L'Orpheline de Foundling. Stacey HALLS - 2021
Publié le 26 Novembre 2021
L'Orpheline de Foundling
Stacey HALLS
Traduit de l’anglais par Fabienne GONDRAND
Éditions Michel Lafon, 2021
400 pages
Thèmes : Angleterre, Maternité, Féminisme, Classes sociales
Londres, 1748
Bess Bright, jeune marchande ambulante de crevettes, doit laisser sa fille Clara, à peine née à l'orphelinat de Foundling, avec le tenace espoir de venir la rechercher un jour. En gage, elle laisse une moitié de cœur en os de baleine gravé d’un B et d’un C.
On lui donne le numéro 627.
Durant six ans, Bess économise le poindre pence, organise sa vie pour le retour de sa fille. Son amie Keziah, marchande de fripes, lui met de côté des vêtements pour qu’elle puisse l’habiller.
Enfin prête, elle retourne à Foundling et découvre avec effroi que sa fille a été reprise le lendemain de son dépôt par une femme qui s'est faite passer par elle.
Aucun doute possible sur l’enfant tant il est rare qu’une mère vienne rechercher son bébé.
Démunie, triste et n’ayant surtout plus rien à perdre, Bess se rend plusieurs fois à l’Orphelinat dans le but de découvrir l’identité de celle qui a pris la sienne, et sa fille.
Ainsi fait-elle la connaissance du Docteur Mead, petit-fils du fondateur de l’hôpital de Foundling.
Je l'avais connue l'espace de quelques heures seulement, et pourtant, c'était comme si je l'avais connue toute ma vie.
La sage-femme me l'avait tendue ce matin à peine, encore visqueuse de sang, mais depuis La Terre avait fait un tour complet et ne serait plus comme avant.
En même temps que Bess, nous rencontrons Alexandra Callard, une femme d’âge mûr, mère de la petite Charlotte, une enfant de six ans.
Mme Callard ne sort de chez elle que pour se rendre à la messe, le dimanche et n’a que peu d’amis, surtout depuis le décès de son époux. Elle vit, avec sa fille et ses deux domestiques, Anne et Mary.
Sa vie et son quotidien sont régentés selon un emploi du temps millimétré auquel elle ne déroge jamais.
Mme Callard aime l’ordre, la ponctualité, la régularité et les rituels quotidiens.
Ceux-ci vont se voir bouleversés lorsque le Docteur Mead va lui faire une proposition, acceptée, pour le bien et le futur de Charlotte : engager une nurse.
Je me mis à pleurer, secouée de gros sanglots déchirants surgis des tréfonds de mon âme - de cette fissure, de cette meurtrière de douleur que je n’approchais jamais, car qui pouvait dire où la douleur s’arrêtait et où je commençais ?
Stacey Halls nous transporte auprès de ces deux femmes que tout oppose, nous fait ressentir leurs espoirs et leurs peurs, leur vie si différente aux aspirations pourtant si similaires.
Avec force, elle nous propulse dans le Londres de cette fin XVIIIe siècle, où la misère côtoie l’opulence, où les enfants des rues sont si nombreux ou leurs familles si pauvres qu’ils sont confiés aux « bons soins » d’orphelinats, créés suite à une politique sociale « généreuse ».
Pour la petite histoire, celui de Foundling a vraiment existé, fondé en 1739, il en existe désormais un musée – CLIC
Son récit, choral, richement documenté et immersif, servi par une écriture fluide, questionne sur le lien entre amour, maternité et argent, sur la sécurité matérielle, financière et psychologique. Sur ce que l’on transmet, volontairement ou bien malgré nous. Et sur le bonheur et ce qui le compose.
Il est aussi un roman éminemment féminin, nous faisant le portrait juste, cruel et saisissant, de la condition de la femme à cette époque.
À l’instar de la Tamise soumise à des marées, la ville, capable de donner et reprendre, avait ses caprices.
J’ai beaucoup aimé ce roman, qui m’a happée tout du long.
Sa couverture est magnifique, richement détaillée, et ses éléments prennent sens au fur et à mesure de la lecture, j’aime !
Son illustration se prolonge à l’intérieur. C’est magnifique !
A elle, s’ajoute un ex-libris ainsi qu’une carte de Londres pour bien nous représenter les lieux et les distances. J’apprécie ces petits plus.