Tom Sawyer et Huckelberry Finn. Mark TWAIN - 1983 (Dès 9 ans)
Publié le 26 Septembre 2015
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai relu cet été Les aventures de Tom Sawyer de Mark Twain, et ce, sous deux versions, roman et manga, qui offre une version plutôt arrangée du roman.
Pour tout avouer, il ne me restait pas vraiment de souvenirs de lecture, ma mémoire ayant par contre bien conservé les images du dessin animé que nous avons maintes fois regardé avec mes sœurs, avant que je le fasse découvrir à ma fille.
Tout comme moi, elle a lu les deux livres ainsi que leur suite, Huckelberry Finn, ce que je n’ai pas (encore) fait ! Dans cet article, je vais aussi vous parler du dessin animé, diffusé en France à partir de 1982.
Les aventures de Tom Sawyer
Texte de Mark TWAIN et illustrations de Rozier-Gaudriault
Le Livre de Poche Jeunesse, 1983. (Etats-Unis, première publication, 1876)
347 pages
Les aventures de Tom Sawyer
D’après l’œuvre de Mark Twain. Dessins d’Aya SHIROSAKI.
Éditions Nobi-Nobi, collection « Les classiques en manga », mars 2015.
250 pages
Dès 9 ans
Thèmes : Etats-Unis de la fin du XIXe siècle, aventures, école, amitié, esclavage, racisme, justice, autonomie
Orphelin, Tom Sawyer a été recueilli, avec son petit frère Sid, par sa tante maternelle Polly, qui vit à Saint-Petersburg (ville fictive), dans le Missouri, le long du fleuve Mississipi.
Il est un garçon joyeux, curieux et intelligent, très débrouillard et autonome, turbulent mais pas méchant. Il est aussi impulsif, plutôt paresseux et manipulateur, aussi impatient que têtu et, surtout, en recherche constante de reconnaissance !
Comme tout enfant, son imagination est débordante et il s’emploie très souvent à la concrétiser ! Il cherche toujours l’occasion de faire une bonne blague, souvent doublée d’une bêtise, seul, avec son copain de classe, Joe Harper, ou l’enfant vagabond, Huckelberry Finn. Il a des rêves de gloire, de grandes aventures et de trésors ! Il veut devenir pirate mais adore jouer à Robin des Bois, son héros préféré dont il a dévoré maintes fois les aventures. Il s’amuse avec les copains à en rejouer les scènes de combat !
Dans le dessin animé, c’est Sid qui lit les livres lorsque son frère, incarnant toujours Robin, joue avec ses amis, forcément méchants, et les terrasse à l’épée, non sans remontrances.
[A Joe Harper] « Tombe ! Mais tombe donc ! s’écria Tom au bout d’un moment. Pourquoi ne tombes-tu pas ?
-Non, je ne tomberai pas. C’est à toi de tomber. Tu as reçu plus de coups que moi.
-Ça n’a pas d’importance. Moi, je ne peux pas tomber. Ce n’est pas dans le livre. Le livre dit : « Alors, d’un revers de son arme, il porte au « pauvre de Guy de Guisborne un coup mortel. »
Tu dois te tourner et me laisser porter un « revers ».
Forcé de s’incliner devant l’autorité du livre, Joe se tourna, reçut la botte de son ami et tomba par terre.
Le roman se scinde en trois parties au cours desquelles on le voit grandir, évoluer, se responsabiliser, s’assagir aussi.
Dans la première, on fait connaissance, avec lui, sa famille, ses amis et notamment avec Rebecca Tatcher, dite Becky, dont il tombe amoureux.
La seconde partie du livre commence lorsqu’avec Huck, il décide de se rendre dans le cimetière à minuit pour aller y enterrer un chat (mort) afin de faire disparaître la verrue de ce dernier.
