Les Croix de Bois. De Roland Dorgelès. JD MORVAN et Facundo PERCIO – 2020 (BD)
Publié le 24 Novembre 2021
Les Croix de Bois
D’après le roman de Roland Dorgelès
Scénario de JD MORVAN
Dessins et couleurs de Facundo PERCIO
Éditions Albin Michel, avril 2020
104 pages
Thèmes : Première Guerre Mondiale, Adaptation, Classique, Histoire, Mémoire
En 1919, approché par Albin Michel lui-même, Roland Dorgelès publiait Les Croix de Bois, roman d’autofiction et hommage à ses camarades morts au combat, reposant sous des croix ou dans des fosses d’infortune.
Pas un instant je n’ai songé à tenir le journal de mon régiment. J’avais une ambition plus haute : ne pas raconter MA guerre mais LA guerre.
Réformé deux fois, puis engagé volontaire grâce à l’aide de Clémenceau, Roland Dorgelès nous emmène auprès du Caporal Bréval, de Bouffioux, de Fouillard, de Broucke et surtout de Gilbert Demachy, jeune Bleu fraîchement arrivé dans la Compagnie, de Sulphart, rouquin rouennais très fort en gueule et de Jacques Larcher, Parisien, écrivain et le narrateur du roman.
Ces trois derniers personnages incarnent tour à tour Roland Dorgelès, selon les situations et épreuves traversées. Leurs destinées, volontés, émotions, se confondent.
La première conséquence morale de la guerre, pour beaucoup de jeunes gens, fut de leur révéler une fraction d’humanité dont tout les séparait.
Nous les suivons tous dans leur quotidien, dans les tranchées, sous la mitraille, la peur au ventre, dans l’attente, lors de la relève, en attendant la Roulante ou lorsqu’ils écrivent à l’Arrière, pendant une permission, dans l’épreuve de la Mort...
Tu te feras à cette dégueulasserie, petit.
Et c’est bien ça le plus dégueulasse...
Après avoir lu, et aimé, le roman, découvrir cette adaptation graphique m’était une évidence.
Le scénario de JD Morvan entremêle l’œuvre et la vie de l’auteur, qui apparait à de multiples reprises dans les planches, comme soldat ou comme écrivain.
J’ai beaucoup aimé cette imbrication qui explique et prolonge le roman, d’autant que de nombreux passages coupés ou censurés nous sont restitués. Il y a aussi de nombreuses citations issues des Croix de Bois mais aussi des autres livres de Roland Dorgelès. Cela donne encore plus de force au récit, qui n’est pas une « simple » adaptation mais une interprétation et un hommage double.
Des morts qui protègent des vivants, je ne connais pas de meilleure définition possible de cette guerre.
Côté dessin, Facundo Percio s’inspire de différentes influences picturales.
Son trait charbonneux au fusain et à l’encre comme le choix chromatique (quasi uniquement composé de noir, ocre et blanc) nous saisit de suite.
Il nous transporte vraiment aux côtés des soldats. Il rend l’air oppressant, sale de terre, de fumées, de peurs. Il floute les proximités et perspectives, et pourtant, les visages et corps sont aussi détaillés qu’expressifs.
Les pleines pages suspendent le temps, éternisent le moment, oppressent l’atmosphère. Leur cadrage les rend paradoxalement magnifiques.
Pour les passages concernant Dorgelès, le trait est plus fin, empreint de gris, plus propre aussi, pour souligner davantage la distance géographique mais surtout de vie entre les Parisiens et les Poilus.
Et maintenant, arrivé à la dernière étape, il me vient un remords d’avoir osé rire de vos peines, comme si j’avais taillé un pipeau dans le bois de vos croix.
Ce roman graphique est vraiment à découvrir !
Il participe au RDV « BD de la semaine » qui se passe aujourd’hui chez Stéphie (CLIC); à mon Challenge autour de la Première Guerre Mondiale et au nôtre avec Nathalie, dédié aux Classiques; au "Petit Bac 2021" d'Enna pour ma 9e ligne, catégorie Couleur; ainsi qu'à l'Objectif PAL dAntigone.
Mon avis sur le roman - CLIC
Belles lectures et découvertes,
Blandine