C'est lundi, que lisez-vous? #445

Publié le 16 Octobre 2023

Ce rendez-vous hebdomadaire consiste à vous présenter chaque lundi mes lectures passées, en cours et à venir en répondant à trois questions :-)

1/ Qu'ai-je lu la semaine passée ?

ROMAN ADO

Tous nos rêves ordinaires. Elodie CHAN. Éditions Sarbacane, 2023

Sélectionné pour le Prix Vendredi, j'ai lu ce roman pour A l'Ombre du Grand Arbre et dès les premières pages, j'ai aimé! J'ai aimé car le récit se déroule à l'aune des années 2000 et que les références musicales, vestimentaires, populaires et autres, sont les mêmes que les miennes puisqu'à un ou deux ans près, j'avais le même âge que les personnages... et que ce qu'ils connaissent et ressentent dans leurs relations, leurs amitiés ou envies, je les ai eues aussi!

Nous voici donc dans banlieue pavillonnaire ordinaire, à Val-de-Seine, en Normandie. C'est l'été, il fait chaud, on s'ennuie, on ne prévoit rien, on profite, on découvre, on expérimente... Romane, flamboyante rousse, est du genre réservée mais extravertie lorsque sa meilleure amie Lola, jolie blonde "parfaite" est à ses côtés. Ensemble, en rollers, petit short et rires, elles font tourner les têtes et les cœurs. Cyrus d'ailleurs, aimerait bien que Romane lui accorde davantage d'attentions, pour le plus grand dam de Chloé, son amie de toujours, dont il découvre un jour de fête, et donc trop tard, qu'elle est "une fille". Lola, elle, rêve de paillettes et célébrité, enfin, elle veut surtout échapper à l'aura de sa mère, ancienne "Miss Normandie" qui lui serine sa perfection. Alors elle participe à un casting pour devenir chanteuse, mais derrière ses airs bravaches de fille qui se la joue femme (et qui fait comme si elle savait), innocence et naïveté sont toujours là. Gabriel lui ne veut surtout pas s'attacher pour ne pas reproduire le schéma parental, alors il passe de fille en fille, fume autant qu'il peut car ça évite de se souvenir, donc de souffrir. C'est tellement plus facile d'être le bourreau des cœurs, il n'avait juste pas prévu, pas voulu, pas imaginé, succomber. Et puis il y a Serge, un père de famille qui voit sa fille grandir, devenir femme, et ça il supporte pas, ça le renvoie à son âge, à sa condition, ça le met minable, alors il cogne. Violence ordinaire qui se devine derrière les fenêtres mais qu'on ne veut surtout pas entendre, savoir...

Cet été-là va changer beaucoup de choses pour eux tous, leur permettre de grandir, prendre conscience, s'émanciper, reproduire des schémas ou justement s'en échapper. Et si les époques changent avec notamment les modes de communication, certaines choses demeurent... entre adolescence, premières fois, apparences et émotions. La petite mention à "Normal People" de Sally Rooney (qui m'avait laissée circonspecte) m'a rendue curieuse et je me représente bien le parallèle. Chaque génération voudrait s'inventer, s'affranchir tout en poursuivant des modèles, une certaine forme de normalité. Les sentiments demeurent, seuls les moyens changent (et les références musicales!!)

ROMANS

Commence par raconter. Meg REMY. Premier Parallèle, 21 septembre 2023

"N'oublie pas, c'est ton histoire, c'est à toi de la raconter."

Le récit protéiforme de Meg Rémy ne se demande pas s'il faut parler des violences sexuelles subies, mais comment en parler, quels mots utiliser et pour quel sens.

"Je ne veux pas avoir à prouver l'horreur de ce que j'ai subi. Je veux juste que les gens sachent que les personnes traumatisées ont des réactions qui n'ont aucun sens vues de l'extérieur."

 Ce faisant, elle entremêle plusieurs de ses histoires de vie à la sienne, non pas pour la diluer, mais bien pour montrer leurs liens, leur fatalité imbriquée. La violence ordinaire, sociétale (américaine), systémique, à l'indicible et cachée qui se terre dans le secret de sa/les famille (s). Pour exprimer ce qu'elle ne peut pas, elle intègre dans la marge des citations qui expliquent, qui contextualisent, qui complètent.
C'est fort et c'est percutant.

Une claque!

 

Le tort du soldat. Erri DE LUCA. Gallimard, 2014

Dans une première partie, le narrateur que je pense être Erri De Luca lui-même nous raconte comment il en est venu à se retrouver avec un manuscrit yiddish à traduire, et, ce faisant, les singularités de la langue yiddish, les différences de traductions et la difficulté mémorielle de la Shoah.

La deuxième partie nous entraîne auprès d'une jeune femme anonyme qui nous raconte son père qu'elle sait être un criminel de guerre allemand car il ne s'en est jamais caché, vivant toujours dans la peur d'être démasqué. Elle nous raconte l'exil, le changement de nom (sans connaître le nom premier), le métier de facteur, son silence en public pour ne pas laisser une trace, les yeux baissés, et ce sentiment oppressant d'être perpétuellement en fuite mais sans jamais regretter ce qu'il a pu commettre. Car "Le tort du soldat est la défaite. La victoire justifie tout." Elle de son côté vit autrement et presqu'à l'opposé. Si lui se referme, elle elle s'ouvre, si lui vit avec le souvenir de l'uniforme, elle se déshabille en devenant modèle artistique de nu... Et la fin la laisse toujours dans une ambivalence, et nous avec. Ce roman, très court, m'a parfois un peu perdue car la fille se perd en disgressions, mais les questionnements quant à la mémoire et à la transmission, individuelle, familiale, générationnelle, et à cette absence de remords, sont très intéressants. D'autant qu'ils n'ont pas fortement de réponses.