Tu prends ton chat et tu vas au cimetière vers minuit quand on vient d’enterrer quelqu’un qui a été méchant. Quand minuit sonne, un diable arrive, ou bien deux, ou bien trois. Tu ne peux pas les voir, mais tu entends quelque chose qui ressemble au bruit du vent. Quelque fois, tu peux les entendre parler. Quand ils emportent le type qu’on a enterré, tu lances ton chat mort à leurs trousses et tu dis : « Diable, suis le cadavre, « chat, suis le diable, verrue, suis le chat, toi et « moi, c’est fini ! » ça réussit à tous les coups et pour toutes les verrues.
(…)
-Cette nuit. Je pense que les diables vont venir chercher le vieux Hoss William aujourd’hui.
-Mais on l’a enterré samedi. Ils ne l’ont donc pas encore pris ?
-Impossible. Ils ne peuvent sortir de leur cachette qu’à minuit et, dame, ce jour-là à minuit c’était dimanche ! Les diables n’aiment pas beaucoup se balader le dimanche, je suppose.
Ces deux derniers mots démontrent bien toutes les croyances populaires et superstitieuses qui entourent les enfants, colportés entre eux et entendus de la bouche des autres, des grandes personnes, et surtout des esclaves.
Mais ce soir-là, ce ne sont pas des diables qu’ils voient cachés derrière une pierre tombale mais un vol de cadavre qui se transforme en meurtre et qui implique le terrifiant Joe l’Indien.
Pour autant, ne croyez pas que cela ait changé le comportement de Tom en profondeur ! Têtu, obstiné, il n’aime pas être repoussé, ne désire mourir que pour un petit temps, disparaître pour qu’ils (le) regrettent tous. Contrarié, il décide avec Joe et Huck d’aller courir le vaste monde avant de former des projets de pirateries et de débarquer à la faveur de la nuit sur l’île Jackson, au milieu du Mississipi, et donc non loin de Saint-Petersburgh. Leur retour est l’occasion d’une nouvelle blague de la part de Tom.
La troisième partie voit un changement dans l’attitude de Tom qui semble se poser, s’assagir, « rentrer dans le moule ». S’il a toujours des rêves de trésor, c’est pour mieux assurer son avenir.
-Dis donc, Huck, si nous dénichions un trésor ici, qu’est-ce que tu ferais de ta part ?
-Eh bien, je m’offrirais une bouteille de limonade et un gâteau tous les jours, et j’irais à tous les cirques qui passent dans le pays. Je te prie de croire que je ne m’ennuierais pas.
-mettrais-tu un peu d’argent de côté ?
-Pour quoi faire ?
-Pour avoir de quoi vivre plus tard, tiens !
-Oh ! Ça ne sert à rien les économies. Moi, si j’en faisais, papa débarquerait ici un de ces jours et me les raflerait. Je t’assure qu’elles ne seraient pas longues à fondre. Et toi, Tom, qu’est-ce que tu ferais de ta part ?
-Eh bien, j’achèterais un nouveau tambour, une vraie épée, une cravate rouge, un petit bouledogue, et je me marierais.
-Te marier !
-Pourquoi pas ?
-Tom… Tu n’as pas reçu un coup sur la tête, par hasard ?-Attends un peu et tu verras si je suis fêlé.
-Mais enfin, c’est la plus grande bêtise que tu puisses faire. Regarde maman et papa. Ils passaient leur temps à se battre. Je m’en souviens un peu, tu sais.
-Ce n’est pas la même chose. La femme que j’épouserai ne se battra pas avec moi.
-Tom, moi j’ai l’impression que les femmes sont toutes les mêmes. Tu ferais bien de réfléchi un peu.
Alors que Becky fête son anniversaire sur l’Île Jackson avec tous ses amis, dont Tom, tous décident de se donner des frissons en parcourant les nombreux dédales de la grotte. Tous ressortent, sauf Becky et Tom qui se sont perdus.
Le jeune garçon arrive à faire preuve d’assez de courage, de maturité et de force pour les faire sortir tous deux. Cette expérience va le grandir et le responsabiliser, tout comme le fait de se dénoncer sans être fautif ou de dire la vérité en d’autres occasions.
Mais cette périlleuse aventure n’a pas été infructueuse ! Et bientôt avec Huck, ils trouvent plus d’or et d’argent qu’il n’en faut pour assurer à tous deux leur vie entière.
