Primo Levi. Matteo MASTRAGOSTINO et Alessandro RANGHIASCI – 2017 (BD)
Publié le 8 Mai 2019
Primo Levi
Texte de Matteo MASTRAGOSTINO
Dessin d'Alessandro RANGHIASCI
Traduit de l'italien par Marie GIUDICELLI
Editions Steinkis, septembre 2017
120 pages
Thèmes : Italie, Deuxième Guerre Mondiale, Shoah, témoignage, Histoire, Mémoire, Transmission
Primo Levi, tout le monde connaît certainement, notamment grâce à son roman Si c'est un homme...
Mais cet album n'a pas vocation à imager ce roman ni à raconter la vie de son auteur.
Comme s’en explique Matteo Mastragostino en fin d’ouvrage, cet album est la vision personnelle qu’il a de cet homme, d’abord en tant que rescapé d'Auschwitz, ensuite en tant que passeur de mémoire et être humain.
Pour ce faire, comme Primo Levi l’a réellement fait, il a choisi de le représenter parlant à des élèves d’une dizaine d’années dans une école primaire de Turin.
J'ai été élève de cette école, il y a bien longtemps.
J'ai été chimiste, et je crois l'être encore.
Je suis écrivain, en tout cas c'est ce qu'on dit.
Et je suis un juif rescapé d'Auschwitz. Je le serai jusqu'à la fin de ma vie.
En voyant arriver ce vieil homme, ils ont bien du mal à l’imaginer héros de guerre.
Et pourtant, ses mots et la douceur triste, mais ferme, qui émanent de lui rompent leur apriori et Primo Levi (se) raconte, offrant à la narration des allers et retours entre le présent et le passé, comme des réponses aux questions des enfants.
Loin d’être dérangeant, cela permet de souffler entre les épisodes douloureux de son histoire.
Le dessin suit cette dynamique, sans marque distinctive.
Vous savez, les enfants, quand j'avais votre âge, j'aimais beaucoup les chiffres... Mais je ne pouvais pas imaginer que j'allais en porter six sur le bras pendant toute ma vie.
Ses actions de Résistance et sa détention au « lager », son affectation au laboratoire, ceux grâce à qui il a tenu bon et a pu en réchapper (le maçon Lorenzo et son ami Alberto), le retour et la « vie » ensuite.
L’incrédulité des enfants, leurs remarques parfois déplacées, dues à leur âge comme à leur méconnaissance, puis leur empathie et l’intérêt grandissant qu’ils portent à ce terrible récit sont parfaitement retranscrits et imagés.
A travers Primo Levi, ils prennent conscience de la guerre, et de ce que l’Homme peut infliger à ses semblables.
Si comprendre la haine nazie est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies : les nôtres aussi.
Le dessin, en noir et blanc, au trait fin mais dense, convient parfaitement au propos même s'il est parfois délicat de reconnaître qui est qui.
Entre brutalité et espoir, entre mélancolie et nécessité d’aller de l’avant, de témoigner, avec respect et pudeur, cet album, qui se clôt avec un petit dossier, m’a fortement émue.
Il participe au RDV BD de la semaine, aujourd’hui chez Moka (CLIC); au « Mois italien » de Martine ; et au « Petit Bac 2019 » d’Enna, pour ma7e ligne, catégorie Prénom.
Belles lectures et découvertes,
Blandine