Tokyo. Mo HAYDER - 2007
Publié le 30 Avril 2017
Tokyo
Mo HAYDER
Traduction de l’anglais par Hubert TEZENAS
Editions Pocket, mars 2007 (Angleterre, 2004)
480 pages.
Thèmes : Japon, Chine, Crimes de guerre, ignorance, folie, traditions, superstitions, Mafia.
J’ai lu ce thriller dès sa sortie en poche en 2007 et j’en ai gardé un souvenir haletant, prenant et noir, très noir.
Et pourtant, à le relire, je constate que j’ai oublié ce qui fait l’essence même de ce livre et qui occupe toute l’intrigue, le fil rouge de l’histoire.
Plus qu’une Relecture, c’est donc une Redécouverte.
Il nous parle, au-travers de deux narrations et de deux époques, du massacre de la ville de Nankin et de ses habitants, en Chine, par l’armée japonaise, en décembre 1937. Et de ses conséquences et répercussions jusqu'à aujourd'hui.
Plus qu’un thriller, Tokyo est un puissant plaidoyer pour l’Histoire, pour une reconnaissance, toujours non assumée.
Celle d’une mise à sac d’abord, mais aussi du massacre de milliers de vie arrachées (le nombre réel fait toujours polémique).
Dans une note qui clôt le livre, Mo Hayder nous en parle et nous donne des pistes de recherches.
L’article de Wikipédia est très complet, reprenant et prolongeant les sources énoncées. CLIC.
L’Histoire a la faculté de se transformer comme un caméléon, de renvoyer la réponse qu’on attend d’elle : et quand chaque partie concernée défend une position différente, l’espoir est maigre de réussir un jour à établir un bilan des pertes internationalement reconnu.
(…)
J’ai été saisie de penser que, quel que soit le véritable nombre de victimes, grand ou petit, quatre cent mille ou une dizaine, chacun de ces citoyens dont la mémoire n’st pas honorée mérite notre reconnaissance pour ce qu’il représente : la grande tragédie de la petite vie humaine.
Ce dernier aspect m’a grandement fait penser aux romans de Valentine Goby, et particulièrement à Un paquebot dans les arbres.
Pour l’histoire du livre, la voici :
Tout ce qui peut être beau, délicat, harmonieux, zen, émanant du Japon est ici balayé.
Tokyo nous dévoile deux facettes, plutôt monstrueuses, des Japonais : en tant qu’envahisseurs ; en tant que membres des Yakusas.
Ces deux portraits unissent le passé (1937 donc) avec le présent (1990), la Chine au Japon, Nankin à Tokyo, par le biais de trois personnages.
Il y a d’abord Grey, environ 20 ans, britannique, la narratrice principale.
Elevée par des parents, et surtout une mère, qui l’ont tenue éloignée du monde, la maintenant dans l’ignorance des connaissances comme des règles sociales, elle vient de sortir d’un hôpital psychiatrique.
Elle débarque sans quasiment le sou à Tokyo et n'a qu'une idée: rencontrer Shi Chongming. Un Chinois, professeur de sociologie et deuxième narrateur par le biais de son journal intime qui retrace sa vie à Nankin en 1937, auprès de son épouse enceinte, Shujin, qui est très sensible aux traditions et superstitions.
Autodidacte, Grey a lu, étudié et trouvé tout ce qui concernait le Japon (et le kanji notamment) et tout ce qui existait sur Nankin mais la preuve de l’existence d’un film mentionné sur une ou deux sources lui manque.
Et en parallèle de son histoire personnelle, faite de souffrances, elle veut clairement distinguer l’ignorance de la folie. Elle en a besoin.
-C’est à propos d’une chose particulière que les Japonais ont faite. Je suis au courant de la plupart des atrocités qui ont été commises, de la surenchère des massacres, des viols. Mais je vous parle d’un acte spécifique, d’un acte dont vous avez le témoin. Personne ne veut me croire que cet acte a vraiment eu lieu, ils sont tous sûrs que j’invente.
Econduite par le Professeur, Grey fait la connaissance de Jason, un garçon particulier et attractif, qui lui propose un logement dans une maison délabrée dans le quartier de Takadanobaba.
Il travaille dans un bar à hôtesses et lui propose de l'y rejoindre.
C’est dans le bar Some like It Hot, tenu par Strawberry, une fan et ("presque") sosie de Marylin Monroe (le nom de son bar reprend l’un des films de la Belle) que Grey fait la connaissance de Junzo Fuyuki, chef d’un clan yakuza. Troisième personnage essentiel de l’intrigue.
Grey finit par conclure un marché avec Shi Chongming: il ne lui montrera le film que si elle lui apporte une preuve de ce qui fait la longévité de Junzo Fuyuki, son "remède miracle".
L’écriture de Mo Hayder est très visuelle, descriptive et souvent glaçante.
Au fil des pages, elle nous décrit les sociétés japonaises et chinoises, ce qu’elles ont en commun, et ce qui les constitue chacune : traditions, croyances, superstitions, modernité aussi.
-Aveugle ?
-Oui. Peut-être à cause des exploqions de la porte Zhonghua…
-Non ! s’est écriée Shujin en portant les deux mains à son visage. Non ! C’est le pire des présages, le pire ! Un faisan doré ! L’oiseau de le Chine ! Aveuglé par les Japonais !
Enfouissant ses doigts dans ses cheveux comme une folle, elle a prononcé sur la pièce un regard frénétique, comme en quête d’une issue qui n’existait pas.
-Ça y est, c’est vraiment en train d’arriver. Notre terre, notre sol… Les Japonais vont s’en prendre à la terre, ils vont détruire les lignes souterraines des dragons, et…
Un thriller oppressant mais que je ne peux que vous conseiller de lire!
Cette RElecture se fait dans le cadre des Challenges "Un mois au Japon 2017" d’Hilde et Lou, de mon « Challenge des RE », et du "Petit Bac 2017" d’Enna, pour ma 5e ligne, catégorie Lieu.
Belles lectures,
Blandine.
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