Gomorra. Film réalisé par Matteo GARRONE. Inspiré du roman de Roberto SAVIANO - 2008

Publié le 5 Mai 2017

J’ai lu le livre de Roberto Saviano, à sa sortie en poche.

J’ai été saisie par son écriture, ses idées, son combat et le suis depuis.

Premier roman de l’auteur, alors jeune pigiste, Gomorra a connu un succès immédiat et fulgurant, devenant un véritable phénomène de société, se vendant à plusieurs millions d’exemplaires, recevant de multiples Prix littéraires et étant adapté en film (2008), en pièce de théâtre (2011) et en une série télévisée (2014 – 2 saisons finies, 3e en cours, 4 e de prévue) dans plus de cinquante pays.

Véritable bombe, le titre de son roman ne laisse que peu de doutes quant à son sujet : la Camorra, la mafia napolitaine, ville dont est originaire Roberto Saviano.

Entre prose et style du reportage, Roberto Saviano mène l’enquête.

Il écrit à la première personne et nous dévoile au-travers de l’histoire de la Camorra comment elle prospère, tant économiquement que territorialement, grâce à son fonds de commerce (drogue, contrefaçons, armes) et s’adapte, en créant des liens avec les mondes politiques, financiers et des Affaires (marchés publics, et notamment ceux du traitement des déchets toxiques).

Pour en saisir tous les aspects, je vous invite à lire l’excellente analyse faite par Yomu-chan sur le blog Ma Petite Médiathèque.

Roman à charge, osé et courageux, il a valu à son auteur une double peine :

  • Onze après il doit toujours vivre caché, et flanqué d’une escorte policière. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à écrire et à donner des interviews. CLIC
  • En 2015, Roberto Saviano a été reconnu coupable de plagiat. Dans son roman, des passages entiers sont issus d’articles de journaux sans qu’aucune mention de ses sources ne soit faite. CLIC

Et maintenant, le film :

Gomorra

Scénario (entre autres) : Mateo GARRONE

Produit par Domenico PROCACCI​​​​​​​

Sortie : 2008

Durée : 137 minutes.

Acteurs principaux : Salvatore Abruzzese (Totò) ; Carmine Pasternoster (Roberto) ; Toni Servillo (Franco) ; Salvatore Cantalupo (Pasquale) ; Gianfelice Imparato (Don Ciro) ; Marco Macor (Marco) ; Ciro Petrone (Ciro)…

Le film a reçu plusieurs Prix en 2008 et a été nominés trois fois en 2009.

"On ne partage pas un empire d'une poignée de main, on le découpe au couteau." Cet empire, c'est Naples et la Campanie. Gomorrhe aux mains de la Camorra. Là-bas, une seule loi : la violence. Un seul langage : les armes. Un seul rêve : le pouvoir. Une seule ivresse : le sang.
Nous assistons à quelques jours de la vie des habitants de ce monde impitoyable. Sur fond de guerres de clans et de trafics en tous genres, Gomorra raconte les destins croisés de : Toto, Don Ciro et Maria, Franco et Roberto, Pasquale, Marco et Ciro. Cette fresque brutale et violente décrit avec une incroyable précision les cercles infernaux de la Camorra napolitaine pour mieux nous y entraîner.

A l’inverse du roman, il ne s’agit pas d’un reportage mais d’une histoire fictionnelle qui entremêle cinq portraits.

Par leur biais, nous voyons combien la Mafia a gangréné toutes les strates de la société et de la vie : jeunes éblouis par les armes et la « facilité », ivres d’adrénaline ; parents responsables ou déclarés comme tels ; personnes âgées vivotantes; monde exploité, asservi… Et combien tous sont tenus par la peur ! Et gare à ceux qui ne l’ont pas chevillée au corps.

 

Il y a Totò, 13 ans, livreur pour l’épicerie familiale.

Témoin d’une descente de police, il récupère un pistolet et un sachet de drogue abandonnés, avant de les rendre au gang. Test de courage réussi (se faire tirer dessus en portant un gilet pare-balles), il devient livreur, sentinelle, complice.

Au nom de la vengeance, de l’honneur et de la guerre entre clans, le sien se servira de lui pour abattre Maria, dont le fils Simone a préféré rejoindre les sécessionnistes, alors que son mari est en prison.

Il y a Don Ciro.