2/ Que suis-je en train de lire en ce moment?

L'homme tempéré. Elie GUILLOU. Marabout Editions, 2023

Grâce à la Masse Critique de Babelio, j'ai reçu ce roman de la Rentrée Littéraire qui nous entraîne en Turquie, auprès d'un jeune homme venu là-bas pour rencontrer des dengbejs, des chanteurs traditionnels. Ce qu'il va découvrir, c'est surtout une situation politique tendue et violente, à l'égard des kurdes.

Elie Guillou s'est servi de sa propre expérience commencée en 2012, pour écrire ce roman, qui oscille entre une vision touristique et politique, entre un regard innocent et un regard attristé. Prenant de plein fouet cette réalité, qu'il vit aux côté de deux hommes photoreporters, notre narrateur voit, visualise, intègre des informations quant aux Kurdes, à leur histoire et à leur répression, et se demande comment en rendre compte. Alors il rencontre, discute, se retrouve au cœur de manifestations, assiste à des lynchages ou à l'indifférence lorsqu'il rentre en France...

"Présente toutes les nuances, même celles que tu ne comprends pas." lui conseille-t-on. C'est ce qu'il s'attache à faire.

Roman à la limite du document, évidemment complexe et délicat, je suis entrée, paradoxalement, facilement dans ce récit, qui est intéressant, prenant, visuel. L'écriture d'Elie Guillou va à l'essentiel, reste sobre, presqu'orale, et accessible. Et des dengbejs, il en est aussi question.  Et comme tout ce qui a trait à la Turquie m'intéresse, forcément, cela aide! Il ne me reste qu'une cinquantaine de pages.

 

L'Esprit des cafés suspendus. Jeremy ANGELO. Twinkle Editions, 2023

C'est à nouveau grâce à une belle campagne Ulule que j'ai acquis ce nouveau roman, au titre très intriguant, des Editions Twinkle.

L'Esprit du titre est sir Simon, mort depuis plus de trois siècles et qui erre sur son ancien domaine. Au fil du temps et des générations, son Manoir s'est décrépi, mais lui est resté tel quel depuis son décès. Sans répit, ill repense à celle qu'il a aimée et qui s'en est allée. En allant au café qui s'est construit sur ses terres, vendues depuis, il croit voir sa bien-aimée... Celle qui lui ressemble tant s'appelle Ella Wilde, Agente immobilière chez Young & Son, et chargée de la vente du Manoir dont elle doit faire l'estimation. En s'y rendant, Ella repense aux histoires de son arrière-grand-mère, sur cette propriété des Canterville. Ce lieu décrit serait-il cette vieille demeure décatie? Alors qu'elle est mise à la porte  par Feliciy, son adjointe et amie (pensait-elle), Ella se rend au manoir avec ses bagages, n'ayant pas d'autre solution pour avoir un toit sur la tête, et même si c'est bien contraire à toute déontologie. Mas ce qu'elle découvre une fois la lourde porte passée ne ressemble absolument pas à la demeure délabrée vue tantôt...

J'adore l'atmosphère qui se dégage de ce roman gothique qui emprunte au célèbre roman d'Oscar Wilde (et que j'aime tant!). Ella est impulsive et cartésienne, Sir Simon est à la fois posé et désabusé. Pour la revoir, il a accepté une proposition des plus définitives... mais que ne ferait-on pas par Amour?! Et puis, à Noël, il est permis de rêver...

Une grande Lecture Commune initiée par Twinkle sur Instagram m'a permis de commence le roman, mais bien sûr, j'ai pris du retard... Qu'importe, je me régale!

3/ Que vais-je lire ensuite?

 

Trois âmes sœurs. Martina CLAVADETSCHER. Éditions Zoe, août 2023

Présentation de l'éditeur

Iris dans la prison dorée de son penthouse new-yorkais; Ling en Chine, ouvrière d'une usine de poupées à taille humaine; Ada Lovelace, fille de Lord Byron et mathématicienne de génie bien à l'étroit dans l'Angleterre victorienne: elles vivent à des époques et dans des lieux différents, mais toutes trois sont unies par un lien mystérieux, une quête commune qui les font braver l'ordre établi.

Roman gigogne, Trois âmes sœurs brouille les frontières entre l'humain et la machine, bouleverse nos a priori sur l'intelligence artificielle. Pour acclamer le pouvoir de l'imagination et activer la mécanique de la désobéissance.

Pour finir, je vous mets les liens des articles parus la semaine passée et vous souhaite de belles lectures et découvertes pour celle à venir!

Blandine

 

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Rédigé par Blandine

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F
Oh oh, je note "tous nos rêves ordinaires" (2000, vous avez dit 2000 ? ^_^ yeah, j'avais 17 ans alors je vais adorer ^_^) et "l'esprit des cafés suspendus" (vive le fantôme de Canterville !!!) . Je t'embrasse, miss Blandine ! Bonne suite de semaine !
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B
oh oui tu aimerais très certainement <3 Très bonne fin de dimanche et bonne semaine à venir, des bisous Fondant !
C
Je vais finir de lire Jane Eyre après un livre "un vampire ordinaire" de Suzy MC KEE Charnas suivra et ensuite "l'autre qu'on adorait". Là je ne serai pas dans les clous pour la fin du mois en parler, dommage.
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B
L'essentiel est de se faire plaisir en lisant ;-) Bonnes lectures!