Madame Bovary. Gustave FLAUBERT - 1856
Publié le 16 Mai 2023
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Madame Bovary
Mœurs de province
Gustave FLAUBERT
Folio, 1979 pour mon édition
510 pages
Thèmes : Vie provinciale, Amour, idéalisme, Classique
Lecture Commune avec Anne, Nathalie, Isabelle
Emma Bovary, née Rouault, s’ennuie.
Mariée à Charles, un médecin veuf de Normandie, installée dans la petite ville sans avenir de Yonville, elle évolue dans une petite société qu’elle juge étriquée et qui la rebute. Elle aspire à quelque de grand, de plus grand qu'elle et eux tous, quand autour d'elle tous semblent se contenter de ce qu’ils ont.
Elle a bien eu une once de fierté lorsque son époux a réalisé l’opération du pied bot d’Hippolyte Tautain et obtenu un article élogieux dans le journal, et rédigé par l’exploiteur apothicaire Homais. Cela n’a pas duré, c’était un échec. Cruel échec de société pour elle, de douleur pour Hippolyte.
Même enfant, Madame Bovary a toujours voulu plus, voulu mieux, voulu autre chose, non par quelque action ou volonté mais comme si la nature le lui devait et l’avait mal placée à la naissance. Elle pense tout cela sans toutefois arriver à déterminer ni quoi ni comment combler cet état. Insatisfaite de sa vie dans laquelle elle s'est ennuyée à tous les âges, elle a toujours contemplé le passé avec un œil nostalgique, lui prêtant à penser que le meilleur était désormais derrière elle sans qu'elle n'ait jamais su en profiter au bon moment.
Regrets constants. Utopie de l'avenir.
Tout ce qui l'entourait immédiatement, campagne ennuyeuse, petits bourgeois imbéciles, médiocrité de l'existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier où elle se trouvait prise, tandis qu'au delà s'étendait à perte de vue l'immense pays des félicités et des passions. Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du coeur, l'élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment.
Aussi se fait-elle des idées, et s'imagine dans un esprit romantique, des sentiments pour autrui, qui seraient partagés. Peut-être est-ce un peu le cas. Il y a Justin dont elle n’a que faire, il y a eu Léon, qui est parti (enfui ?) à Rouen.
Puis il y a eu Rodolphe.
Là les choses ont pris un tournant plus sérieux. Mais qui n’ont pu l’emmener loin…
Cet amour sans libertinage était pour lui quelque chose de nouveau et qui, le sortant de ses habitudes faciles caressait à la fois son orgueil et sa sensualité.
L’exaltation d’Emma, que son bon sens bourgeois dédaignait, lui semblait, au fond du cœur, charmante, puisqu’elle s’adressait à sa personne. Alors, sûr d’être aimé, il ne se gêna pas, et insensiblement ses façons changèrent. (…) Elle n’y voulut pas croire ; elle redoubla de tendresse ; et Rodolphe, de moins en moins, cacha son indifférence.
Une rencontre fortuite rallume la flamme de sa vie. Et elle s'y engouffre sans prendre garde.
Eblouie, passionnée, galvanisée par ses mensonges et prises de risques toujours plus grands.
Vivant très largement au-dessus de ses moyens grâce à un M Lheureux, marchand flatteur et peu scrupuleux, qui la pourvoit en toutes sortes d'articles aussi onéreux que dispensables.
Madame Bovary croit exister, organise son adultère, délaisse son "petit" mari et ignore totalement sa fille, la petite Berthe, mise en pension reprise, replacée, oubliée chez une nourrice vénale, avant d’en être récupérée. Seule sa grand-mère paternelle semble s’en soucier quelque peu.
Elle souhaitait un fils ; il serait fort et brun ; elle l’appellerait Georges ; et cette idée d’avoir pour enfant un mâle était comme la revanche en espoir de toutes ses impuissances passées. Un homme, au moins, est libre ; il peut parcourir les passions et les pays, traverser les obstacles, mordre aux bonheurs les plus lointains. Mais une femme est empêchée continuellement. Inerte et flexible à la fois, elle a contre elle les mollesses de la chair avec les dépendances de la loi. Sa volonté, comme le voile de son chapeau retenu par un cordon, palpite à tous les vents, il y a toujours quelque désir qui entraîne, quelque convenance qui retient.