Alors que Tom se satisfait pleinement de ce plan de vie, Huck se rebelle. Si la veuve Douglas qui l’a recueilli est très attentionnée avec lui, il lui manque ce qu’aucune montagne d’or ne pourra jamais lui offrir : la liberté et l’indépendance.
Le manga édité chez Nobi-Nobi reprend assez fidèlement la trame de ce récit, les idées de l’auteur et son texte. Ayant lu à la suite le roman puis le manga, j’ai pu noter les similitudes ou différences. Évidemment, le manga étant très visuel, toutes les étapes de description des personnages et paysages, comme des sentiments ne sont pas présentes. Cantonnant le texte au dialogue, ce qui nuit un peu à la diversité et à la complexité du vocabulaire, plus contemporain.
Le résultat est fluide et attractif. Les physiques des personnages reproduisent celui que je m’étais imaginé, et plus particulièrement pour Huck.
Mon regret concerne Joe l’Indien, et il est double. Son physique ne semble pas aussi terrifiant que ce que l’auteur suggère et que les jeunes garçons ressentent. Quant à la disparition de ce personnage, essentiel à la trame du récit, elle a été totalement réécrite. Pourquoi ? Aurait-elle choqué les lecteurs d’aujourd’hui ?
Brève analyse de l’œuvre :
Au début du roman, et à la fin du manga, se trouvent deux petites présentations tant du récit que de son auteur. Mark Twain a longtemps été considéré comme un auteur « de jeunesse », avec une forte connotation péjorative.
Or, si ce roman est destiné à ce lectorat, il n’en allait pas ainsi lors de son écriture. Mark Twain l’a d’abord écrit pour les adultes avant de l’adapter (en supprimant notamment les grossièretés), avec ces quelques mots en préface pour l’enfant demeuré en chaque grande personne.
Cela ne vous rappelle-t-il pas d’autres récits qui naviguent entre plusieurs eaux, interpellant plusieurs générations ?
Bien que mon livre soit surtout écrit pour distraire les garçons et les filles, je ne voudrais pas que, sous ce prétexte, les adultes s'en détournent. Je tiens, en effet, à leur rappeler ce qu'ils ont été, la façon qu'ils avaient de réagir, de penser et de parler, et les bizarres aventures dans lesquelles ils se lançaient.
1876
Mark Twain s’est inspiré de son enfance pour écrire ces aventures, pour la plupart réellement vécues. Les personnages aussi ressemblent beaucoup à sa famille ou amis. Huckelberry a vraiment existé, tandis que Tom Sawyer est le fruit du mélange du caractère de trois de ses copains.
Mark Twain ne s’est pas vraiment soucié de lui attribuer un âge, mais je l’imagine avoir dans les 12-13 ans, dans le roman, d’après les illustrations mais aussi sa description tout au long de l’histoire. Bien qu’il ait une dent qui bouge au début du récit (et arrachée par les bons « soins » de sa tante) qui pourrait penser qu’il a aux environs de 7-8 ans, sa débrouillardise, son autonomie et son envie de reconnaissance (surtout auprès des filles) dont il fait preuve tout en étant assez roublard ou superstitieux, démontrent qu’il est plus âgé.
Dès sa parution, l’imaginaire collectif a hissé Tom Sawyer au rang de héros, d’incarnation de l’enfance, de symbole de la liberté, comme le clame si bien le générique du dessin animé, ce n’était pas là le souhait de son auteur, Mark Twain.
Tom sawyer - Générique (Français).
Le générique de la celebre série animé : Tom sawyer. Bon visionage.
Refrain: Tom Sawyer, c'est l'Amérique / Le symbole de la liberté / Il est né sur les bords du fleuve Mississippi / Tom Sawyer c'est pour nous tous un ami.
Le vrai libre, ce n’est pas Tom mais Huck. Contrairement à Tom qui joue, toujours dans les limites permises par les adultes et qui finit par y adhérer, Huck vit en s’affranchissant de tout code, le faisant vivre en marginalité, voire en paria de la société. Il ne peut donc pas être considéré comme un symbole.
