Furieuse. Geoffroy MONDE et Mathieu BURNIAT – 2022 (BD)
Publié le 22 Mars 2023
Furieuse
Scénario de Geoffroy MONDE
Dessin de Mathieu BURNIAT
Dargaud, 2022
240 pages
Thèmes : Réécriture, Féminisme, Liberté, Quête
En trente ans, le Royaume de Pendragon a perdu de sa superbe.
Ses terres sont infertiles, tristes et glauques. Il s’en dégage une atmosphère oppressante de déchéance, à la fois vide et lourde.
A l’image de son souverain.
Désormais, le célèbre Roi Arthur n’est plus que l’ombre de lui-même : Un ivrogne miteux, aux colères capricieuses et baignant dans ses fluides. A ses côtés, son Epée magique demeure, mais ne lui sert plus qu’à couper le beurre, à défaut de pourfendre du Démon comme jadis.
Un seul projet l’anime, le mariage de sa cadette, Ysabelle, avec le petit et prétentieux Baron de Cumbre. Celui-là même que son aînée, Maxine, aurait dû épouser si elle n’avait pas pris la fuite.
Mais Ysabelle est contrariante : « pour épouser ce bouffon de baron, je suis assez grande, mais quand je te fais remarquer que tu tiens pas debout, je suis une gamine ?! »
Non ! Ysabelle n’a pas la langue dans sa poche et tient à le faire savoir ! Il est hors de question qu’elle épouse ce « baron de merde » et décide donc de s’enfuir vers le nord, à Orélia, où s’est réfugiée sa sœur.
Et elle n’est pas seule : Excalibur, épée dotée de parole et aux revendications aussi légitimes que les siennes, semble-t-il, a su la convaincre de l’emmener. Deux caractères marqués, cela promet des réparties bien piquantes. « Et la jeune princesse découvrit comme le monde réel était différent de la vie de château. (...) C'est vrai que tu agis un peu comme une débile qui n'a jamais vu une ville... »
Habillée d'un pantalon, pestant et jurant, Ysabelle progresse dans ces paysages désolés, se confronte à la pauvre réalité, est traitée de sorcière, et est pourchassée par différentes gens, et surtout par le Baron aidé de son sbire benêt, Claude.
Les derniers lambeaux de sa naïveté s’effondrent en arrivant à Orélia et lorsqu’elle comprend que les motivations de l’Epée ne sont pas aussi nobles qu’escomptées, entre des désirs, que dis-je, ordres guerriers et macabres, et son empressement à vouloir retrouver Merlin. « Pourquoi tu es encore en train de discuter ?! TRANSPERCE-LE !! »
Ysabelle va devoir faire preuve de courage, de persévérance et surtout de ruse pour échapper à sa condition et surtout, se libérer des différents jougs qui la contraignent. En espérant créer une véritable cohésion.
Vous pouvez pas juste tous me foutre LA PAIX ?!!
Dans ce roman graphique, les auteurs ont déployé une quête identitaire et féministe aussi décalée que déjantée, et absolument pas consensuelle.
Les thèmes me plaisent, même s’ils sont déjà-lus / déjà-vus. Ysabelle est attachante et nous emporte dans son combat, la duplicité de l’Epée est délectable, la réflexion sur le Pouvoir est intéressante entre jeu des apparences, volonté gangrenée et autoritarisme exacerbé, et les réparties sont bien senties.
Les différents clins d’œil m’ont régalée (il faut dire que je suis toujours très bon public pour ça !).
Mais les graphismes m’ont rebutée tout du long.
Oui, ils confèrent à l’album une véritable identité visuelle, et oui, finalement ils collent bien à l’atmosphère et aux propos.
Ils sont dotés d’un trait nerveux qui dynamise et exagère les gestuelles et expressions faciales des personnages, et surtout d’Ysabelle et de l’Epée, les rendant d’autant plus cocasses et fourbes.
Et en net contraste avec les décors, informes, glauques, monochromes.
Mais je n’ai pas su m’en détacher pour apprécier pleinement le reste.
Et aussi…
Ysabelle lutte pour avoir le droit de choisir sa vie et n’être pas asservie, car née femme. On ne peut qu’approuver. Cependant, pour obtenir ceci, elle reproduit des schémas, notamment dits masculins (guerre, destruction, soumission) et use de violence. Et cela m’a dérangée.
Je ne veux pas tout vous dévoiler mais pour sa libération/liberté à elle, d’autres sont dominés. Alors qu’ils ne semblaient pas vindicatifs ni désireux d’entrer dans un conflit (en tout cas, pour moi, visuellement, ils avaient plus l’air surpris que malveillants - cf dernière image "verte").
Si vous avez lu ce roman graphique, avoir votre avis et ressenti, m’intéresse !
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » aujourd’hui chez Moka (CLIC), à notre Challenge dédié aux Classiques avec Nathalie ainsi qu'aux Challenges de Bidib autour des Contes et Légendes et le Tour du monde en 80 livres
Découvrez les avis (bien plus enthousiastes) de Linda et Isabelle
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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