Les Rêves de nos mères. Les cendres sous les coquelicots. Carine PITOCCHI - 2022

Publié le 16 Avril 2023

Les Rêves de nos mères
 

Longfield Park
1912-1914

Les cendres sous les coquelicots
1914-1918

Carine PITOCCHI

France Loisirs, 2022
712 pages

Thèmes : Angleterre, Première Guerre Mondiale, Amour, Condition des Femmes, Chronique Sociale

Cette édition (dite intégrale) publiée chez France Loisirs regroupe les deux premiers tomes d’une saga familiale et historique entreprise par Carine Pitocchi en quatre tomes, et qui va nous emmener jusqu’en 1945.
Le troisième, Les heures incertaines, est paru le 24 janvier 2023 aux Editions Charleston. Un quatrième est en cours d'écriture.

Le destin du monde était en marche, embarquant avec lui de gré ou de force le sort de millions de familles.

Angleterre, Londres, entre 1912 et 1918

Ce diptyque nous emmène dans deux mondes que l'argent, la condition sociale comme les convenances séparent : l'aristocratie anglaise du début XXe siècle et les bas-fonds de l'East End, où règnent pauvreté, violences ordinaires et pègre locale.
Ces deux univers d’ordinaire bien éloignés vont se retrouver liés par plusieurs personnes et évènements.

Une absence si longue pouvait avoir des conséquences fâcheuses en ces temps de turpitudes budgétaires pour les grands propriétaires terriens.
Bien que personne ne voulût vraiment l'admettre, la position de l'aristocratie britannique était de plus en plus inconfortable. On ne comptait déjà plus les unions entre des aristocrates anglais et les filles richement dotées de riches marchands américains. Il s'agissait là d'un échange de bons procédés, un titre contre une fortune. Tout le monde y trouvait son compte ou presque.
Cet ancien monde déstabilisé et en perte de vitesse laissait à Julia un affreux sentiment de désolation.

Lady Julia Ashford est veuve depuis peu lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte. Refusant de revenir dans son hôtel particulier de Londres fraîchement rénové suite à l’incendie qui a emporté son époux, elle vit à Longfield Park, avec son beau-frère et sa belle-sœur, Catherine, 42 ans, à la langue vipérine.

Heureusement, sa cousine Emily Allen lui rend souvent visite.
Orpheline, Emily est d’une farouche indépendance, conduisant elle-même sa propre automobile, refusant de se marier pour n’être point soumise et encourageant avec ferveur le mouvement des Suffragettes.
C’est par elle que la vie de Lady Julia va se retrouver chamboulée.

Suite à son mariage, Edna Fallen a quitté le service de Lady Julia pour vivre dans l’East End.
Victime des coups de son mari et s’enfonçant toujours plus dans la misère car ne pouvant travailler, Edna survit jusqu’au jour où une étrange proposition lui vient d’une fratrie d'Irlandais tenant un pub non loin et trempant dans des affaires certainement peu recommandables.
L’un des patrons, Wlliam Murphy, lui offre leur protection et un travail (rayon parfumerie d’Harrods) contre des nouvelles (indirectes) de Lady Julia.
Jeune homme de rien, fils du palefrenier de la famille Cromwell dont est issue Julia, son amour pour elle ne s’est jamais éteint.

Emprisonné pour le meurtre de son ex-beau-frère qui battait sa sœur Merry et dont il s’accuse, il voit sa peine transformée en une réclusion de quinze ans suite à l'intervention d'Emily Allen, la fougueuse cousine de Julia, qui en a fait un combat féministe (n’a-t-il pas protégé sa sœur et une femme des violences conjugales ?! – La Presse s’enflamme.) 

Pour ce qui est du droit des femmes, rien ne vous empêche d'en faire votre combat une fois libéré. Si vous avez du temps à perdre.

Quand la guerre éclate, on lui propose de s'enrôler pour n'être plus inquiété par la Justice.
Voyant là le moyen de gravir les échelons sociaux par la voie militaire afin d’accéder au rang de Julia qui ne l’a pas oublié et qui l’aime toujours, il accepte.
C’est sur le quai de la gare qui va le voir partir en France que Julia le rejoint pour l’embrasser fougueusement.

