Le singe de Hartlepool. LUPANO et MOREAU – 2012 (BD)

Publié le 10 Janvier 2018

Le singe de Hartlepool

 

Scénario de Wilfrid LUPANO

Dessins et couleurs de Jérémie MOREAU

 

Editions Delcourt, collection "Miracles", août 2012

96 pages

 

Thèmes : France/Angleterre, ennemis, xénophobie, Humain/Animal, Bêtise/Ignorance

 

Lecture Commune avec Nathalie.

 

Hartlepool, comté de Durham, Angleterre, époque napoléonienne.

 

Par une nuit tempétueuse, un homme et son fils, (le premier est aussi imposant que le second est petit) arrivent dans la bourgade côtière de Hartlepool.

Dans le même temps, un navire français fait naufrage et le ressac ramène sur la plage nombre de débris dont les habitants espèrent bien tirer profit.

Seuls deux survivants, éloignés l’un de l’autre, échouent sur le rivage.

Il y a Philip, enfant et jeune mousse, trouvé par Charly, le fils du visiteur, qui voit là l’occasion de n’être plus seul dans le « jeu » non innocent de la guerre français contre anglais que livrent les enfants de l’aubergiste, et Maire de la ville, contre lui.

Tu veux pas faire le Français avec moi ? Parce que chuis tout seul, dans le camp des Français.

Et il y a Nelson.

Son uniforme français, tricorne inclus, le voue à la vindicte populaire, au fiel facile de l'étranger alors même qu’aucun des hommes n’a jamais vu de Français, sauf un vieillard éclopé et bigleux.

Et encore !

-C’est un canon français qui m’a arraché les jambes, au siège de Québec, en 1759 ! Alors pour ce qui est des Français, je sais de quoi je parle !
Et celui-là, c’en est un parfaitement !

-Grand-père, comment peux-tu l’affirmer, tu ne vois plus rien !

-Pas besoin de voir, je les reconnais à l’odeur, moi, les Français ! Les Français, ça pue !

Il est fait prisonnier, non sans résistance – le Pasteur est mordu et soigné par le visiteur, qui est docteur et qui se demande bien quelle mâchoire humaine pourrait bien causer une telle morsure…

 

Dans la haine tenace de l'ennemi de toujours, mais ignorants de son aspect, ces humbles sujets de Sa Gracieuse Majesté, portés par leur Maire ambitieux, se persuadent qu’ils viennent de trouver là un espion mangeur de grenouilles et, mieux encore, de déjouer une invasion.

Rien que ça !

 

Un simulacre de procès se tient dans lequel les « preuves » de sa culpabilité d’être Français sont exposées. Le condamnant à être pendu.

 

En marge, les enfants (sans Charly ni Philip) sont aussi gagnés par l’« euphorie » et seule la petite fille du vieillard amputé s’interroge sur le cadavre…

Et si ce n’était pas un humain mais un singe ?

Son questionnement suscite la risée générale.

Un singe ?! Non mais ils sauraient le voir quand même si c’en était un, et puis, après tout, et surtout, il avait des habits de Français !!

Alors qu'importe!

 

Ce récit reprend un épisode supposé réel de la ville de Hartlepool. D’ailleurs, ses habitants, affublés du sobriquet peu flatteur de « Monkey hangers » (les pendeurs de singe), en jouent toujours, notamment ses politiques dans leurs campagnes (CLIC)

 

Les deux auteurs l’ont transformé en une fable universelle et grinçante pour mieux dénoncer la petitesse d’esprit, la xénophobie héréditaire, le nationalisme exacerbé, et l'ignorance qui mènent à des situations grotesques et cruelles.

Et l’on se dit que ce n’est pas possible, qu’ils vont bien se rendre compte de leur erreur, que cela est fait exprès…

Cela paraît incroyable et pourtant ! Cela a vraiment existé, à partir des guerres révolutionnaires et napoléoniennes, notamment en France entre 1870 et 1914 puis pendant la Première Guerre mondiale : l’ennemi allemand, le « barbare », était affublé de noms, physiques, caractéristiques et défauts des plus ridicules et caricaturaux. (CLIC)

 

A cela, les auteurs intègrent humour caustique et quiproquos, des personnages secondaires plus qu'intéressants, un mousse bilingue, un certain Charles Darwin, encore enfant, comme si cet épisode lui aurait été formateur.

