Rebecca. Daphné DU MAURIER - 1938 + Film (2020)

Publié le 30 Juin 2023

Rebecca

Daphné DU MAURIER

Roman traduit de l’anglais par Anouk NEUHOFF

Le Livre de Poche, mai 2016
Première parution en 1938
633 pages

Thèmes : Angleterre, Policier, Amour, Emprise, Condition de la Femme

Lecture Commune avec Nathalie et Isabelle

Rebecca.
Seul l’évocation de son prénom suffit à conquérir, à convoquer d’intenses souvenirs.
A lui seul, il résume toute l’admiration que tous vouent à cette fougueuse jeune femme brune.
Sûre d’elle, conquérante, avec un bon goût parfait en toute chose.
Dans la sphère domestique, pour décorer, agencer, gouverner la maison, élaborer des menus, dresser chiens ou chevaux.
Comme dans la sphère publique, en recevant des invités pour le thé ou lors de fastueuses réceptions. Tels les bals de Manderley, dont on parle encore.
Rebecca savait tout faire et plaisait à tous.
Elle manque cruellement à chacun bien sûr.
Et en particulier à son époux, Maxim De Winter, propriétaire héréditaire de Manderley de 46 ans, dévasté depuis son décès, survenu dix mois auparavant, suite à une incompréhensible sortie en mer sur son voilier Je Reviens.

Rebecca est encore partout.
Tout à Manderley, du majordome au dernier domestique, des rhododendrons rouge flamboyant au plus petit bibelot, rappellent Rebecca.

Il ne m'appartenait pas du tout, il appartenait à Rebecca. Elle était toujours dans la maison, comme Mrs Danvers l'avait dit, elle était dans cette chambre de l'aile ouest, elle était dans la bibliothèque, dans le petit salon, dans la galerie au dessus du hall. Même dans le petit vestiaire où pendait son imperméable. Et dans le jardin, et dans les bois, et dans la maisonnette en pierre sur la plage. Ses pas résonnaient dans le corridor, son parfum traînait dans l'escalier. Les domestiques continuaient à suivre ses ordres, les plats que nous mangions étaient les plats qu'elle aimait. Ses fleurs préférées remplissaient les chambres. Rebecca était toujours Mme de Winter. Je n'avais rien à faire ici.

Cette présence sourde, cette ombre aussi mystérieuse qu’oppressante, étouffent la toute nouvelle et toute jeune Madame de Winter, dont jamais le prénom ne nous sera donné, et qui est la narratrice du roman.
Jeune femme de vingt ans, peu sûre d’elle et constamment rabaissée par l’Américaine dont elle était la demoiselle de compagnie, sa candeur juvénile a séduit le ténébreux Maxim De Winter, rencontré à Monte Carlo.
Après une demande en mariage aux allures de contrat, une noce discrète et une lune de miel idyllique en Italie, les jeunes époux rentrent à Manderley.

Superbe domaine situé en bord de mer, manoir gothique entouré de bois que traverse la « Vallée heureuse », Manderley domine et fascine.
La jeune Mrs De Winter ne connaît rien à ce monde et s’en remet entièrement à Mme Danvers, l’austère et rigide gouvernante en chef qui sait jouer et entretenir du malaise et de l’angoisse que l’évocation de Rebecca instaure en sa nouvelle maîtresse anonyme.

Maladroite et pétrie de doutes, la fragilité de la jeune femme fait le jeu de Mme Danvers qui trouve son apogée lors du bal donné en son honneur.
Le lendemain, un bateau fait naufrage dans la baie, transpercé par des récifs.
Et alors qu’un scaphandrier plonge, il découvre au fond de l’eau, un voilier, le voilier de Rebecca.
Une enquête est ouverte et le roman prend une toute autre dimension car la jeune épousée acquiert confiance en elle et décide d’épauler son mari, avec qui une franche discussion vient d’avoir lieu.

Le rythme, jusqu’alors lourd et étouffant, s’en trouve dynamisé, rendu urgent par les révélations et le procès qui menacent Maxim De Winter.
Son caractère se révèle.
Lui qui jusqu’alors était relativement froid et distant, extrêmement paternaliste avec sa jeune épouse qu’il appelait « mon enfant » en l’embrassant sur le front et lui intimant de se calmer, trouve en elle, une alliée de poids. Tout en déplorant la perte de son innocente naïveté.

Je crois bien que la bonté et la sincérité d'une femme valent mieux pour son mari que tout l'esprit et toute la beauté du monde.

Cette partie m’a totalement tenue en haleine. Maintes fois je me suis imaginée des catastrophes. C’en est une toute autre qui est survenue.
Et la fin… Ouverte comme j’aime !

