Un parfum d'encre et de liberté. Sarah McCOY - 2017

Publié le 27 Février 2022

Un parfum d'encre et de liberté

Sarah McCOY

Traduction depuis l’américain par Anath RIVELINE

Éditions Pocket, février 2017
480 pages

Thèmes : Etats-Unis, Abolitionnisme, Condition des Noirs, Amour, Estime de soi

Dans ce roman au titre magnifique, nous suivons deux femmes, qui vivent à deux époques différentes et qui pourtant sont liées. 
Par un désir et renoncement, et par un lieu.

1859
La première s'appelle Sarah Brown, une Blanche de la deuxième moitié du XIXe siècle, fille du célèbre abolitionniste John Brown, mort pour la cause. Elle décide de suivre les traces de son père en œuvrant pour le Chemin de Fer clandestin. Douée pour le dessin, elle a peint des "cartes" pour aider les Noirs à s'enfuir vers le nord sur des supports très inattendus et donc indécelables. 

Ayant été malade enfant et décrétée stérile, elle a décidé de se consacrer entièrement à cette Lutte, renonçant ainsi à l’Amour de sa vie, Frederick Hill, qui l’aimait aussi pourtant.
Leur vie durant, ils se sont échangés des lettres qui nous sont retranscrites, et dans lesquelles nous lisons leur engagement mutuel, l’un envers l’autre, bien qu’il se soit marié avec Ruthie, comme dans le Chemin de fer clandestin.

La mort de son père ne marquait pas la fin de sa mission, mais le début d’une œuvre plus importante.
Les gens étaient capables de bien plus d’amour et de bienveillance qu’ils se l’imaginaient. La parole collective ne laissait pas toujours transparaître la bonté individuelle. Bien sûr, d’affreux personnages commettaient des actes monstrueux. Dans cette région, des êtres humains en maltraitaient d’autres à cause de la couleur de leur peau. De viles créatures qui se considéraient supérieures à leurs semblables. Leur père le leur avait prouvé à tous : quand un cœur s’arrête de battre, la seule couleur qui demeure, c’est le rouge du sang. La chair est égale. Une personne est bonne ou mauvaise par son caractère seulement.

2014
La deuxième s'appelle Eden Anderson. Mariée à Jack, ils essaient d’avoir un bébé et ont tout tenté pour cela, changeant alimentation et mode de vie, s’injectant des hormones qui influent sur son humeur, et allant jusqu’à déménager.
C’est ainsi qu’ils ont acheté une maison à New Charleston trois mois plus tôt. Mais à défaut d’avoir un bébé, Jack offre à Eden un chien, baptisé Criquet.
Et c’est lui qui permet à Eden de trouver dans le sol de sa cuisine, une cave à légumes, et dedans, une tête de poupée en porcelaine, aux yeux vairons, légèrement fêlée et d’où s’échappe un cliquetis.

Mais contre toute attente, Eden s’attache à Criquet, comme à la fillette voisine, Cleo, onze ans. Une amitié inattendue qui, peu à peu, l’aide à reprendre goût à la vie, à faire des rencontres, à travailler dans la librairie de Mlle Silverdash en tant que conteuse, à se mettre à la cuisine et à développer une super idée.
Cherchant à faire classer la maison historiquement, Eden et Cleo vont petit à petit ôter les voiles de mystères qui entourent la tête de poupée.
Dans le même temps, Eden renoue avec son frère Dennis, qui aurait tant aimé percer dans la musique.

Seul le souvenir crée la réalité.

Je suis contente d'avoir enfin découvert l'écriture de Sarah McCoy avec ce roman dont j'aime énormément les thèmes et le procédé narratif qui voit s’alterner deux époques et s’affiner le lien qui unit ses personnages.
Même s'il fait quelques longueurs, j'ai aimé découvrir ce qui unit et réunit ces deux femmes à-travers le temps, et la réflexion sur la filiation, l'avenir, l'après-soi.
Toutes les deux se cherchent, luttent pour ce qu’elles désirent et ce en quoi elles croient, elles résistent, avant de devoir renoncer. Aussi difficile soit cette décision, une fois prise, elle permet à la lumière d’entrer dans leur vie.

Ce que les légendes et l'histoire ont en commun, c'est que tout le monde court vers son avenir, quel qu'il puisse être.

Pour construire son roman, Sarah McCoy s’est inspirée d’une femme ayant vraiment existé, Sarah Brown, et dont elle nous raconte les recherches en postface. Et forcément j’aime. Cela apporte au roman beaucoup de relief, même si je trouve dommage que son histoire d’amour contrariée ait pris le dessus sur son engagement. 
Cela nous donne envie d’en savoir davantage sur elle, son combat et son aide pour le Chemin de fer clandestin. Comme ses amitiés avec différents écrivains, dont Louisa May Alcott (autrice des Quatre filles du docteur March).
Sarah McCoy nous montre combien Blancs et Noirs sont liés, et comment lutter pour sa vie, ses Droits et ce que l’on considère juste demandent de courage, de volonté, de renoncement et de force de persuasion.
J’ai aimé comment elle aborde les liens entre les familles de Blancs et de Noirs, dans l’amitié, dans l’entraide.

Sarah Brown - source

Quant à Eden, même si son histoire est plus intime, elle n’en reste pas moins douloureuse. Renoncer à son désir le plus cher, à son idéal de vie, devoir accepter l’échec et que d’autres puissent avoir ce qu’elle désire ardemment, est tragique. A travers Eden (et ce choix de prénom n’est certainement pas anodin), Sarah McCoy rend hommage à toutes ces femmes qui ne peuvent devenir mères « naturellement », « facilement ». Et elles sont de plus en plus nombreuses.
Si Eden a su trouver sa voie, je regrette que cela prenne la forme d’un « happy end » un peu hâtif.

On ne peut pas forcer la vie à faire ce qu’on veut quand on le veut. On ne peut pas changer le passé, ni contrôler l’avenir. On peut juste vivre le présent le mieux possible. Et avec un peu de chance, il nous sourit.

Ce roman participe au "Petit Bac 2022" d'Enna, pour ma 2e ligne, catégorie Ponctuation et à son African American History Month; au "Tour du Monde en 80 Livres" de Bidib et à l'Objectif PAL d'Antigone.

 

 

 

 

Belles lectures et découvertes ! 

Blandine

 

 

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Commenter cet article
A
Il a l'air effectivement très intéressant !
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Oui j'ai beaucoup aimé, et surtout que l'autrice se soit appuyée sur un vrai parcours de vie et combat!
C
Tu fais envie !
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Merci :-)
N
J'ai lu (et aimé) 4 romans de cette autrice, mais mon préféré, celui que j'ai trouvé le plus fort, c'est "Un goût de cannelle et d'espoir".
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Il est dans ma PAL alors c'est sûr, je le lirai^^
E
Tu me tentes beaucoup ! Merci de ta participation !
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J'en suis ravie :-)
F
Noté !!! :-) Je reconnais tellement de choses dans le parcours d'Eden et Mark... Et puis l'entrelacement des 2 époques est plaisant... Oui, noté assurément!
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Cela me fait bien plaisir^^ comme toi j'aime cette narration en deux temps! Et comme pour toi, mais différemment je pense, la situation d'Eden a fait écho!