La petite fleur d'Hiroshima. Catherine CUENCA – 2020 (Dès 10 ans)
Publié le 21 Janvier 2021
La petite fleur d'HIROSHIMA
Catherine CUENCA
Oskar Editeur, collection avril 2020
112 pages
Dès 10 ans
Thèmes : Histoire, Deuxième Guerre Mondiale, Japon, Etats-Unis, Humanité, récit épistolaire
Juillet-août 1945
La Guerre est finie en Europe mais elle se poursuit dans le Pacifique.
Depuis l’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941, les États-Unis sont en guerre contre le Japon.
Dans un souci de sécurité a-t-il été dit, le gouvernement américain a parqué les émigrés Japonais et les Américains d’ascendance nippone dans des camps. Du jour au lendemain, ils sont devenus des indésirables, des menaces, des ennemis.
Pourtant, nombreux ont été les jeunes hommes à s’engager ou à être enrôlés pour aller combattre les compatriotes de leurs parents et aïeux, cette terre sur laquelle beaucoup ont été envoyés plus jeunes pour recevoir une éducation en accord avec les traditions.
Ces soldats sont les Nisei (terme qui signifie en japonais « deuxième génération », ce sont les enfants des premiers émigrants aux Etats-Unis, au Canada, mais aussi en Amérique Latine).
En allant au combat, ils veulent prouver leur attachement, leur appartenance à la patrie américaine, et donc servir leur pays.
Au Japon, servir et défendre la nation et l’Empereur est un honneur, un devoir sacré même. Qui que l’on soit, où que l’on soit. Et pour ce faire, tous les moyens sont bons, même les plus extrêmes ou désespérés. S’ils meurent, les soldats deviennent des esprits gardiens du sanctuaire Yasukuni.
***
Le 6 juillet 1945 a changé la face de la guerre et précipité sa fin.
Au-travers d’un double échange de correspondances, fictif mais qui se fonde sur des éléments réels et avérés, Catherine Cuenca nous plonge dans les dix jours qui ont précédé cette date.
Un compte-à-rebours à l’issue tragique.
Ainsi nous sont restitués les bribes d’informations, les rumeurs, les souvenirs, les espoirs et peurs, les résignations ou résolutions de quatre personnages.
Akira Takahashi, 12 ans, écrit à son grand frère depuis le camp de Gila River en Arizona.
Dans ses lettres, il évoque leur ancienne vie à Los Angeles, leur restaurant, leur départ pour le camp, son incompréhension face à cette situation injuste, et la confirmation quant à une nouvelle arme, si puissante qu’elle mettrait un terme au conflit, et permettrait, enfin, à son frère de rentrer, et de retrouver leur vie d’avant.
Kei se trouve en Haute-Birmanie, à Myitkyina, et son unité est à la veille de débarquer sur le sol japonais. Ce qui interroge plusieurs de ses camarades quant à leur nationalité, famille, filiation. Et lui sur son engagement qui l’a amené à combattre sur différents fronts avec le 442e RCT.
Contrairement aux autres, Kei n’écrit pas, il vit les faits, et nous avec.
Ainsi nous sommes avec lui lorsqu’ils découvrent un avion japonais « Zéro », qui s’est crashé non loin, le corps sans vie du pilote, un carnet (que Kei traduit pour son officier) et une mystérieuse lettre (qu’il garde secrète).
Hanako Takizawa, 13 ans, écrit à son grand frère Harada, pilote de l’armée impériale.
Elle lui décrit le quotidien à Hiroshima, la vie avec leur mère, son engagement pour enlever des gravats suite à la démolition de maisons pour éviter la propagation d’incendies en cas de bombardement, les préparatifs mis en place pour accueillir comme il se doit l’ennemi.
Dans ses réponses, Harada revient sur le modèle paternel (décédé) quant à l’honneur et le devoir qui l’a poussé à s’engager deux ans avant, sitôt l’âge requis, les défaites japonaises, la réalité de la guerre et ses désillusions.
Je ne veux pas que tu te sacrifies pour l’honneur.
Cela n’a aucun sens ! Au contraire, tu dois vivre pour que notre pays existe encore dans un siècle.
Ils ne le savent pas encore, mais leurs destins vont se lier, bien au-delà de la guerre.
***
Par le biais de ces échanges éminemment forts, émouvants, révoltants aussi, et d’une écritue douce et empathique, Catherine Cuenca écrit les évènements comme ils se sont passés et éclaire particulièrement bien ce déchirement des Nisei, entre leur devoir et leurs racines.
J’aime le genre épistolaire qui nous rend les personnages si proches, si attachants.
En les lisant tour à tour, nous attendons comme eux les réponses, ce qui génère angoisses comme espoirs.
Cela efface les antagonismes (qui les dépassent et les manipulent), les conflits et nous retranscrit leur humanité comme leur individualité.
Je sais que si je rentre aux Etats-Unis sans avoir eu à fouler la terre de mes ancêtres, c’est qu’un évènement aussi phénoménal qu’inédit m’aura dispensé de le faire. J’ai peur qu’il ne soit terrible pour toi, Hanako, et toutes les petites sœurs qui attendent le retour de leurs aînés, dans ce lointain Japon livré à l’esprit de destruction.
L’épilogue est particulièrement fort.
Catherine Cuenca nous offre aussi une autre conclusion.
Et si la première bombe n’avait pas été larguée ? Que serait-il advenu ?
Son scénario est parfaitement plausible, déconstruisant malheureusement une haine au profit d'une autre.
Le roman se termine par un glossaire et une chronologie, dans laquelle nous pouvons voir qu’en 1988, suite à une enquête demandée par le Président Jimmy Carter sur les camps d’internement, le Congrès américain a officiellement présenté ses excuses et versé une compensation financière pour chacun d’entre eux.
Ce roman participe au "Petit Bac 2021" d'Enna pour ma 1e ligne, catégorie Adjectif; ainsi qu'à l'Objectif PAL d'Antigone.
C'est avec le roman de Julie Otsuka, Celles qui n'avaient jamais vu la mer, que j'ai découvert ces camp d'internement américains à l'encontre des Japonais. Un roman à découvrir!
Sur la Guerre du Pacifique, ce manga sur la bataille d'Okinawa d'un point de vue civil: La fillette au drapeau blanc de Saya Miyauchi. Issu d'une historie vraie. Parce que les images s'ancrent plus que les mots.
Belles lectures et découvertes !
Blandine.
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