Notre mère la Guerre. Troisième complainte. Maël et Kris - 2011 (BD)

Publié le 27 Septembre 2015

Notre mère la Guerre.

Troisième complainte

Maël et Kris

Éditions Futuropolis, septembre 2011

64 pages

Thèmes abordés : Première Guerre mondiale, meurtres, enquête, souvenirs, mutineries.

Troisième et avant-dernier volet de cette série sur la Première Guerre Mondiale qui nous la dévoile par le biais d'une enquête de gendarmerie menée par le lieutenant Vialatte suite au meurtre de quatre civiles, juste à l'arrière du Front.

En se rendant sur les lieux, dans le premier tome, il a retrouvé "une vieille connaissance", le caporal Peyrac. Il dirige une escouade de jeunots, tous embrigadés volontaires pour sortir de prison. Petits ou grands criminels, peu importe tant qu'ils servent la France (et meurent pour elle).

Dans le deuxième tome, Vialatte avait resserré son étreinte autour de cette escouade mais une attaque l’a décimée. Plus intime que le précédent, il nous dévoilait l’arrivée au Front de ces soldats au passé particulier et non déclaré officiellement. Mais aussi que ces meurtres prenaient une tournure plus officielle avec le capitaine Janvier.

Ce troisième tome commence en mai 1917, avec une énième attaque, une nouvelle défaite et des morts, encore, toujours.

Les chars d'assaut ont fait leur apparition, mais à cause de liaisons interarmes au mieux mauvaises, leur potentiel est limité et sont la promesse d’une mort abominable.

On retrouve Vialatte, devenu soldat dans cette nouvelle arme, blessé, à l’hôpital.

Le commandant Janvier (lui aussi a pris du grade) vient le voir pour le forcer à reprendre l’enquête, tout en le faisant chanter sur son passé et la femme qu’il aime, Eva, une Autrichienne.

Ainsi se retrouve-t-il sur les routes, direction Paris (si pareille et indifférente) puis Arras (en plein secteur angliche, un peu d’humour qui fait du bien !), avec comme compagnon, le Maréchal des Logis Fernand Desloches. En chemin, ils croisent des soldats mécontents, qui entonnent l’Internationale. Les contestations et refus des soldats gagnent du terrain, Desloches râle, mais a-t-il tort ?

Notre mère la Guerre. Troisième complainte. Maël et Kris - 2011 (BD)

C’est bien tout ce qu’il est aujourd’hui : un bon soldat.
Que cette colère ne trompe personne : le Maréchal des Logis Fernand Desloches continuera de se battre jusqu’au bout, malgré la rancœur, l’aigreur, la solitude, le découragement, la peur…

Il se battra encore parce qu’il ne sait plus faire que ça, parce qu’il en a déjà trop fait et trop vu, et qu’il lui serait insupportable que ce fût en vain.
Et malgré l’envie ou le désir qui le tenaille, il ne pourrait plus rejoindre cet autre pays qu’il découvre par la fenêtre, qui ne sait rien de la guerre et qui semble vivre sur une autre planète.

Ce pays qui l’admire, le romantise mais le repousse de peur que ses brodequins amochent les bottines à la mode, que ses effets sales et rapiécés maculent de boue les uniformes d’opérette que trimballent sur les boulevards des mannequins vivants mais vides.

Oui Desloches a raison : les soldats auront beaucoup de choses à dire après la guerre. Mais j’ai bien peur qu’on ne les écoute mal.
Alors entraîné par ces silences, le soldat se taiera lui aussi ou pire, il racontera mal. Ouvrant la porte aux renoncements, préparant les futurs recommencements.

Et si je le laisse dire sa colère, de Desloches, ce soldat à l’image d’un million d’autres, c’est que je fais moi aussi, partie de cette multitude d’un million de solitudes, soudées les unes aux autres, perdues les unes sans les autres.

Pages 38-39.

Notre mère la Guerre. Troisième complainte. Maël et Kris - 2011 (BD)

Directeur de la prison, femme de mauvaise vie, père d’un des hommes de Peyrac les renseignent sur ce qu’aucun dossier militaire ne pourrait contenir : le caractère de ces garçons.

Mais à Arras, la guerre les rattrape, bombardements, cadavres rééxplosés, disloqués, tombes éphémères profanées, gaz, horreur, douleurs… Vialatte, à nouveau à l’hôpital, à nouveau devant Janvier, qui lui fait une double surprise.

Beaucoup de pluie, de gris, de marronnasse, de quelque chose qui colle à la peau. Un dessin fébrile mais trop précis. Les dix premières pages comme les dix dernières regorgent de violences. La peur suinte, l’enfermement, le manque d’issues. Tuer, être tué, fuir comme on le peut, peu de choix.

Et dans tous ça, l'Homme.

Notre mère la Guerre. Troisième complainte. Maël et Kris - 2011 (BD)

Incompréhension, dualité des mondes et du temps… Plus d'honneur. Ici, c'est le personnage éphémère de Desloches qui nous l'envoie en pleine figure. Des paroles qui sonnent beaucoup trop justes pour nous qui savons ce qu'il s'est passé ensuite.

Ce titre participe au Challenge " Petit Bac 2015 " d’Enna pour ma quatrième ligne, catégorie Mort, ainsi qu’à celui de Stephie, "Une année en 14".

Belles lectures et découvertes !

Blandine.

 

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