A mains nues – Tome1/2. Leïla SLIMANI et Clément OUBRERIE – 2020
Publié le 15 Mars 2023
A mains nues
Tome 1/2
Scénario de Leïla SLIMANI
Dessin de Clément OUBRERIE
Couleur de Sandra DESMAZIERES
Les Arènes BD, octobre 2020
104 pages
Thèmes : Biographie, Condition féminine, Première Guerre Mondiale, Histoire, Médecine
Lorsque Suzanne Gros visite Paris avec sa mère peu après le décès de son père, elle est effrayée par le bruit, l’effervescence, le monde et ses dangers. Elle ne peut encore imaginer qu’elle s’y accomplira en tant que femme, épouse, mère et… chirurgienne.
Née en 1898 à Laon, elle emménage dans la capitale à 19 ans suite à son mariage avec Henry Pertat, un médecin dermatologue qui la soutient dans chacune de ses entreprises.
Artistique d’abord car Suzanne aime à dessiner comme à parcourir les galeries et acquérir des tableaux : « L’art n’est pas affaire de technique. C’est une vision, c’est la tentative de donner corps à un rêve ».
Mondaine où elle rencontre plusieurs personnalités de divers horizons et y forge ainsi des opinions féministes. « Pourquoi nous contenter d’un destin frivole et vain quand nous avons soif de connaissances et que nous sommes animées du désir de nous rendre utiles ? »
Estudiantine enfin lorsqu’elle désire passer le baccalauréat puis entrer à la fac de médecine.
Elle y rencontre André Noël, de sept ans son cadet, avec qui elle entame une liaison passionnée, sans que cela ne nuise à ses projets, même lorsqu’elle tombe enceinte, puis accouche d’une fille, Jacqueline. Ils se marieront après la guerre.
En 1909, elle est recommandée au Docteur Morestin, pionnier de la chirurgie réparatrice en France, auprès de qui Suzanne s’épanouit. Ainsi rencontre-t-elle la grande Sarah Bernhardt, dont le visage a été retouché par un médecin américain (le Docteur Miller). Mais si le haut de son visage est visiblement réussi, cela n’est guère le cas pour le bas. Suzanne l’opère mais ce succès est éclipsé par l’annonce de la guerre et de la mobilisation générale.
Alors qu’Henry, dont elle est restée proche après leur séparation en 1911, est en Belgique pour essayer des masques à gaz, qu’André est sur le Front, Suzanne intègre avec le Dr Morestin, « le service des Baveux, à cause des blessures spectaculaires qui emportent les mâchoires. » Aussi horrible que cela soit, la guerre a permis un formidable tremplin à la chirurgie réparatrice, et de la face en particulier.
A mesure que les interventions successives amènent leurs bienfaits, l’espoir renaît sur tous ces traits remis en harmonie…
…Oui, l’immense espoir d’inspirer autre chose qu’une pitié douloureuse, de retrouver l’accueil sans effroi d’un enfant, et l’amour joyeux d’une femme.
Après avoir tenté, trouvé, accompli des techniques, gestes et miracles durant le conflit, Suzanne se spécialise dans la chirurgie esthétique, afin de lutter, à sa façon, pour l’émancipation des femmes, en leur apportant confiance et estime d’elles-mêmes.
Restaurer, entretenir leur beauté, n’a rien de futile, et peut même se révéler salvateur pour les femmes, dans tous les aspects de leur vie (émotionnelle, professionnelle, maritale, sociale…).
Mais Suzanne doit faire face à une terrible nouvelle…
Suzanne Noël - Source : France Info
Ainsi s’achève ce premier tome (d’un diptyque) qui se révèle passionnant.
Je ne connaissais pas Suzanne Noël ni ce qu’elle avait accompli avant de lire les chroniques, enthousiastes, des Bulleurs du mercredi.
Même si je m’attendais (et aurais aimé) à davantage de planches sur ses prouesses en faveur des Gueules cassées (opérations, greffes, prothèses, etc.), j’ai tout de même beaucoup apprécié le portrait que Leïla Slimani et Clément Oubrerie nous propose : Une femme accomplie, avec ses opinions assumées, ses doutes, ses désirs, ses obligations, ses soutiens, son époque…
Côté dessin, j’aime beaucoup le trait de Clément Oubrerie, découvert avec la série Pablo (Picasso), et dont on retrouve l’atmosphère et certains lieux ici (Montmartre, Galeries de peinture, Paris de la Belle Epoque, vêtements féminins). Et même si certains personnages peuvent se ressembler (notamment les hommes) ou même changer d’aspect, la composition, pleine page ou déstructurée, de plusieurs de ses planches (celles de la Première Guerre Mondiale) leur offre encore plus de force et de sens.
Quelques cases aquarellées ou une reproduction du Petit Journal, se révèlent aussi très impactantes.
Un premier tome riche et passionnant, dont il me tarde de lire la suite.
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » aujourd’hui chez Fanny (CLIC); à l'Objectif PAL; ainsi qu'à mon Challenge autour de la Première Guerre Mondiale, De 14-18 à nous
Découvrez d'autres avis: Jerôme; Moka; Caro;
Leïla Slimani est sur le blog avec : Chanson douce (Roman)
Clément Oubrerie est sur le blog avec:
- La série de BD Pablo (Picasso): Tomes 1 / 2 / 3 / 4
- BD: Zazie dans le métro. D’après l’œuvre de Raymond QUENEAU
Pour en découvrir davantage sur Suzanne Noël:
- Suzanne Noël, pionnière de la chirurgie esthétique et féministe engagée (France Info)
- Suzanne Noël (Wikipédia)
- Les Gueules Cassées: Histoire de la chirurgie esthétique (Site du Dr
Natalie Rajaonarivelo) - Suzanne Noël, pionnière de la chirurgie esthétique (Site: Agir pour le cœur des Femmes)
A lire/découvrir sur le blog en lien avec ce sujet:
- Roman : La chambre des officiers. Marc DUGAIN (l'adaptation ciné est poignante)
- Roman: Samedi 22 août 1914. Un médecin dans la bataille. Sophie DELAPORTE
- Roman: Au revoir là-haut. Pierre LEMAiTRE (+ BD et le film est magnifique)
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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