Les souvenirs et les mensonges aussi. Karine LEBERT - 2022
Publié le 18 Juin 2023
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Les souvenirs et les mensonges aussi
Karine LEBERT
France Loisirs, mars 2022
Presses de la Cité, mars 2022
606 pages
Thèmes : Histoire(s), Destins, France, Allemagne, Secrets de famille
Saga historique, familiale et féminine, cet épais roman nous transporte auprès de trois femmes, qui ont un lien, au fil de trois parties qui sont chacune d'une époque. Pauline entre 1937 et 1945, Hilda entre 1945 et 1948, et enfin Valentine (et Magda) en 2014.
Pauline, jeune fille de 17 ans, s'éprend de Joachim, de 5 ans son aîné, venu à Honfleur d'Allemagne avec ses parents et sa sœur Hilda car ils s'opposent au régime d'Hitler. Bien sûr, la période n'est absolument pas propice à un mariage franco-allemand, les préjugés sont tenaces mais il a lieu. Quand la guerre éclate, Joachim est arrêté et emmené dans un camp, dont il s'évade pour rejoindre le maquis. Pauline, avec leur fils Alexandre, gagne Marseille dans l'espoir de le retrouver, lui faisant également devenir Résistante.
Il existe une façon d’obliger mes parents à consentir à notre union dans les plus brefs délais. Évidemment, c’est risqué. Ma confiance en Joachim devra être absolue. Encore doit-il approuver ce projet car, pour le concrétiser, il faut être deux. Je veux des enfants. J’ai bien le temps d’être institutrice.
Nous sommes ensuite avec Hilda, la sœur de Joachim, rentrée à Baden dans l’espoir de retrouver son fiancé Otto, hélas mort sur le front russe. On la retrouve après-guerre dans un pays en déroute et occupé par les Français, Anglo-Américains et Russes, suite à la défaite.
A Baden-Baden puis Berlin où elle est arrivée à rejoindre Pauline, Joachim et leurs deux enfants (une petite Marie est née).
Elle tombe amoureuse d'un Français, Robin, de qui elle est enceinte. La petite Adeline naît avant que le mariage n'ait pu avoir lieu, car Robin souhaite qu'il se déroule avec sa famille, en France, en Bourgogne. Mais il est assassiné et Adeline est enlevée par sa nourrice russe. Joachim, qui a depuis longtemps succombé aux sirènes du communisme, veut suivre l'Appel aux Russes Blancs de Staline et convainc sa femme et sa sœur d'aller en URSS.
Mais rien ne se passe comme prévu...
Il y a quelque chose d’étrange et de désespérant à se sentir étrangère dans son propre pays.
En 2014, Valentine, pianiste, rencontre une consœur violoniste, Magda, lors de concerts donnés sur une croisière. Elles se lient d'amitié et Magda l'invite chez elle à Hambourg où réside sa famille, jusqu'à son arrière-grand-mère de 95 ans, Pauline. Cette dernière, fatiguée, s'est murée dans un silence tenace en ce qui concerne son passé, laissant ses descendants combler à leur manière les vides et interrogations. Originaire de Cabourg en Normandie, Valentine s’intéresse à l’histoire de la vieille dame et réveille sans le vouloir des souvenirs qui délient, petit à petit, la langue et les secrets de Pauline.
Je suis toujours plongée dans des romans ou des livres d’histoire, et il m’arrive de fuir le présent, surtout s’il est trop sombre.
Cet épais roman nous plonge au cœur des années noires de la Deuxième guerre mondiale, de l'Occupation, des années après-guerre jusqu'à aujourd'hui, avec les secrets, les silences, les non-dits et traumatismes familiaux et identitaires qui en découlent.
Karine Lebert aime écrire sur ces temps troublés, sur les faits que l’on pense connus mais qui ne le sont en fait pas, et leur impact sur les trajectoires personnelles, intimes, familiales.
Et sur les femmes en particulier.
Ce faisant, elle leur entremêle des thèmes toujours très actuels, tels l’exil, l’émigration, l’espoir d’une vie meilleure.
Il me paraît impossible d’avoir un échange normal avec des gens qui ont tout quitté pour fuir une dictature, de leur demander par exemple s’ils ont fait bon voyage, si la nourriture leur convient ou comment ils ont trouvé les paysages.
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Malgré quelques longueurs descriptives çà et là, et surtout dans la première partie qui est plus familière historiquement, j'ai beaucoup aimé cette lecture.
J’ai été révoltée par les « procès » en apparences et les préjugés en France mais aussi en Allemagne. J’ai surtout appris auprès d'Hilda et sur l’occupation de Berlin (on pense à celle en France mais celle-ci est tout autant abominable et j’ai découvert le sort des enfants nés d'unions mixtes…
Je me suis particulièrement attachée à Hilda et je me suis sentie proche de Valentine et Magda dans leur recherche familiale et identitaire, qui donne un nouvel élan au roman.
Les deux couvertures sont très belles mais je préfère celle de France Loisirs, avec cette couleur et le regard de la femme, qui pourrait aussi bien être Pauline qu'Hilda.