J’ai beaucoup apprécié cet affinement psychologique de Mireille, qui passe de feme capricieuse à femme forte, actrice de sa vie, et les descriptions médicales faites.

La seconde vie de Mirielle West est un roman qui se lit très bien.
Malgré quelques longueurs, il nous immerge dans le quotidien de ces personnes forcées d'être coupées du monde, de leur monde, de leur famille... et qui doivent trouver des raisons de vivre. Ce qui n’est possible qu’après l’acceptation, en s’affranchissant, souvent totalement, de sa vie passée.

Pour son roman inspiré d'un faisceau d'histoires vraies, Amanda Skenandore use d’une écriture douce, visuelle et empathique. Les lieux sont très bien écrits et les personnages sont très bien campés, leurs caractères nous réservent des surprises.
Il m'a émue et m'a permis d'apprendre. Sur la maladie et surtout comment elle est traitée. Et sur le stigma. Carville est une colonie qui a réellement existé et qui n'a refermé ses portes que récemment. 

Ce roman m'a aussi beaucoup renvoyée à celui de Victoria Hislop, L'Île des oubliés, qui m'avait tant marquée.

Pour en apprendre davantage et prolonger cette lecture, je vous recommande celle de cet article, qui évoque notamment Carville : « Comment la maladie enseigne l’empathie »
Et celui-ci pour en voir des photos – Clic

Ce roman participe au "Tour du Monde en 80 Livres" de Bidib

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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M
la maladie et surtout comment
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D
Si la vie vous donne des citrons, ne faites pas de limonade, faites en sorte que la vie les reprenne ! Comment l'humour rayonne et aide.
N
Ce doit être une terrible "dégringolade" ! Non seulement tu es malade, mais en plus tu es rejeté ... Sympa !!
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Terrible oui! D'autant que vu d'où elle vient, elle n'est absolument pas habituée à cela... Il y a tellement de situations comme cela, lèpre ou pas lèpre...