L'élégance des veuves. Alice FERNEY - 1997
Publié le 17 Août 2023
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L'élégance des veuves
Alice FERNEY
Editions Babel, août 1997
127 pages
Thèmes : Famille, Mariage, Maternité
Il y a quelques années (2017), je vous avais parlé avec une grande émotion du roman d'Alice Ferney, Les Bourgeois, qui nous retraçait l’histoire d'une famille au long cours par le biais d'une fratrie de dix enfants. Parcours de vies mais aussi histoire sociale, sociétale, de mœurs, d'évolutions, de (chocs des) générations, de constructions identitaires, avec la Grande Histoire en toile de fond.
Les enfants n’oublient rien Mathilde, il faut nous en souvenir sans cesse, tout s’enfouit mais tout est là.
Ce roman-ci, bien plus court mais tout aussi prenant et beau, nous décrit les deux générations féminines d'avant cette fratrie, par le biais de trois femmes, Valentine la grand-mère, Mathilde la mère et Gabrielle, l'amie puis belle-mère.
Au rythme des faire-part de naissance et de mort, voici la chronique de destins féminins dans la société bourgeoise du début du XXe siècle. Fiançailles, mariages, enfantements, décès... le cycle ne s'arrête jamais, car le ventre fécond des femmes sait combler la perte des êtres chers. C'est avec l'élégance du renoncement que l'on transmet ici, de mère en fille, les secrets de chair et de sang, comme si la mort pouvait se dissoudre dans le recommencement.
Une fois n’est pas coutume, je copie la quatrième de couverture car ce résumé dit tout d’une superbe manière.
Valentine, toute petite femme, a épousé Jules, qui mourut si tôt qu'elle resta 40 ans veuve avant de le rejoindre, enfin. Son fils Henri a épousé Mathilde, une cousine éloignée et lui a fait 10 enfants en dépit des alertes des médecins. « Très au fond de lui il [Henri] ne faisait pas l’amour mais des enfants. Cela se découvrirait dans l’avenir, et il lui faudrait le payer. » Marie a vu le jour quand sa mère rejoignit la mort. Laissant à jamais un vide immense. Gabrielle, veuve de Charles qu'elle a vu se noyer sans rien pouvoir faire, a pris sa place en tant que mère, sans prendre celle d'épouse. Elle survécut aussi à Henri, vit se marier les enfants la vie revenir avec les nouveau-nés.
Et ainsi passent et perdurent les cycles de vie, et les familles.
Elle se le répétait, on ne fait pas des enfants pour soi.
Ce roman est plus intime, même si la narration est extérieure (dans Les Bourgeois, c'était une petite-fille qui nous racontait sa famille, ses membres et ses changements).
Il s'attache à nous présenter à-travers Valentine, Mathilde et Gabrielle la condition féminine de la fin XIXe-début XXe siècle dans la société française bourgeoise et parisienne, sans que l'Histoire et ses aléas ne soit très présente.
Il dit tout du mariage (de raison, convenu), de l'amour conjugal qui s'apprend, des grossesses renouvelées, de la maternité et de l'amour maternel, des transmissions de valeurs, des choix aussi même s'ils ne semblent pas en être, des apparences.
La femme, sa place en apparence effacée, en retrait, celle qui résiste, celle qui poursuit, le fil et le socle de la famille, dans la présence comme dans l’absence. De celle qui, en société, n’est rien sans son époux.
Et des deuils.
Il avait en mémoire le deuil plein de pureté de sa mère, et celui de Gabrielle. Leur veuvage sans plainte et sans oubli était une perfection si présente, que la simple idée de penser déjà à se remarier, lui qui était à peine veuf, saccageait l’image qu’il voulait de lui-même.
Ce jour et cette mort n’étaient pas acceptables : c’était elle Valentine Bourgois, née près d’un demi-siècle plus tôt, frappée par trois fois, tombée, si mal relevée qu’elle ne voulait plus avancer, qu’elle n’aspirait qu’à s’étendre dans la terre contre celui qu’elle aimait. (…) Et cette fois encore elle s’endormit malgré elle, pour reprendre des forces dont elle ne voulait plus mais qui étaient en elle.
L'écriture d'Alice Ferney est un bijou, précieuse, délicate et forte.
En peu de mots, elle dit tout, nous restitue avec densité et réalité ces femmes, leurs destins tracés, leurs caractères dissimulés, leur époque passée, entre convenance, valeurs espoirs et histoires, et ce qui se transmet...
Et je ne peux que vous encourager à la lire!
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Ce roman participe au "Petit Bac" d'Enna pour ma 3e ligne, catégorie Mort; ainsi qu'à l’Objectif PAL.
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Belles lectures et découvertes,
Blandine

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