Léviathan. Paul AUSTER - 2001

Publié le 8 Février 2015

Léviathan

Paul AUSTER.

Editions le Livre de Poche, novembre 2001. (USA, 1992)

318 pages.

Thèmes : identité, le soi, valeurs.

Ce roman est le deuxième que j’ai lu de Paul Auster, après Smoke/Brooklyn Boogie.

C’était en juillet 2003, en vacances, au soleil.

Je me souviens que je l’avais dévoré, mais je crois, après sa relecture, que j’étais encore un peu jeune pour en saisir tous les aspects. Un peu jeune en âge et en expérience de la vie.

Car ce roman aborde le changement de soi et la notion que nous avons de nous-mêmes lorsqu’on regarde derrière soi, le chemin parcouru, les évènements passés, internes à nos vies ou extérieurs, mais qui nous ont tous forgé.

La relecture a été plus difficile, source de questionnements divers et fondamentaux.

Le changement dans le cours de nos vies nous influence c’est certain, dans nos opinions et manières de faire. Mais « en grandissant », trahissons-nous le jeune épris de liberté, d’idéaux, de valeurs, que nous étions ? Est-on, reste-t-on, peut-on toujours être celui que l’on pense être ? Les grands principes qui ont jalonné notre vie, ceux de notre famille, ceux de la société, sont-ils immuables ?

C’est à ces questions fondamentales sur la vie que Benjamin Sachs se confronte. Ou plutôt son ami, écrivain, et narrateur, Peter Aaron, qui veut nous décrire, expliquer, qui était Benjamin Sachs et son cheminement.

Comment un jeune homme épris d’idéaux, écrivain prometteur et engagé a-t-il pu basculer ? A-t-il basculé d’ailleurs ? N’est-ce pas la poursuite physique de son action lettrée ?

Deux évènements en apparence indépendants l’un de l’autre sont à l’origine de ce questionnement.

Un homme retrouvé mort sur le bord d’une route déserte du Wisconsin.

Un poseur de bombes qui défraie les chroniques américaines.

Ses cibles ne sont pas des personnalités ou la foule inconnue et anonyme. Ses cibles sont des valeurs et des symboles, ce que représentent et dont se targuent les Etats-Unis d’Amérique par le biais de chaque statue de la Liberté présente dans quelques 130 endroits partout dans le pays : le rêve américain !

A la différence du drapeau, qui a tendance à diviser les gens autant qu’à les unir, la statue est un symbole qui n suscite aucune controverse.
(…)
La statue de la Liberté n’est pas atteinte par de tels conflits. Depuis cent ans, transcendant la politique et les idéologies, elle se dresse au seuil de tout ce qu’il y a de bon en nous. Elle exprime l’espoir plus que la réalité, la foi plus que les faits, et on serait bien en peine de découvrir une seule personne qui veuille dénoncer les valeurs qu’elle représente : démocratie, liberté, égalité devant la loi.e

Pages 280-281.

Le narrateur nous décrit cet homme, sa vie, ce qu’il aime ou non, ses habitudes, ses travers. Il nous livre son point de vue sur l’écriture, le livre, sa nécessité et son autonomie propre. Ce trait commun à eux deux mais si opposé dans l’action de l’écriture, dans la perception de la vie.

Sachs prêtait automatiquement une grande intelligence à la personne à qui il parlait, donnant ainsi à cette personne le sentiment de sa dignité et de son importance.
(…)
Où qu’il se trouvât, il paraissait toujours chez lui, dans son environnement, et pourtant j’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi gauche, d’aussi maladroit physiquement, d’aussi peu habile à négocier la moindre opération.

Page 31.

Ce roman nous décrit la perte de soi, d’identité, à l’échelle humaine, de groupe, et même de pays, de nation. Comme un individu se transforme, la société évolue également. Douleur du présent, nostalgie de l’avant, peur de l’après… Non reconnaissance du monde dans lequel on essaie de se maintenir à flot.

Cette perte de soi, ce rapport introspectif à nous-mêmes, le regard que les autres portent sur notre soi, est une thématique majeure de l’œuvre de Paul Auster, qui aime à explorer les recoins de l’être et des identités.

La destruction du Léviathan, gravure de Gustave Doré, 1865

Le titre de ce roman ne laisse bien sûr pas indifférent.

Le Léviathan est une créature qui, selon plusieurs légendes et croyances, symbolise, représente le chaos, l’enfer, la Bête de l’Apocalypse. Il prend l’apparence d’un crocodile, d’un monstre marin, ou encore d’un dragon.

Symbole d’un cataclysme imminent, son action annonce une modification du monde, tant au niveau géographique que social, sociétal, voire même sa destruction, disparition.

En 1651, le philosophe Thomas Hobbes, désigne par ce nom l’Etat. Despotique certes, mais garant de l’ordre dans la société. De plus, en anglais/américain, on utilise ce mot pour définir une grande organisation ou institution, et en marine, un gros navire.

Le Léviathan serait-il déjà là, tapi parmi nous, en nous ?

Tout État actuel est corrompu.

Citation de Ralph Waldo Emerson, placée au commencement du roman.

1/9

Ce roman a reçu le Prix Médicis étranger en 1993.

Livre lu dans le cadre du « Challenge des RE 2015 », ainsi que pour celui d'Enna, "Petit Bac 2015", catégorie TITRE EN UN SEUL MOT (première ligne).

Belles lectures et découvertes.

Blandine.

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