Homme discret et couard, il est caissier pour le gang. Il fournit de l'argent aux familles des membres emprisonnés (et à Maria donc). Beaucoup se livrent à lui.

Tombé dans un piège tendu par les sécessionnistes, il est contraint de faire un choix.

Il y a Roberto (à gauche sur la photo - Franco à droite).

Diplômé pour travailler dans le traitement des déchets toxiques, il est orienté par son père vers Franco, un homme d’affaires charismatique.

Ce dernier enfouit, d’une manière rendue légale, ces déchets dans une carrière, n’hésitant pas à payer des enfants des rues lorsque ses travailleurs refusent de continuer après qu’un bidon se soit déversé.

Choqué par ces méthodes d’exploitation et témoin des dégâts que ces déchets occasionnent, Roberto démissionne.

Il y a Pasquale.

Couturier perfectionniste pour la haute-couture, il travaille dans un atelier dont le chef est lié, et tenu, par la Camorra. Pressé par des rendements et délais inhumains, il accepte l’offre d’un Chinois qui souhaite amener ses tailleurs à la haute-couture. Il leur donne donc des cours du soir, payés cash.

Pour se rendre à l’entrepôt, il est caché dans le coffre d’une voiture, mais lors d’un trajet une fusillade abat les Chinois et lui s’en sort miraculeusement. Il décide de tout quitter et de devenir chauffeur routier.

Et il y a Marco et Ciro Piselli (que l'ont voit aussi sur l'affiche)

Deux têtes brûlées qui veulent tout et tout de suite, avoir les armes, la drogue et l’argent mais sans être affiliés à un gang, sans recevoir d’ordres, être libres. Scarface et Tony Montana sont leurs modèles !

Mais des libertés, ils vont en prendre, malgré des mises en garde musclées. Un peu trop au goût des parrains locaux, considérant qu’ils mettent en péril leurs crédibilité et honneur.

Dès le début, le décor nous submerge. Lumières sales, jeux des sons.

Quartiers de la Scampa et du Secondigliano miséreux, déchirés par des gangs rivaux, immeubles décrépis, villas abandonnées, terrains en friche, peintures inexistantes, pauvreté contre masses d’argent sale, violences physiques mais surtout psychologiques.

En guise de conclusion, quelques chiffres éloquents sur les conséquences de l’action de la Camorra dans la région.

 

Le film est violent, saisissant. Il en ressort une grande injustice, une grande fatalité (comment faire pour s'en sortir? Est-il seulement possible de se défaire de la Camorra?) Comment lutter contre la fascination qu'elle exerce sur les jeunes, et ce dès le plus jeune âge?

 

Pour lire une interview croisée entre Matteo Garrone et Roberto Saviano, concernant notamment les différences entre le film et le livre, c’est ICI.

Avez-vous lu le livre, vu le film ou la série ? Tout ou rien ?

Je ne peux que vous encourager à le faire, et pour ma part, à voir la série.

Cet article participe au « Mois italien » de Martine et à son RDV Cinéma.

Je vous ai présenté un livre sur la Mafia et sa mainmise : Les liens du silence de Gilda Persanti.

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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M
Hou, là, là, je ne sais pas si je suis assez costaud pour me lancer dans un tel livre, ou un tel film ou une telle série. Ce n'est pas l'intérêt qui manque, mais j'ai peur d'être trop bouleversée, de me prendre une trop grande gifle et... d'abandonner en cours de route. Je résiste mal à la violence, quelle qu'elle soit.
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B
Le livre instaure d'emblée une distance, car les images ne peuvent qu'émaner de toi, à l'inverse d'un film ou d'une série TV. De plus, il est fait à la manière d'un reportage, la violence n'apparaît pas de la même façon, mais elle est toujours là bien sûr. Toi seule peut savoir si tu peux!
M
J'aime beaucoup ta façon de nous parler de ce film unique. Je l'ai vu il y a quelques années mais je n'ai pas poussé jusqu'à lire le livre tellement le film m'a impressionnée. Peut-être est-ce le moment d'y remédier! Merci Blandine
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B
Merci à toi Martine! J'ai d'abord lu le livre, très riche, du coup, je m'attendais à un film-reportage (j'aurais pu le mettre dans l'article - je corrige) mais c'est bien ainsi et offre plusieurs manières d'appréhender ce phénomène.