24 heures de la vie d'une femme. Otero – 2018 (BD)
Publié le 15 Février 2023
24 heures de la vie d'une femme
Adaptation et dessin de Nicolas OTERO
Dessin de couverture par 1ver2anes
D’après le roman de Stefan SWEIG (1927)
Éditions Glénat, février 2018
120 pages
Thèmes : Amour/Passion, Souvenirs/Nostalgie, Classique/Adaptation, Réinterprétation
Ayant particulièrement aimé l’adaptation par Nicolas Otero du roman d’Héloïse Guay de Bellissen, Le roman de Boddah Comment j’ai tué Kurt Cobain, j’ai cherché dans sa bibliographie un autre album qui pourrait me plaire.
Voici comment j’ai découvert cette (autre) adaptation, servie par une magnifique couverture, du roman éponyme de Stefan Zweig, 24 heures de la vie d’une femme, lu et relu.
Dans son court roman (environ 120 pages), l’auteur autrichien nous décrit avec autant de force que de subtilité la passion, puissante, foudroyante, folle, libératrice aussi, d’une femme pour un jeune homme, lui-même addict au jeu. Ce qui les conduit tous deux à s’abandonner, chacun différemment.
Trente ans après les faits, alors qu’elle est en vacances dans un hôtel de la Riviera où une jeune femme a subitement abandonné mari et enfant pour suivre un jeune homme connu qu’une seule journée auparavant, la vieille dame (anglaise) se confie au narrateur, le seul à avoir défendu l’épouse, car en elle, d’intenses souvenirs se sont réveillés. Alors que les autres ne sont que jugements et spéculations.
Ainsi pour vous, il y aurait d’une part les femmes dignes de ce nom et d’autre part les natures de gourgandine, les petites délurées ?!? Et vous classez de fait Clarissa dans cette seconde catégorie ?!? Comme votre monde binaire doit être ennuyeux…
Nicolas Otero a choisi de placer son récit, d’abord sur la côte californienne où une vieille dame, Madame Z, suite à la fuite d’une jeune femme française avec le prof de tennis brésilien de ses filles (on les voit tous deux brièvement, ce qui nous montre un peu de leur caractère), se confie à un écrivain toxicomane en proie à la page blanche, Brett Burroughs.
Sans le savoir, il allait m’offrir un avenir.
Sans le savoir, il allait enfin déposer de l’encre noire sur ces nuits blanches.
Sans le savoir, il écrivait là mon destin.
Son récit nous emmène en 1986 à Las Vegas, Capitale mondiale du Jeu, où il est si facile de (se) perdre.
Alors que sa vie se déroulait sans but depuis le décès de son époux, le regard de Madame Z est happé par « deux mains d’une beauté rare, extraordinairement longues, minces, et pourtant traversées de muscles très rigides, accrochées l’une à l’autre comme des bêtes en train de se mordre. »
Et ainsi commence le récit de vingt-quatre heures trépidantes qui ont transformé le cours de sa vie.
Nicolas Otero a pris la liberté de changer de lieu et d’époque mais a conservé la majeure partie du texte initial, nous offrant ainsi un décalage, étonnant d’abord, savoureux ensuite.
Cela pourrait rebuter, je trouve cela attirant.
Et j’ai aimé la mise en abyme de la toute fin (moi qui ne suis pas très épilogue généralement !)
Planches colorisées et dessins préparatoires - https://branchesculture.com/2016/11/04/interview-nicolas-otero-confessions-enrage-glenat/nicolas-otero-stefan-zweig-24-heures-de-la-vie-dune-femme-bd-glenat-p-3/
Graphiquement, j’apprécie le trait d’Otero, anguleux et hérité des comics américains.
Il est très cinématographique, avec des jeux de lumières et cadrages variés, des cases qui s’affranchissent de contours, des titres de chapitres qui rappellent les panneaux du cinéma muet, et différents symboles ou clins d’œil disséminés au 7e Art. Le contraste avec le texte est saisissant et intéressant.
Cependant, il m’a manqué un petit quelque chose.
D’abord parce que la différence d’âge (18 ans) entre la veuve et le jeune joueur n’est pas visuelle. Elle est représentée comme une grande ado/jeune adulte alors qu’elle est censée avoir 42 ans. Ce qui ne rend pas perceptibles les affres qui la malmènent.
Mais surtout, le dessin manque d’une touche de beauté, d’incandescence, de dramatique, de celles promises par la couverture, avec ce cœur sanguinolent et le visage détourné, si évocateurs.
Malgré tout, j’ai aimé cette appropriation de l’œuvre de Stefan Zweig qui n’en dénature pas les grands questionnements et leur donne même un autre souffle : et nous, comment aurions-nous agi ? Le coup de foudre existe-t-il ? Faut-il y succomber ?
La critique, comme la défense, de l’épouse partie est-elle admiration ou condamnation ?
Les réponses ne peuvent être que personnelles et à l’aune de sa propre expérience.
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » aujourd’hui chez Fanny (CLIC) pour une sélection spéciale "bulles d'amour"; à notre Challenge dédié aux Classiques avec Nathalie; au "Tour du Monde en 80 Livres" de Bidib ; au "Petit Bac 2023" d'Enna, pour ma 1e ligne, catégorie Moment de la journée ; ainsi qu'à l'Objectif PAL
Stefan Zweig est sur le blog avec une autre adaptation d'un autre de ses romans:
- BD: Le joueur d'échecs. Par David SALA
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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