Il refuse la mainmise et la bienséance sociale. Il veut pouvoir faire ce qu’il veut lorsqu’il en a envie, sans se créer de besoins, Il lutte contre ceux qui tentent de le changer « pour son bien », de le modeler, et donc, même contre Tom.
Tom Sawyer est « un conformiste, un beau-parleur qui joue à l'homme libre. (Claude Grimal, « Introduction », in Les Aventures de Tom Sawyer, GF, 1996.) Et, pour Peter Messent (The Cambridge Introduction to Mark Twain, p. 66 et suivantes.), si Tom perturbe le quotidien des adultes, sa rébellion n'est possible que sur le fond des conventions et des valeurs sociales d'un village dans lequel il est finalement bien intégré et où il rencontre le succès.
C’est pour cela que Mark Twain a écrit une sorte de suite à ces Aventures avec le roman sobrement intitulé Huckelberry Finn (1884) et qui, comme son nom l’indique, se centre sur l’enfant-vagabond, adolescent. Il se détourne de Tom, devenu égoïste et personnage qu’il considère comme abouti.
Si vous n’avez pas lu Les Aventures de Tom Sawyer, vous ne savez pas qui je suis, mais ça n’a pas d’importance.
C’est M. Mark Twain qui a fait ce livre, et ce qu’il y raconte, c’est la vérité vraie, presque toujours. Il exagère quelquefois, mais il n’y dit guère de menteries. Bah ! ce n’est pas bien grave…
Comme pour Tom Sawyer, Huckelberry a eu sa version animée, dont ma sœur m’a remis en mémoire le générique : De très bons souvenirs ! Mais comme vous pourrez le constater, les physiques n’ont rien à voir… C’est dommage.
Comment transformer une punition en un moment très agréable: "Il avait en outre passé l’un des moments les plus agréables à ne rien faire, une nombreuse société lui avait une compagnie et la palissade était enduite d’une triple couche de chaux." Page 29.
Comme je vous l’écrivais au début de cet article, cette relecture fut un vrai plaisir. J’ai beaucoup souri, voire même ri devant l’effronterie de ce gamin ou parfois agacée par ses généralités lorsque la situation n’allait pas dans son sens.
Roman d’apprentissage, il décrit des sentiments universels, des préoccupations d’enfants pas toujours éloignées de celles des adultes : richesses, argent, mariage, nourriture, s’amuser, les copains, l’amour, les croyances.
Il est universel mais aussi daté, faisant de lui un miroir de la société américaine d’alors, un petit bout d’histoire : esclavage, Indiens, bateaux à aubes, prohibition, ruée vers l’or et rêve américain.
Mark Twain n’hésite pas à critiquer les paradoxes de la vie américaine, dite civilisée, et surtout cet argent qui pervertit les êtres et les consciences, permettant la violence. Le personnage de Joe l’Indien n’est en fait que le rappel de ce passé que l’on cherche à étouffer, à tuer, mais qui ne veut pas se faire oublier.
Le vocabulaire est passé comme les tournures de phrases mais cela confère à la lecture un aspect authentique.
Le magazine Lire #434 d’avril 2015 a consacré son dossier « Ecrivain du Bac » à Mark Twain dans lequel il nous présente l’auteur, de son vrai nom Samuel Clemens, son enfance, ses métiers, la genèse de son œuvre et ses réflexions et son attachement aux termes exacts.
« La différence entre un mot exact et un mot presque exact est une question vraiment très importante, c’est la différence entre l’éclair lumineux et l’étincelle du court-circuit. » Page 100.
Mark Twain a permis aux petites gens, « oubliés », illettrés, esclaves de s’exprimer par son biais, insérant alors le langage parlé dans l’écrit. Un tournant dans la littérature.
Ce titre participe aux Challenges « Petit Bac 2015 » d’Enna pour ma huitième ligne, catégorie Prénom, à celui de Bidib, « Miyazaki », et au mien, « Challenge des RE 2015 ».
7/9
Et vous, aimiez-vous Tom Sawyer et Huckelberry Finn ?
Une préférence ?
Belles lectures et (re)découvertes !
Blandine.
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