Le train des enfants. Viola ARDONE - 2021

Publié le 16 Septembre 2022

Le train des enfants

Viola ARDONE
Traduit de l’italien par Laura BRIGNON

Albin Michel, janvier 2021
304 pages

Thèmes : Italie, Communisme, Famille, Histoire, Enfance

Lecture Commune avec Natiora

Naples, 1946. La guerre est finie et laisse le sud de l'Italie, déjà pauvre, exsangue.
Pour protéger les enfants et les éloigner de la misère, le Parti Communiste organise une grande campagne visant à confier plusieurs d’entre eux aux bons soins de familles généreuses du Nord.

C'est ainsi qu'Amerigo Speranza quitte sa mère Antionietta et ses manières rudes, son basso insalubre et ses voisines commères, l'absence de son père disparu et le poids de son grand frère décédé trop tôt pour qu'il l'ait connu. Entre ses mécompréhensions, son humour juvénile et sa débrouillardise avec son copain Tommasino, Amerigo nous est immédiatement attaché.

Ecartelé entre la culpabilité et la curiosité, entre les racontars anxiogènes et les promesses d’avenir, tout à la fois retenu et poussé, Amerigo part tout seul parmi tant d’autres.

Il dit aux autres que je suis un des enfants du train, qu'ils doivent m'accueillir et me faire me sentir comme chez moi. Chez moi je n'avais rien, je me dis. Alors ce serait mieux qu'ils me fassent me sentir comme chez eux.

Recueilli à Bologne par Derna, il intègre sa famille, les Benvenuti. Il découvre la musique (et le violon), la mortadelle, l'école et surtout les chiffres, le fait d'être aimé, choyé et encouragé, de recevoir un cadeau d'anniversaire, d’être entouré, de faire partie d’un tout en étant unique.

Mais le blé a poussé, est monté, et il lui faut retourner chez lui.

Le Train des Enfants a vraiment existé et a emporté près de 70000 enfants de 4 à 10 ans, du Sud de l’Italie vers le Nord, pour y être nourris et instruits durant quelques mois. Une déchirure censée leur faire du Bien, et qui leur a surtout permis de constater de ce dont ils étaient privés. Pour beaucoup, l’expérience a été bénéfique, leur permettant d’avoir un avenir à construire. Pour d’autres, elle a été une longue souffrance.

Divisé en quatre parties de longueurs inégales, ce roman poignant, aussi historique que psychologique, prend la voix d’Amerigo, enfant puis adulte
De sa candeur à sa rancœur, de son innocence à sa prise de conscience.
Et c’est fort. Et c’est triste.

Car si c’est Amerigo que l’on suit et entend, et qui nous prend au cœur, on ressent aussi toute la détresse, brusque ou silencieuse, de sa mère qui ne peut subvenir à tous ses besoins, matériels ou émotionnels. Puis sa douleur d’accepter de le laisser partir, de voir qu’il s’est épanoui loin d’elle, de subir ce qu’elle prend pour des reproches ou jugements muets et qui la rigidifient toujours plus. Jusqu’au point de rupture.