Ginette Kolinka. Aurore D’HONDT – 2023 (BD) + Bulleurs du mercredi

Publié le 5 Février 2025

Ginette Kolinka
Récit d’une rescapée d’Auscwitz-Birkenau

Aurore D’HONDT

Des Ronds dans l’O, janvier 2023
240 pages

Thèmes : Shoah, Témoignage, Devoir de mémoire

Ginette Cherkasky est une jeune fille dernière de cinq sœurs et d’un petit frère, Gilbert.
La famille nombreuse est aimante, soudée, d’origine juive, mais non pratiquante.
Elle vit à Paris, va en vacances au bord de la mer en Normandie lorsque les finances le permettent et ne se sent pas en danger lorsque les premiers recensements tombent.
Ginette est d’un naturel joyeux, insouciante un brin candide et très sociable.
Mais l’Histoire la rattrape.
Plusieurs fois.
Lorsque son père est fait prisonnier, puis libéré.
Lorsqu’il leur faut aller en Zone Libre en se séparant.
Lorsqu’après avoir reconstruit une vie à Avignon, son père, une de ses sœurs, son frère et elle, sont emmenés à Drancy….
Avant Auschwitz

Je suis assez bête pour croire ce que les nazis nous disent.

Si cet album est entre nos mains et l’histoire de Ginette Kolinka sue et partagée, c’est parce que cette dernière a fini par céder devant l’insistance de certains à témoigner, « pour qu’on la laisse tranquille ».
Et contre toute attente, elle a aimé dire son histoire, faire œuvre de transmission, répondre à des questions, apporter des précisions.
Toujours avec le sourire et une joie qui pourraient dénoter tant son récit est bouleversant, triste, douloureux, terrible.

C’est lors d’une de ses interventions qu’Aurore d’Hondt entend son histoire.
Elle qui a 19 ans entend le récit de la vielle dame de 94 ans qui avait alors 19 ans.
Un choc qu’il lui faut retranscrire.
Et ainsi est née cette bande dessinée, totalement réalisée en autodidacte.
Le dessin d’Aurore rappelle celui de Marjane Satrapi ou de Zeina Abirached.
Du noir et blanc, un trait noir et épais, des décors peu travaillés et pourtant… une expressivité immédiate, immersive, sensorielle.

Et le propos est d’autant plus fort, plus direct, plus vrai, qu’il ne s’encombre d’aucun artifice graphique ou littéraire.
Et j’ai été saisie, par l’honnêteté, la spontanéité, la transmission de Ginette par le biais d’Aurore, que j’ai eue la chance de rencontrer au Festival de Paris, et qui m’a relaté le parcours de cet album.

Ginette a eu 100 ans le 4 février, et Auschwitz a été libré il y a 80 ans...

On ne saura jamais assez, on ne partagera jamais assez l’épreuve que furent les Camps et l’horreur de la Shoah, et ce roman graphique participe à la transmission comme à la lutte de l’oubli, de l’uniformisation et de l’anonymisation que forment le passage du temps…