LE PONT AUX CERISIERS. Blanca Alvarez. (dès 11 ans)

Publié le 16 Octobre 2013

LE PONT AUX CERISIERS

Blanca ALVAREZ

Castor Poche Flammarion, Collection Histoires d’ailleurs, 2008 (Espagne, 2003)

Dès 11 ans

De par le titre, et la couverture, j'ai d’abord cru que l histoire se situait au Japon, pays où les cerisiers occupent une place si particulière et aussi en référence aux estampes d'Hiroshige et Hokusaï...

Mais elle se situe en Chine, où le cerisier n'en perd pas pour autant son symbole de partage...

Ce livre parle des différents sentiments d’une jeune fille chinoise de 17 ans, Bei-Fang, vivant à Beijing, et amoureuse transie de Sijie.

Orpheline de mère, son père est un homme qu’elle ne comprend, ni ne cherche à comprendre. Elle ressasse sa colère contre lui car il l’envoie un an dans sa famille de la province de Hunan. D’une part pour qu’elle teste son amour, mais surtout pour qu’elle rencontre sa famille, jusque-là inconnue.

Les premiers mois sont bien difficiles pour la jeune fille citadine, logée chez sa grand-mère Lin-Lin, peu causante. Bei-Fang ne comprend pas que l’on puisse se complaire dans un village, aux champs, alors que la ville offre tant de possibilités de loisirs, culture, plaisirs…

Peu à peu, sa rancœur va s’affaiblir et Lin-Lin va s’ouvrir. Cette dernière va commencer à lui raconter l’histoire de sa famille, et en particulier de son ancêtre qui portait le même nom qu’elle : Bei-Fang-Zhi-Xing, et dont la sœur s’appelait Lin-Lin. Ces contes se font sous le magnifique cerisier trônant devant la maison de son aïeule…

Au fil des mois, Lin-Lin raconte et Bei-Fang apprend plus que le récit d’une vie ! Elle apprend sa famille, les sentiments, joies et peines qui ont traversé ces générations. Et en apprend donc sur ce père énigmatique et bien sûr, sur elle-même !

Ne dit-on pas que pour aller de l’avant, il faut connaître son passé ?

C’est un très beau roman, qui relate l’histoire d’une famille, avec ses secrets, ses non-dits, ses joies et souffrances.

Le choix du cadre de la Chine est très important, ainsi que le fait qu’une fille en soit le personnage principal. Là-bas, la condition féminine est toujours très préoccupante, surtout dans les campagnes très reculées.

La politique de l’enfant unique et les croyances ancestrales ont fait diminuer de manière drastique le nombre de filles/femmes dans cet immense pays.

Ce roman offre une vision très occidentale des aspirations de la jeunesse chinoise, mais cela correspond à une réalité ! Entre les deux dernières générations, un grand décalage est apparu avec l’ouverture au monde de la Chine : marchés de produits et financiers, ouverture culturelle et internet...

Cette adolescente, Bei-Fang, ne diffère donc pas vraiment d’une adolescente française ou espagnole, surtout dans les sentiments contradictoires propres à cet âge ! Elle est très préoccupée par elle-même et ne voit en son père qu’un obstacle à ses aspirations et réalisations propres.

Les traditions et coutumes, encore fortement présents, sont, pour elle et son ami Sijie surtout, d’un autre temps. Elle est donc en confrontation permanente, souvent muette, avec lui, persuadée qu’il ne peut la comprendre.

Bien sûr, adultes, nous savons combien cette opposition est bénéfique et constructive, mais combien elle est déchirante lorsqu’on la vit !

Son père, qu’elle prend pour un rempart, est en réalité, comme tout parent, le garant d’une transmission familiale, nécessaire à la construction de soi !

Ce roman décrit aussi, plus fugacement les forts clivages existant entre villes (très modernes, sur le modèle occidental) et les campagnes (vivant de pratiques ancestrales et parfois très rudes), et les idées reçues de l’une sur l’autre.

La cousine de Bei-Fang, An-Mei, résume très bien sa vie rurale, pas du tout ennuyeuse : « Tu peux avoir cette impression parce que tu viens d’un autre monde, mais nous savons nous amuser. ». Et à la question de savoir si elle aimerait vivre ailleurs : « Pour ça j’ai les livres. Un petit espace peut contenir le monde entier. »

L’épisode douloureux de la Révolution Culturelle et ses conséquences sont évoqués en substance, sans s’appesantir. Ce qui, bien sûr, explique certains comportements !

La question de l’éducation des filles est également sous-jacente, tant dans l’histoire des deux ancêtres de Bei-Fang, qu’actuellement.

L’auteure décrit dans son récit la naissance du nüshu. L’écriture secrète des femmes est apparue dans le village de Shangjiangxu, du district de Jiangyong, dans la province du Hunan dans le sud-ouest de la Chine. C’est le cadre du récit de Le Pont aux cerisiers. Cette écriture, brodée, issue d’un dialecte du mandarin, le plus souvent brodée, servait à transcrire leurs chants, histoires, légendes… Voici un lien pour mieux comprendre ce qu’est le nüshu : http://nushu.fr/

Je vous invite grandement à lire ce livre !

Blandine.

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