Dis, Mamie, raconte-moi… - Partie 1/4 La robe rouge de Nonna (Dès 8 ans)

Publié le 2 Février 2018

Dis Mamie, raconte-moi ton histoire. Raconte-moi d’où tu viens, raconte-moi d’où je viens.

Parce que nos grands-parents sont des clés de notre passé, parce que parfois, souvent, il est difficile d’en parler, parce que l’histoire n’est pas toujours tendre mais qu’il nous faut savoir, que des petits gestes ou habitudes trahissent ces ailleurs … Mamie, raconte-moi…

Raconte les absences ou les peurs, raconte ton enfance, tes joies et tes peines, raconte moi les autres, ta famille, tes amis, chante-moi encore cette chanson qui nous transporte ailleurs…

Dis Mamie raconte moi… Est-ce que pour toi aussi c’était si dur d’être enfant, et puis c’était quand, et c’était comment ? Dis Mamie raconte-moi…

"Parce que tu te retrouves en moi et parce que je me retrouve en toi, oui je te raconte…" ou pas...

Mais les mots, les paroles, les discussions sont si difficiles à venir, parce qu’en fait il n’y en a pas, de mots, parce qu’ils déformeraient les sentiments, usons d’autres moyens… transmettre, oui, mais par le cœur, par le savoir-faire, transmettre la beauté, le bonheur de créer plutôt que les larmes des paroles. Partir pour vivre, fuir pour vivre et faire vivre… Tout s’entremêle.

Voici trois albums (en trois articles) qui nous parlent de mémoire, de familles, de destins, de souvenirs douloureux, volés, envolés… et heureusement transmis, par la chanson, par la cuisine, par la couture, par le temps passé ensemble…

Et des cahiers pour y compiler des souvenirs, des détails de vie, des photos et anecdotes, à remplir à deux.

Dans ce premier article, je vous présente cet album:

La robe Rouge de Nonna

 

Texte de Michel PIQUEMAL

Illustrations de Justine BRAX

Editions Les Incorruptibles avec l’aimable autorisation des Editions Albin Michel Jeunesse, octobre 2014. (Première publication 2013)

 

Dès 8 ans

 

Notions abordées : famille, expatriation, mémoire, transmission.

Quand j’ai vu cet album pour le Prix des Incorruptibles 2014-2015, sélection CM2/6e, j’ai tout de suite été attirée ! D’abord par l’illustration magnifique et ce rouge, puis par le titre « Nonna » et enfin le duo auteur/illustratrice.

Ils avaient déjà travaillé ensemble sur La Voix d’Or de l’Afrique, proposé l’an passé au Prix des Incorruptibles, niveau CE2/CM1. Une histoire de famille et de chant, une histoire de culture et de traditions. Un album issu d’une histoire vraie, tout comme celui-ci.

Cet album est inspiré d’une histoire vraie, arrivée à ma grand-mère alors qu’elle était encore une enfant dans l’Italie fasciste.
Je l’ai racontée à Michel, qui a voulu la transmettre à son tour afin que la mémoire demeure.

Dédicace. Isabelle Chatellard, illustratrice, découvrez son blog :

Nonna…

Nonna en italien veut dire grand-mère et j’ai su que cet album me plairait, et me parlerait. D’origine italienne du côté paternel, je n’en sais pas plus. Mon grand-père considérant que ceci n’est pas « intéressant ».

Ma grand-mère, « nonna », chante tout le temps.
Dès qu’on entre chez elle, on l’entend fredonner :
« Va, pensiero…
Funiculi, funiculà…
Farfallina… »

Nonna chante toujours en italien, sa petite-fille voudrait savoir pourquoi et connaître la signification de ces chansons… Alors elle lui raconte…

Elle lui raconte comment était l’Italie dans son enfance, dans les années 1920, ses parents.

Une société très empreinte de religion, une société qui ne mange pas à sa faim mais qui rêve à de jours meilleurs. Surtout son père. Ouvrier certes, mais cultivé grâce à son métier il entonne des chants révolutionnaires avec les copains, comme celui de Bella Ciao.