Rebecca, son caractère affirmé et sauvage, sa personnalité indépendante, opportuniste, populaire, imprévisible et affranchie, nous sont très bien rendus par les dires des différents personnages, Mme Danvers en tête.
De ce fait, Rebecca nous paraît particulièrement détestable.
Et pourtant !
C’était une femme qui voulait vivre sa vie comme elle l’entendait. A la fois prisonnière d’un mariage de convenances et qui, paradoxalement, la rendait libre aussi. Chose que ne pouvait concevoir son mari, homme patriarcal, pétri de conformité et de réputation, aussi subjugué que révulsé par ce désir, ce besoin d’indépendance, si peu « féminins ».

Cette perspective nous attache la jeune Mme De Winter, qui semble si faible et sans consistance en comparaison. Comme si elle avait besoin de notre protection pour éclore puis s’épanouir, pour grandir, devenir pleinement femme.

Le syndrome Rebecca existe réellement, et il est la crainte (voire le cauchemar) de toute deuxième (ou nouvelle) épouse : comment exister après la première ?

Rebecca est un roman magistral qui m’a totalement emportée, qui m’a fait passer par différentes émotions, parfois jusqu’à m’agacer (à cause de la naïveté de la jeune femme, à cause du comportement de son époux, en raison de l’aveuglement de tous envers Mme Danvers) et dont la fin m’a littéralement scotchée. J’ai relu le début, car suite aux dernières pages du livre, les mots ont pris une toute autre dimension, comme si ce début était en réalité l’épilogue.

Mon édition bénéficie d’une nouvelle traduction. J’ai trouvé le tout, vocabulaire comme descriptions, très contemporain, j’ai eu du mal à m’immerger dans cette société des années 1930 que n’arrivais pas à restituer.

 

Qu'en ont pensé Nathalie et Isabelle? Allons lire leurs avis!

Dans la foulée, j’ai regardé la nouvelle adaptation cinématographique du roman, sortie en 2020 par et pour Netflix et réalisée par Ben Wheatley. Les rôles phares sont interprétés par Lily James (la jeune épouse), Armie Hammer (Maxim de Winter), Kristin Scott Thomas (Mme Danvers), Sam Riley (Jack Favell), …
J’aurais dû laisser passer davantage de temps entre la lecture et le visionnage car, comme souvent, les différences sont nombreuses. Je n’ai pas vu l’adaptation réalisée par Alfred Hitchcock qui en avait déjà d’après ce que j’ai lu.
Dans cette nouvelle version, la vision est à la fois plus romantique (l’amour gagne toujours – ça fait très « américain ») et sensuelle (il y a quelques scènes de sexe qui ne sont qu’imaginées dans le roman), et surtout plus féministe.
 

En disposant les éléments du roman dans un autre agencement et en modifiant la fin, le message ne peut être tout à fait le même. L’atmosphère s’en trouve moins austère, moins dramatique. Il y a beaucoup de couleurs, qui ne sont pas le mêmes que dans le roman (je n’ai pas vu ces fameux rhododendrons, les robes du bal n’ont pas les mêmes teintes…)

Déçue de prime abord, je l’apprécie davantage à force d’y penser et de l’analyser.

J’étais sous le charme de la Vallée heureuse. Ici enfin se trouvait le vrai cœur de Manderley, le Manderley que j’allais connaître et apprendre à aimer.

Ce roman participe à notre Challenge autour des Classiques avec Nathalie; aux British Mysteries de Lou et Hilde; ainsi qu'au Tour du Monde en 80 Livres de Bidib


 

 

 

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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T
Bonjour Blandine.<br /> Je peux te faire pratiquement le même commentaire que je viens de mettre chez Nathalie ;-)<br /> Je n’ai toujours pas lu Rebecca alors que nous avions vu il y a quelques mois avec dasola le film qu’en a tiré Hitchcock.<br /> Vu le nombre de pages que tu indiques (633), tu peux inscrire ta lecture de Rebecca à d’autres challenges estivaux, à savoir “les épais de l’été” (que j’organise chez dasola) ou “les pavés de l’été” organisé par Sibylline (La petite liste)!<br /> Si le coeur t’en dit… il te suffit de rajouter logos et liens et de faire part de ton inscription (en tout cas, pour celui que je gère…)!<br /> (s) ta d loi du cine, “squatter” chez dasola
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I
Comme d'habitude tu sais traduire ce que j'ai ressenti ! J'ai regardé le film d'Hitchock, comme toi, je n'ai pas laissé passer assez de temps entre ma lecture et le film. Il y a beaucoup de différences et en même temps des scènes sont copiées/collées. Merci pour cette lecture commune.
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Merci beaucoup Isabelle! C'est un roman qui m'a beaucoup marquée te je suis ravie que nous nous rejoignons dans nos ressentis et émotions de lectures! J'aimerais beaucoup voir la version Hitchcock! Merci à toi