Je finirai à terre. Laurent GAUDE.
Publié le 13 Juin 2014
Je finirai à terre.
Laurent GAUDE
Editions Actes Sud, collection « Babel », février 2011.
60 pages.
Thèmes abordés : Première Guerre Mondiale, Terre, peur, écologie.
Il fait nuit, il fait froid, un soldat marche. Il doit s’acquitter d’une mission pour le moins étrange. Porter le message énigmatique « Je n’ai pas pu le contenir » à un civil, un peu en arrière du front.
Après avoir rapporté ces propos au vieil homme, ce dernier, livide, s’apprête à lui raconter son histoire, tandis que résonnent des bruits sourds à l’étage… Une histoire à peine croyable, plus horrible, plus terrible que les canons allemands que l’on entend résonner non loin.
Le point de vue de l’auteur pour nous exposer les horreurs de la (Première) guerre (Mondiale) est tout à fait original. Bien sûr, Il évoque les obus, les balles, la mort pressante qui rôde, la peur permanente et les odeurs ! Mais l’auteur a choisi de nous parler de la Terre, de la planète et de la matière terre, qui souffre parce que les hommes s’entretuent. Parce qu’ils la délaissent d’un côté pour mieux aller se déchaîner contre elle et sur elle de l’autre. Elle ne sait plus comment gérer les morts et les coups qui, de partout, la martyrisent et la meurtrissent. Elle ne sait plus comment leur faire comprendre, et sa révolte prend une forme terrifiante, bien plus encore que la guerre… Cette terre qui pourtant leur sert à se protéger les uns des autres, a le pouvoir de les rendre fous…
Je retrouve dans cette courte nouvelle l’atmosphère glauque, lugubre et oppressante, éprouvée à la lecture de Cris, dont je vous ai brièvement parlé ici.
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C’est comme si l’on entendait les bruits, sentait les odeurs et la peur, ce climat noir et vicié. Ce déchirement des entrailles originelles et nourricières est décrit comme un viol. Et paradoxalement, cette nouvelle vision de la guerre est aussi très empathique. Comment ne pas souffrir avec la terre de ce que les hommes lui font ?
Vous avez vu à quoi ressemble la terre là-bas: on dirait qu'elle a chopé la petite vérole. Des trous, des crevasses, à perte de vue. Plus un arbre. Plus une motte d'herbe. On l'a calcinée et chaque jour on l'éventre un peu plus. Alors dites-moi: pourquoi elle ne voudrait pas nous tuer à son tour? Il faut bien que cela cesse un jour, non?
Certains croient, et je le crois aussi, que la Terre à une âme, dont le nom est Gaïa. Elle n’est pas une entité intellectuelle, ni rationnelle mais un concept sensoriel et émotionnel.
Le titre, Je finirai à terre est à la fois éloquent et ambigu ! Est-ce tomber, y retourner (dans la tradition chrétienne, ce concept est d’autant plus fort), symbolique (les tranchées, creusées dans la terre donc sont un symbole encore vif de la Grande Guerre) ?
Une courte nouvelle qui ne vous laissera pas indifférent et qui, bien que placée dans le contexte de la Première Guerre Mondiale, pourrait aisément être transposée à notre époque. Car la Terre est toujours et sans cesse exploitée pour ses richesses fossiles, son agriculture, elle est manipulée et transformée, les guerres y font toujours rage alors que si peu d’Hommes entendent ses plaintes…
Blandine.
Livre lu dans le cadre du Challenge de Stephie, "Une année en 14".
Challenge "Une année en 14" de Stephie
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