L'Armoire des robes oubliées. Riika PULKKINEN - 2013
Publié le 15 Mai 2022
L'Armoire des robes oubliées
Riika PULKKINEN
Roman traduit du finnois par Claire SAINT-GERMAIN
Le Livre de Poche, juin 2013
430 pages
Thèmes : Famille, Amour, Secrets, Transmission
Lecture Commune avec Nathalie
Il faut toujours réapprendre de l’autre.
Dans l’armoire d’Elsa, se trouvent des robes qui ne sont pas les siennes.
En l’ouvrant devant sa petite-fille Anna et en lui donnant une vieille robe à la coupe désuète, elle permet aux souvenirs d’affluer, à la mémoire de se libérer et d’un poids de se délester.
Elsa, ancienne chercheuse et pédo-psychiatre, sait la nécessité de la transmission et de la révélation des secrets, mais dans sa vie de femme, d’épouse, de mère puis de grand-mère, cela a été difficile. Alors qu’un cancer l’emporte et qu’elle perçoit toute la sensibilité d’Anna, elle sait que le moment est venu d’évoquer Eeva.
A chaque époque il y a des gens, jeunes, qui se convainquent que ce qu’ils vivent n’est jamais arrivé à personne d’autre avant eux. Ils croient que leur vie, leurs joies et leurs chagrins même sont exceptionnels. Que leurs amours à eux sont plus fortes que celles des autres. Ils croient que jamais ne leur échoira de sentir le poids des jours. Et peut-être est-ce le cas. Les jeunes possèdent le monde entier et le dilapident sans tristesse, parce qu’ils sont impatients de gagner d’autres mondes, toujours nouveaux.
Ainsi, le roman oscille entre deux époques et deux voix.
De nos jours auprès d’un narrateur omniscient qui nous raconte les derniers moments d’Elsa, sa famille, son mari Martti Ahlqvist (peintre célèbre), sa fille Eleonoora (dite Ella) médecin qui s’occupe avec une froideur toute professionnelle (et protectrice) de sa mère, et ses deux filles Maria, et surtout Anna, qui remonte le temps et les souvenirs pour retrouver la trace d’Eeva et comprendre qui elle était, la place qu’elle a occupée, l’espace qu’elle prend toujours.
Anna se confond avec la voix d’Eeva qui nous transporte au long des années 1960.
Jeune femme de la campagne qui monte à Helsinki pour devenir fille au pair et s’occuper d’une enfant lorsque sa mère (Elsa donc) s’en va (souvent)pour son travail, et qui entretient une relation adultère avec « l’homme » (Martti).
Dès lors, les rapports se floutent, l’enfant (Ella) fait des caprices, arbore une mine boudeuse, la figure maternelle se fond entre Elsa et Eeva.
Et nous lecteurs pouvons peu à peu tenter de façonner les caractères des uns et des autres grâce à ces perspectives.
Aimer est la seule façon de rendre le monde vrai.
Dans ce roman dont j'aime beaucoup la couveturre, au gré d’un rythme lent qui nous perd un peu et de phrases magnifiques qui nous saisissent, il est question du couple ; d’adultère ; de familles qui se font, se créent ; d’enfants qui grandissent, qui s’émancipent ; d’adultes qui s’aiment en dépit de ou grâce à ; de parents qui vieillissent ; de la Femme ; d’Art ; de la maladie qui s’invite ; de la mort qui s’approche ; de vies imaginées, interrompues, partagées ; et de ce qu’on laissera...
Les paroles de condoléances sont une langue étrangère pour ceux qui vivent leur jeunesse, c’est une langue qui fait mal quand on la parle.
On s’attarde sur des détails de vie, sur des habitudes et mœurs finlandaises (sauna), sur le changement du corps et la perception qu’on en a.
Des émotions universelles aussi banales qu’intimes, aussi magnifiques que douloureuses, pour dire l’Amour et les multiples formes qu’Il sait prendre.
Qu'en a pensé Nathalie? Allons lire son avis!
Tu exagères : comment est-ce que je pourrais t'aimer, alors que tu disparais toi-même sous l'intensité de ton amour ?
Avec calme, presque avec froideur, elle lui avait répondu : "Ne me demande jamais d'aimer raisonnablement, tu pourrais tout aussi bien me demander de me changer en pierre.
Quelle autre vie y a-t-il que de se perdre dans les autres et se retrouver en eux ?
Ce roman participe au "Tour du Monde en 80 Livres" de Bidib; ainsi qu'à l'Objectif PAL d'Antigone
Belles lectures et découvertes,
Blandine