Wake up America - Tome 2. John LEWIS, Andrew AYDIN et Nate POWELL - 2015 (BD)
Publié le 22 Février 2023
C’est grâce au premier tome de cette trilogie Wake Up America (rééditée depuis en un seul tome) que j’ai découvert qui était John Lewis (source photo) et le rôle important qu’il a eu dans la Lutte pour les Droits Civiques des Noirs aux États-Unis.
Décédé en juillet 2020 à 80 ans, il était le dernier membre vivant des « Big Six » qui regroupait Martin Luther King ; James Farmer (Fondateur du Congrès de l’Egalité Raciale – CORE) ; Asa Philip Randoph (socialiste qui tenta de créer un syndicat dans la société Pullman) ; Roy Wilkins (Directeur exécutif de l’Association Nationale pour l’Avancement des Gens de Couleur – NAACP – fondée en 1909) ; Whitney Young (il a transformé la Ligue Nationale Urbaine en une organisation active dans la Lutte).
Avec Martin Luther King et Roy Wilkins, John Lewis prononça un discours lors de la Marche sur Washington le 28 août 1963.
De 1986 à son décès, il a été délégué du cinquième district congressionnel de Géorgie à la Chambre des représentants des États-Unis sous la bannière du Parti démocrate.
En 2011, Barack Obama lui a remis la Médaille de la Liberté.
Résumé du Tome 1 :
John Robert Lewis est né le 21 février 1940 à Troy en Géorgie, de parents métayers. Il est le seul de sa nombreuse fratrie à avoir terminé ses études secondaires, lui permettant d’intégrer le Collège baptiste américain de Nashville dans le Tennessee en 1957.
Imprégné des idées, discours et actions de Martin Luther King, grâce à qui il a participé à des ateliers de non-violence puis à des sit-in à Nashville, il rejoint le Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) en 1960.
En parallèle, nous le voyons en 2009, lors de l’investiture du premier Président Noir aux Etats-Unis, Barack Obama.
Wake up America
Tome 2
1940-1960
Scénario de John LEWIS et Andrew AYDIN
Dessin de Nate POWELL
Traduction par Alex NIKOLAVITCH
Éditions Rue de Sèvres, mai 2015
192 pages
Thèmes : Ségrégation, Lutte des Noirs pour les Droits Civiques, non-violence, biographie, Etats-Unis
Comme pour le premier tome, ce deuxième suit une narration sur deux temporalités : entre 1960 et 1963, et en 2009 lors de l’investiture de Barack Obama, où nous le voyons prêter serment.
Le parallèle entre ce dernier évènement et 1963 (Lewis prend la tête du SNCC / la Marche sur Washington) est riche de symboles (et de récupération).
1961
Après avoir fait reculer localement, mais sûrement, l’application de la ségrégation dans les cafés et restaurants grâce à des sit-in, John Lewis et les autres membres du SNCC ont commencé à faire des stand-in devant les cinémas : faire la queue pour demander une place pour un film, se la voir refuser, retourner faire la queue, et ainsi de suite.
Décidé à éprouver la décision de la Cour Suprême qui a rendue hors-la-loi la ségrégation dans les bus et gares routières, le CORE cherche des volontaires pour réaliser des déplacements entre Washington et Birmingham. C’est ainsi que sont nés les Freedom Rides – Les Voyages de la Liberté – organisés par James Farmer et Diane Nash (du SNCC).
Idée courageuse, idée dangereuse.
Tel un photo reportage, nous suivons quasiment jour pour jour l’un de ces « voyages » dans lequel John Lewis et douze autres prennent place.
Des Noirs et quelques Blancs. Des étudiants et des moins jeunes. Des hommes et des femmes. Un engagement commun et d’autres plus variés.
A leurs côtés, nous subissons le racisme ordinaire, les intimidations de toutes sortes, des arrestations arbitraires, des passages à tabac sanglants, des emprisonnements nombreux, la police complice. Cette violence tristement habituelle et visuelle, orale, physique, institutionnelle, mais aussi d’autres plus cachées, d’autant plus agressives et intenses.
Ils ont eu peur. Ils ont fait face au Klan. Ils ont tenu bon.
Et à lire et à voir, c’est émotionnellement difficile.
Arrivés à Birmingham quasiment un mois plus tard, ils retrouvent Martin Luther King que la position consensuelle avec Kennedy, agace et affaiblit. Il préfère ne pas se joindre à eux, préférant « choisir le temps et le lieu de son propre Golgotha ».
Allez dire au Procureur Général [Robert Kennedy] que nous avons laissé refroidir pendant 350 ans.
Si nous continuons comme ça, nous serons bientôt gelés.
Le Voyage de la Liberté continue.
Mouvement devenu national et pression économique eurent raison de la ségrégation tant dans les bus que dans les cinémas. Deux autres axes de lutte divisèrent alors les dirigeants : l’emploi et le droit de vote, amenant un changement de personnes comme de manières d’être et de faire dans les différentes organisations, écartant les fondateurs, les pionniers.
Mais tous se trouvèrent à nouveau réunis suite aux événements tragiques qui secouèrent Birmingham en avril puis mai 1963, avec l’arrestation de Martin Luther King, puis l’activation des lances à eaux sur la Marche composée d’enfants et d’adolescents. Les images retransmises à la télévision ont eu pour conséquence une prise de conscience nationale et internationale de la réalité de la ségrégation.
C’est là que l’idée d’une Marche sur Washington, déjà souhaitée et brandie en 1941 par A. Philip Randolph, fut rendue possible, organisée jusque dans ses moindres détails (ambulances, WC, déchets, etc.), acceptations (Bayard Rustin) ou rejets (Malcom X) et par la rédaction des discours qui l’ont close au Mémorial Lincoln.
Le 28 août 1963, John Lewis a pris la parole en avant-dernier, juste avant Martin Luther King, avec un texte remanié jusqu’au dernier moment du fait de multiples pressions.
Pour autant, la Lutte continuait.
Tout comme pour le premier tome, je suis ressortie saisie de ma lecture, dont les dessins en noir et blanc ajoutent en intensité dramatique.
C’est tragiquement passionnant, étonnement fluide, riche de détails et de concision. Il se referme sur la première version du texte de John Lewis pour la Marche sur Washington, puis par le portrait des auteurs de cet album.
Je l’ai d’autant plus apprécié, jusque dans ses non-dits et atmosphères, grâce à la lecture juste avant du livre de Gary Younge consacré au discours de Martin Luther King, « I have a dream », Histoire d’un Rêve. Le discours de Martin Luther King qui changea le monde, et dans lequel John Lewis est beaucoup mentionné. Lien de mon article à venir prochainement. Sa lecture a éclairé et permis de nuancer de nombreux points, comportements, faits.
Il me reste encore le troisième tome à lire (1963-1965) comme sa suite titrée Get Up America, parue en février 2022.
Cet album participe au RDV « BD de la semaine », aujourd’hui chez Moka (CLIC) ; à l’ « African American History Month » d’Enna ainsi qu’à son « Petit Bac 2023 » d’Enna, pour ma 2e ligne, catégorie Lieu, et au Tour du Monde en 80 Livres de Bidib
Belles lectures et découvertes,
Blandine