On ne voit pas les femmes : ni à la plage, dans la ville, lors du procès… Il y a seulement deux présences féminines, des enfants, à l’opposé l’une de l’autre. La fille de l’aubergiste/maire, et la petite-fille du vieux vétéran éclopé.

 

Le trait fin et les couleurs utilisées par Jérémie Moreau me rappellent ceux de Clément Oubrerie, dessinateur de la série Pablo.

Les visages des personnages sont rougeauds, pleins d’excitation haineuse.

L’ambiance est glauque, grise et terne, dans une représentation de la météo anglaise assez fidèle à l’idée reçue.

 

Pour découvrir comment Lupano a eu connaissance de cette légende : c’est ICI.

 

Retrouvez les avis de Nathalie, Moka, Sabine, Jérôme, Noukette, HélèneMo’, Enna, Sophie et Fanny.

 

Cet album participe au RDV BD de la semaine qui se passe aujourd’hui chez Noukette (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu'au "Petit Bac 2018" d'Enna, pour ma première ligne, catégorie Animal.

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

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S
Très tentée évidemment !
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B
Tu m'en vois ravie!
M
Comme j'aime cet album sombre. Moreau est brillant. Quel que soit le sujet qu'il traite.
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B
Je te crois! Je n'en ai pas (encore) lu d'autres de lui.
N
Il faut absolument que je la lise à mon tour.
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B
Oh oui!
S
Je l'ai lue il y a un moment. Si j'avais aimé le sujet, le traitement ne m'avait pas convaincue. Ni le dessin d'ailleurs
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B
Je ne peux que te rejoindre sur le dessin même si j'avoue qu'il colle bien à l'atmosphère!
M
je sais pas si je suis tentée ou pas :D :D
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B
Dans le doute, vas-y ^^
N
Intéressant l'article où Lupano explique comment il a connu cette légende !! Il a l'air très sympathique ce monsieur.
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B
Oui tout à fait ;-)
J
Un superbe album, très apprécié.
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B
Oui!
K
Ton billet ne fait que confirmer mon souhait de décourvir cette BD !
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B
Yapluqua^^
N
J'ai adoré !! Par contre je ne vois pas trop de ressemblance entre le trait de Jérémie Moreau et celui de Clément Oubrerie que j'aime beaucoup moins je dois dire...
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B
Je trouve qu'ils ont en commun ce trait fin, ces couleurs "sales" - je n'aime pas spécialement même si cette ambiance sied parfaitement!
L
Va me falloir la découvrir !
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B
Oh que oui!
J
Un album qui m'a marqué et dont je n'ai rien oublié (alors que je l'ai lu il y a fort longtemps maintenant).
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B
Comme je comprends! Oui, il y a des livres qui font ça!
S
fan total du duo !
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B
:-)
H
Une bd inoubliable !
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B
Je pense aussi qu'elle va me rester!
M
et hop sur la liste à lire! Merci ♥
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B
Merci à toi ;-)
A
Cet album a été un coup de cœur :)
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B
Je comprends ;-)
E
Une BD au message fort!
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B
Oh que oui!
L
un très très bon album dont je garde un grand souvenir! je l'ai offert depuis, il a fait son effet!
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B
J'imagine!
M
Une anecdote vraiment dingue. Je n'en croyait pas mes yeux lorsque j'ai découvert cet album et pourtant oui, l'homme est capable de tout, du meilleur comme du pire. Je crois que cet album ne prendra jamais de ride tant son sujet est et sera toujours d'actualité
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B
Jusqu'au bout (ou presque) j'ai cru qu'il arrêterait ce simulacre, mais non bien sûr... cela ne pouvait pas...<br /> Oui, un album atemporel et transposable...