Pacifique. Stéphanie HOCHET - 2020
Publié le 8 Mai 2022
Pacifique
Stéphanie HOCHET
Editions Payot & Rivages, mars 2020
112 pages
Thèmes : Japon, Deuxième Guerre Mondiale, Sacrifice, Famille, Traditions
Avril 1945
Je noue le hachimaki aux couleurs de notre Japon éternel autour de mon casque. J’effectue ce geste avec lenteur et solennité, sans pensées, sans émotions. Le froid dans mes veines ; le temps s’est arrêté, je suis une fleur de cerisier poussée par le vent.
Isao Kaneda a 21 ans et est pilote de l'armée de l'air japonaise.
Il fait partie de la quatrième vague de l'opération "Kikusui - Chrysanthèmes flottants" qui vise à détruire la flotte américaine en projetant ses avions dessus.
Comment des jeunes gens peuvent-ils accepter d'être des kamikazes?
Comment le vivent-ils, le ressentent-ils, se préparent-ils ?
Nos armes secrètes ont toujours les noms les plus poétiques. Ainsi, que kamikaze signifie « vent divin » a contribué à briser le moral des ennemis. Les Américains ne sont pas prêts à se sacrifier pour leur pays, ils craignent la mort et ne connaissent pas l’honneur de mourir pour un Empire millénaire.
Dans un récit en « je », avec autant de pudeur que de force, Stéphanie Hochet nous transporte auprès d’Isao, qui se raconte, se questionne, qui doute.
Il se remémore son enfance timide et solitaire avec sa grand-mère maternelle, fille de samouraï, qui lui a transmis ses valeurs empreintes du bushido, celles du Japon millénaire. En plus de préserver « l’expression de l’esthétique nationale », Mr Mizu, son précepteur, lui a fait découvrir Shakespeare et Marc-Aurèle.
C’est dans l’aviation militaire qu’il a trouvé sa voie, qu’il a eu le sentiment d’appartenir enfin à un groupe qui s’exprime en « nous », qu’il a éprouvé une sensation de solidité mais également d’inéluctable.
Alors que d’autres ne s’interrogent pas, lui fait preuve d’introspection sereine, se surprenant même à sourire pour la dernière photographie qui accompagnera sa mèche de cheveux avec sa lettre d’adieu à ses parents.
Avec calme, il explore la notion du choix alors que le Japon a silencieusement déjà perdu. Et que lui ne peut rater sa mission.
Nous sommes appelés à devenir des « fleurs de cerisier ».
(...) Nous deviendrons l’image même de la fragilité qui vit le temps d’un soupir et meurt avec légèreté.
(...) On [nous] a dit que leur sacrifice ferait d’eux des dieux et que leurs âmes reposeraient dans la gloire pour l’éternité.
Scindé en trois parties, j'ai été décontenancée par la dernière, issue d’une histoire vraie, ce qui sublime ce roman.
Fascinée par le Japon, son histoire et ses traditions, Stéphanie Hochet signe un roman sobre et intime qui nous lie à un jeune homme en apparence si différent de nous, à la destinée acceptée inconcevable, incompréhensible. Ce faisant, elle explore la notion d’identité comme le conflit entre l’idéologie et la raison.
Un titre polysémique magnifique, à découvrir !
On pense que la mort est la fin de tout, mais je sais qu’elle est le retour à une éternelle nature, je dois aller vers elle exempt de toute souillure.
Fleur de cerisier bordée de noire, ma fin glorieuse sera l’accomplissement de ma vie.
Ce roman participe à "Un Mois au Japon 2022" d'Hilde et Lou; ainsi qu'à l'Objectif PAL d'Antigone
Lecture à compléter avec:
- Manga: La Fillette au Drapeau blanc. Saya MIYAUCHI
- Roman jeunesse: La petite fleur d'Hiroshima. Catherine CUENCA
Belles lectures et découvertes,
Blandine