Un acte jugé scandaleux et qui ne passera pas inaperçu, tant dans la Presse qu’à Longfield Park, où les domestiques désapprouvent presqu’ouvertement l’attitude de leur Maîtresse.
Leurs relations entre eux sont le reflet de celles qui s’exercent dans l’ensemble de la société : suspicion, animosité, réputation, cancans, loyauté…

La Guerre a bouleversé bien des choses et rôles.
Dans le deuxième tome, alors que la guerre fait rage, les convenances volent en éclats et Emily comme Julia s’engagent corps et âme pour être au plus près de ceux qu’elles aiment.
Car Emily s’est rendue compte qu’elle ne pouvait vivre sans Archibald Marsden, ce jeune homme qui lui a tant fait la cour et qu’elle a tant repoussé par peur de perdre sa liberté.
En France, en Angleterre, en Arrière du Front, pour quelques heures, elle est prête à tout pour être auprès de lui.
Suite à sa demande, Archie fait en sorte d’avoir Will sous son commandement.

En parallèle, Catherine s’est énamourée d’un jeune homme au tempérament très sombre.
Croyant avoir le contrôle, elle découvre qu’il n’en est rien, surtout quand sa grossesse ne fait plus de doute.
Contrainte au mariage pour sauver les apparences, elle cède à Lord Forster, qui ne pose heureusement pas de questions mais qui se lasse très vite d’elle et de ses crises qui délaissent et abîment la petite Britannia.

J’ai tout de suite été embarquée dans ce diptyque.
Absolument tout m’a plu.
Il nous plonge dans la société anglaise avec un double point de vue : l'aristocratie et les bas-fonds londoniens de l'East End. L'écriture de l'autrice est enveloppante. On y est bien, on se représente sans peine les personnages, leurs ambitions, leurs émotions, leurs peurs et leur courage, les lieux et les évènements, tant fictifs (ceux des personnages) qu'historiques.

La puissance créatrice des femmes contre la force destructrice des hommes.

Et ils sont nombreux entre les Suffragettes et le bouleversement sociétal que leurs revendications engendrent, l'arrivée des automobiles à la ville, mais aussi à la campagne, les femmes sous la coupe de leur mari (et les violences que cela induit), la libération féminine avec la possibilité de travailler (pourvu qu'elles soient célibataires et sans enfant!), les différences sociales qui s'entrechoquent entre les bonnes et nouvelles manières, et bien sûr, la situation politique avec cette terrible Grande Guerre.
Elle nous transporte auprès de personnages historiques (tel Winston Churchill), sur le Front dans les différents corps d’Armée, en Arrière, auprès de ceux de la Croix-Rouge et des bénévoles, les évolutions médicales et techniques.

La plume de l'autrice est empathique, fluide, immersive. Je me réjouis de tous les retrouver dans les deux prochains tomes à venir.

Les coquelicots, hésita-t-il. Ils ne fleurissent pas en cette saison.je me trompe ? Elle ne répondit pas. Antoine, troublé, se remémora la présence de ces fleurs qui, dans les champs de cendres, fleurissaient pour recouvrir d’un linceul vermeil les sépultures des soldats. Il se pencha pour en effleurer les pétales fragiles.

Tu penses à tes camarades, devina-t-elle.
. Oui murmura-t-il.
Elles aussi sont tristes, dit-elle en désignant le parterre de coquelicots. C'est pour ça qu'elles prennent soin des âmes enfuies dans la terre.

Ce roman participe à mon challenge dédié à la Première Guerre Mondiale ; au "Petit Bac" d'Enna pour ma 4e ligne, catégorie Paysage; ainsi qu'à l’Objectif PAL.

 

 

 

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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F
Série repérée dans les vidéos d'Estelle (Petite Lectrice) ! ça a l'air vraiment prenant et agréable à lire ! noté :-) bisous Blandine
Répondre
Tu vas passer un formidable moment de lecture! L'écriture est immersive et douce, et même si certains éléments sont faciles ou attendus, bah on y croit et ça fait plaisir! Je te souhaite de l'aimer autant que moi! Des bises Fondant <3