Madame Bovary ne sera pas rattrapée par ses (erreurs de) sentiments, mais pour défaut de paiement. Cela n'a vraiment rien de romantique, et c'en est même cruel, mesquin. Car cela a des conséquences tragiques. Et pas uniquement pour elle-même. S'il n'y avait qu'elle d'ailleurs...
*****
Emma Bovary ne m’a certes pas laissée indifférente.
Son ennui a fait le mien. J’ai lu moult pages sans rien en retenir. J’ai soupiré, été agacée par ses minauderies, ses caprices, ses désinvoltures, son égoïsme. Aussi quand elle subit des travers, cela est-il réjouissant. Un peu de relief, enfin !
Certes, Emma Bovary, c'est un peu nous. Même 150 ans plus tard.
Qui n'a pas aspiré à vouloir mieux, à vivre meilleur, à voir sa vie vibrer, à être passionné, à sortir d'un quotidien corseté ? Flaubert punit l'inconséquence, le fait de vouloir autre chose que ce que l'on a et que ce que l'on est.
Comment donc avait-elle fait (elle qui était si intelligente !) pour se méprendre encore une fois ? Du reste, par quelle déplorable manie avoir ainsi abîmé son existence en sacrifices continuels ? elle se rappela tous ses instincts de luxe, toutes les privations de son âme, les bassesses du mariage, du ménage, ses rêves tombant ans la boue comme des hirondelles blessées, tout ce qu’elle avait désiré, tout ce qu’elle s’était refusé, tout ce qu’elle aurait pu avoir ! Et pourquoi ? et pourquoi ?
Flaubert n'en parle que très peu, car il centre son récit uniquement sur Emma Bovary, ses sentiments, passions et irresponsabilités mais on se demande comment son mari a pu être aussi aveugle, ignorant, éperdu d’amour pour une femme qui l’ignore tant. Car même si elle le câline de temps à autre pour obtenir quelque chose, elle le délaisse bien davantage. Il en est risible et Flaubert le punit tout autant. Il n'épargne pas non plus les autres habitants de ce village, ou ceux qui y viennent tels les médecins, qui chacun offre un visage de al diversité humaine.
Et la petite Berthe dont elle n'a que faire...
Flaubert ne lui accorde de l’intérêt que pour mieux la négliger ensuite. Ses quelques paroles et apparitions sont consternantes de vacuité, d'invisibilité. Est-ce là la vision qu'Emma a de son enfant ou le reflet de l'époque de Flaubert qui n'accordait pas d'importance aux enfants, qu’ils soient fille ou garçon ? Un peu des deux je suppose.
Mais quelles catastrophes cela entraîne. J'ai eu de la peine pour la petite Berthe. Et de la colère contre sa mère.
Ce roman a fait couler beaucoup d’encre et cette édition restitue les jugements et réquisitoires qui ont suivi sa parution. Et ça, c’est passionnant !
Il n’y a plus ensuite rien à voir dans Yonville. La rue (la seule), longue d’une portée de fusil et bordée de quelques boutiques, s’arrête court au tournant de la route. Si on la laisse sur la droite et que l’on suive le bas de la côte Saint-Jean, bientôt on arrive au cimetière.
Voici donc un roman dense et long, très long, qui décrit la vie provinciale (tout est dans le sous-titre !), celle des petites gens, des sentiments simples comme peu nobles. Il s’en passe finalement des choses en province !
D'autres auteurs se sont emparés aussi de ces thèmes (Andersen, Maupassant) mais je n'ai pas le souvenir d'une telle répercussion sur les autres. Leur comparaison est intéressante !
Qu’en ont pensé Anne, Nathalie et Isabelle ? Allons lire leurs avis !
Ce roman participe à notre Challenge autour des Classiques avec Nathalie; ainsi qu'à l'Objectif PAL
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Belles lectures et découvertes,
Blandine
