La Vampire de Barcelone. Miguel Angel PARRA, Ivan LEDESMA et Jandro GONZALEZ – 2019 (BD)
Publié le 1 Mars 2023
La Vampire de Barcelone
Scénario de Miguel Angel PARRA et Ivan LEDESMA
Dessin et couleur de Jandro GONZALEZ
Editions du Long Bec, mai 2019
120 pages
Thèmes : Espagne, Faits divers, Enquête
Barcelone, entre février et mai 1912
Dans les rues, des enfants en bas âge disparaissent sans susciter d’émoi particulier, jusqu’à l’enlèvement de la petite Teresita Guitart dans le quartier d’El Raval. La police la recherche sans succès jusqu'à ce qu'une dame l’aperçoive derrière une fenêtre chez sa voisine, Enrequita Marti.
Enrequita Marti est une femme à la stature imposante et intimidante, à la mâchoire carrée, au regard sombre, dont les yeux noirs lui confèrent une expression aussi terrifiante qu’abyssale.
Nullement intimidé, le juge d’instruction Fernando De Prat entend bien percer à jour ses sombres secrets et faire tomber ceux qui lui permettent de les exercer. Car il sait qu’elle n’agit ni seule ni sous le coup d’une maladie psychiatrique ou folie quelconque (une théorie aujourd’hui remise en question).
Ainsi perquisitionne-t-il lui-même chez elle et trouve-t-il des preuves aussi sanglantes qu’onéreuses, les premières dénonçant d’abjectes pratiques, les secondes démontrant un réseau de clients, aussi fortunés qu’inattaquables du fait de leur position sociale, et dont une liste aurait été trouvée, puis perdue.
Vous trouverez ce que vous cherchez en fouillant les propriétés et en abattant les murs.
Si je dois monter à la potence, je veux que les autres coupables subissent le même sort !
Si la culpabilité d’Enrequita Marti ne fait aucune doute, l’enquête du Juge De Prat, et ce roman graphique avec, entend démasquer ses complices et ses commanditaires. Ainsi voit-on défiler au Palais de Justice et jusque dans ses cachots, différentes personnalités, tantôt nommées et même emprisonnées (avant d’être relâchées), tantôt dissimulées dans une discrétion entretenue par le choix graphique (le dessin les représente de dos, en plongée, le visage caché par l’ombre ou le rebord d’un chapeau, etc. mais leur démarche comme leurs vêtements sont de précieux indicateurs sociaux).
Elle a échappé à toutes les condamnations. Elle est sortie complètement blanchie de tous les procès.
Au fil de ses investigations, De Prat observe des incohérences, des preuves disparaissent ou inversement, il reçoit des menaces indirectes, est même attaqué, ainsi que son épouse, ou certains de ses confrères. C’est ce qui peut expliquer que certaines pistes semblent abandonnées dans le scénario, à moins qu’elles ne soient mentionnées que pour coller à la réalité des faits.
Seules quelques libertés calendaires semblent avoir été prises pour conférer davantage d’intensité dramatique à l’Affaire. Les auteurs font coïncider la mort d’Enrequita Marti (survenue selon différentes théories) avec l’éclipse solaire, le naufrage du Titanic et un nouvel enlèvement. Ces faits, mentionnés dans la presse, se succèdent… et passent…
Bien que chronologique et linéaire, l’enquête n’en est pas moins intense et nous immerge dans la société espagnole, sinon barcelonaise d’alors, avec des Riches persuadés de leur toute puissance et sans scrupules quant à l’utilisation des plus pauvres, jusqu’à bafouer toute morale, religieuse, civique et éthique.
Le cœur de Barcelone est plus noir que la fumée qui sort des cheminées des usines.
Enrequita Marti, le Messager de Madrid, 3 avril 1912
Londres avait Jack l'Eventreur, Barcelone avait Enriqueta Marti ! Et voici son histoire.
Les faits retranscrits dans cet album sont tous véridiques comme nous l’apprennent les différents dossiers qui l’ouvrent et le referment.
Si en France, l’Affaire est peu, voire pas, connue, elle a fait l’objet de nombreuses parutions éditoriales, tant dans la Presse d’alors que dans la littérature au fil du temps outre-Pyrénées, lui conférant une aura légendaire (mais restreinte donc).
Ces dossiers sont passionnants à lire, enrichis de reproductions de documents et photographies. De plus, ils nous relatent le cheminement des auteurs entre la connaissance de l’Affaire et la parution de cet album.
Si Enriqueta Marti vivait de nos jours, elle n’aurait pas la moitié du charisme qu’elle a acquis avec le temps. Elle serait amie de Jack l’Eventreur sur Facebook. C’est certain.
Graphiquement, c’est superbe. A commencer par la couverture qui nous plonge directement dans une atmosphère oppressante.
Le dessin, certes classique, sied parfaitement au récit. Les traits et couleurs sont profonds, les cadrages variés, les décors travaillés, les expressions dynamiques.
Un fait divers, un album, des auteurs et un éditeur à découvrir !
Cet album participe au RDV « BD de la semaine », aujourd’hui chez Stéphie (CLIC) ; au « Petit Bac 2023 » d’Enna, pour ma 3e ligne, catégorie Lieu, au Tour du Monde en 80 Livres de Bidib; ainsi qu'à l'Objectif PAL
Pour en apprendre davantage sur Enriqueta Marti - CLIC
Belles lectures et découvertes,
Blandine