Le Féminisme. Anne-Charlotte HUSSON et Thomas MATHIEU – 2016 (BD)
Publié le 8 Mars 2023
Le Féminisme
En 7 slogans et citations
Texte d’Anne-Charlotte HUSSON
Dessin de Thomas MATHIEU
Editions Dargaud, Le Lombard, collection « La petite bédéthèque des savoirs », octobre 2016
96 pages
Thèmes : Féminisme, condition des femmes, Engagement, Histoire, Société, Document
Lecture Commune avec Enna
La petite Bédéthèque des Savoirs regroupe des albums de petits formats (13,9 × 19,6 cm) au but pédagogique pour rendre accessible et attractif différents sujets divisés dans sept catégories : histoire, pensée, technique, science, culture, nature et société.
Le principe est d’associer pour chaque opus un essayiste scientifique reconnu dans son domaine et un auteur de bande dessinée.
Dans cet album, Anne-Charlotte Husson et Thomas Mathieu ont travaillé ensemble, se mettant même en scène dans plusieurs planches pour nous parler du Féminisme.
Anne-Charlotte Husson est une professeure agrégée spécialisée dans les questions de genre, la justice sociale et l’analyse des études et discours liés à l’éthique féministe. Sa thèse portait sur les polémiques autour des mots du genre en France entre 2011 et 2014.
Autrice, elle est aussi blogueuse, auparavant sur « ça fait genre » et maintenant ici, sur un site à son nom.
Thomas Mathieu est un auteur de bande-dessinée belge qui a notamment publié Les crocodiles sont toujours là (présenté chez l’un.e des Bulleurs, mais je ne me souviens pas de qui) et à nouveau avec Anne-Charlotte Husson en 2021 chez Casterman, Le genre : cet obscur objet du désordre.
Avant d’aborder ce qu’est, ou plutôt, ce que sont les féminismes, se trouve un avant-propos signé David Vandermeulen (auteur de bande dessinée belge, qui a notamment adapté en BD avec Daniel Casanave le premier tome de Sapiens : La Naissance de l’humanité, de Yuval Noah Harari).
Il revient sur l’aspect historique de la condition des femmes, en commençant avec les récits fondateurs des différentes cultures mondiales, qui posèrent les bases de la misogynie, et du rapport homme/femme depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, avec tous les modèles à déconstruire et les luttes remportées durement et dont les acquis demeurent toujours si fragiles, voire même annulés.
L’attente et les marques de soutien nombreuses qui nous ont été adressées dans les mois qui ont précédé la publication de cette bande dessinée nous ont fait comprendre qu’un ouvrage sur le féminisme avait toujours tout son sens et son utilité en 2016 [et toujours en 2023].
Mais avant, il convient d’apporter une définition à ce qu’on appelle « le féminisme », car il est désormais multiple, engendrant une « remarquable richesse théorique mais également d’inévitables clivages. »
C’est Anne-Charlotte Husson qui a eu l’idée d’aborder les féminismes par le biais de sept slogans et citations, pour illustrer les aspects culturels, historiques, sociaux et politiques communs à tous et pourtant spécifiques à chacun.
Tous s’assortissent d’extraits, de personnalités majeures, et de cas concrets (extraits, faits divers, chiffres, exemples de différentes politiques menées dans le monde).
« La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. » Olympe de Gouges.
Portrait de cette femme et de ses engagements et vision politique de la place de la femme et de la féminité, jusqu’à nos jours. Rôle de la Nature, Droit de vote, Réputation féminine, espaces propres à chacun selon le genre.
« Le privé est politique »
Le mouvement change de revendication, passant de « l’émancipation des femmes à la libération des femmes » pour leur existence juridique, mais aussi sur leur droit à disposer de corps (avortement, violences conjugales, espaces publics/privés, rapports sociaux hiérarchiques).
Nos problèmes PERSONNELS sont des problèmes POLITIQUES pour lesquels il n’existe aucune solution personnelle.