Mais l’arrivée de Mussolini en 1922 a aggravé les tensions.

Il avait les mêmes idées que Hitler.
Era un fascista. Il détestait les communistes… mais il s’entendait avec les curés, les « robes noires ».
D’ailleurs, tout était noir chez les fascistes. Ils se donnaient même le nom de « Camicie nere », les Chemises noires. C’étaient des bandes de sales types qui, au nom de leur chef, faisaient régner la terreur.

Senza dio, la répression s’abat sur lui, puis sur sa femme…

Exclus professionnellement, exclus socialement, exclus amicalement… Les copains fuient, lui veut rester, il ne veut pas quitter son pays.

La primavera tornerà, le printemps reviendront et les fascistes s’en iront !

Le printemps est venu.

De nouveaux vêtements, une nouvelle robe a été cousue, rouge. Rouge coquelicot, rouge communiste, rougir de honte et de colère…

« Ora la Francia è la nostria patria » a dit mon père.
C’était notre pays désormais. Et quand, bien plus tard, la guerre entre la France et les fascistes a éclaté, tout macaroni qu’il était, il s’est battu pour défendre notre nouveau pays.

Cette histoire est vraie et les deux dernières pages de l’album nous en donne quelques clés. D’abord avec l’origine de la chanson Bella Ciao. D’abord chantée par les femmes travaillant dans les rizières de la plaine du Pô pour protester contre leurs conditions de vie, elle fut modifiée pour devenir un hymne à la lutte antifasciste des partisans, avant de se répandre dans l’Europe entière.

Les illustrations sont splendides, saisissantes. Les yeux des personnages nous percutent. Très empreintes de ce rouge, fil conducteur de l’histoire, elles mêlent plusieurs techniques : peinture, collages, dessin, aquarelle, qui confèrent à l’album un énorme pouvoir attractif et une vibrante émotion que le grand format renforce.

Ce titre participe au Challenge Petit Bac 2014 d’Enna, pour ma troisième ligne jeunesse, catégorie Sphère familiale, ainsi qu'au Prix des Incorruptibles 2014-2015. (CM2-6e)

 

 

 

 

 

 

Les autres albums et cahiers qui composent cet article en 4 parties sont:

Les deux albums, La robe rouge de Nonna et Le fil de soie sont à la fois similaires et différents.

Deux histoires de famille entre filles, de grand-mères à petites filles, deux histoires de coutures et de printemps, deux chansons et deux robes, la couleur rouge, deux histoires qui commencent dans la cuisine, lieu de tambouille familiale, de vie, de secrets et de mystères…

Deux histoires de familles et histoires d’Histoire, d’évènements qui ne sont plus mais qui demeurent, insidieusement, cachés dans le repli des souvenirs familiaux.

Deux expatriations qui chantent l’ailleurs, la mélancolie, la tristesse, mais aussi l’espoir puisque l’histoire se transmet.

Deux histoires vraies…

Il arrive malheureusement que la mémoire ne puisse être transmise, les souvenirs rangés, les secrets levés, les interrogations tuées… Lorsque la mémoire s’envole mais que la personne est toujours là, notre mémoire à nous est fortement endolorie, partagée, tiraillée…

Lorsque la porte se ferme, il n’y a plus grand-chose à faire à part entourer et aimer… Et c'est l'objet du troisième album: Mamie a besoin de bisous.

Belles lectures et découvertes,

Blandine

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M
Quelle bonne idée, ces billets ! Cet album me tente énormément. J'espère le trouver à la bibliothèque.
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B
Merci Mya <3<br /> Cet album est magnifique, j'espère que tu pourras le découvrir!
M
Il y a de jolies pépites dans les précédentes sélections !! Fais aller y mettre mon nez, tu me donnes très envie de lire plusieurs albums !
Répondre
B
Oh que oui :-)<br /> Tu m'en vois ravie car oui, elles sont vraiment chouettes!