« On ne naît pas femme, on le devient ». Simone de Beauvoir.
Dans son livre, au succès aussi flagrant que conspué, Simone de Beauvoir démontre que le concept de la femme est une création sociale et culturelle, déterminé essentiellement par le regard masculin. Au sein des Féministes, il y a (toujours) débat entre ce qui émane de la Nature ou de la culture. C’est dans ces années qu’est né le concept du « genre ».
« White Woman Listen ! »
Il existe plusieurs féminismes, propre à chaque société, histoire et culture et couleur de peau.
Ce chapitre est dédié au « Black Feminism », celui des femmes Noires aux USA qui se trouvent coincées entre les Luttes des Féministes (pour les femmes blanches) et les Luttes Antiracistes (pour les hommes noirs). Elles sont au cœur de l’intersectionnalité, concept inventé par Kimberlé Crenshaw, que j’ai découvert dans le documentaire Le Droit d’être américain, sur Netflix (présenté par Will Smith) – CLIC
« Nos désirs font désordre »
Ici, il est question du rapport au corps féminin et de ce qu’il suscite, en termes physiques, érotiques et sexuels, des LGBTI, des maux dits féminins, et des images que tout cela renvoie.
Le slogan « Nos désirs font désordre » est aussi une affirmation joyeuse, créative et provocatrice.
« Le féminisme n’a jamais tué personne, LE MACHISME TUE TOUS LES JOURS. » Benoîte Groult
Ce chapitre aborde toutes les violences faites à l’encontre des femmes : physiques, sexuelles, psychologiques, émotionnelles, économiques ; qui ont essentiellement lieu dans les sphères privées (et de revenir au chapitre « Le privé est politique »). Et avec comme paroxysme, les féminicides.
De nombreux chiffres sont donnés, qui se passent de mots.
« Ne me libère pas, je m’en charge ! »
Après avoir été essentiellement historique pour remonter à nos jours, le propos est ici contemporain et laisse la parole à de jeunes féministes. Elles évoquent l’entraide nécessaire entre les femmes, l’attitude (complaisante) des hommes dans le(ur) combat ; ce que chacune doit accomplir avant de le vouloir des autres ; le besoin de reconnaissance politique ; la spécificité de la femme maghrébine.
C’est intéressant. Il y a de la continuité et d’autres directions prises.
Je ne peux pas changer la manière dont les autres voient le monde, mais je peux changer la manière dont je me vois dans le monde.
Le format de l’album est à la fois un atout et une limite.
Visuellement, de prime abord, c’est un peu chaotique et pourrait rebuter. Heureusement, à la lecture, cela se fluidifie.
Il y a beaucoup à dire et le propos se veut le plus complet et accessible possible. Les dessins illustrent tout en allégeant.
J’ai aussi préféré le lire par chapitres, pour éviter « l’indigestion » et bien saisir tous les concepts abordés et les laisser faire résonnance.
Un album, édifiant, que je vous encourage à découvrir, pour, comme moi, apprendre et/ou approfondir les connaissances sur les féminismes.
Qu’en a pensé Enna ? Allons lire son avis !
Cet album participe au RDV « BD de la semaine », aujourd’hui féministe chez Noukette (CLIC) ; au Tour du Monde en 80 Livres de Bidib; ainsi qu'à l'Objectif PAL
Le Féminisme/condition de la Femme est sur le blog avec notamment:
- BD: Alice Guy. Catel & Bocquet
- Roman jeunesse: L'histoire de Malala. Celle qui a dit non aux talibans. Viviana MAZZA
- Biographie: Gisèle Halimi. Evelyne MORIN-ROTUREAU
- Essai: Jouir. En quête de l’orgasme féminin. Sarah BARMAK
- BD: Culottées. Tome 1. Pénélope BAGIEU
- Roman ado: Bacha Posh. Charlotte ERLIH
Belles lectures et découvertes,
Blandine