De l'autre côté du mythe - Ariádnê. Flora BOUKRI – 2020 (Dès 13 ans)
Publié le 20 Mars 2022
De l'autre côté du mythe
Ariádnê
Flora BOUKRI
Gulf Stream Editeur, août 2020
208 pages
Dès 13 ans
Thèmes : Mythologie, Politique, Amour, Condition féminine
Lecture Commune avec Janelle et Bidib
Minotaure, Crète, Labyrinthe, Thésée, fil d’Ariane...
Ces noms nous sont connus et nous remémorent un récit mythologique dans lequel un jeune Athénien sort victorieux du Labyrinthe grâce à l’amour d’une jeune Crétoise qu’il laisse ensuite au milieu de nulle part pour épouser sa jeune sœur.
Et si cette glorieuse version laissait sous silence une réalité bien plus multiple et complexe ?
Avec ce roman (premier d’une série de trois titres pour le moment), Flora Boukri nous propose de changer notre perspective, d’aller « de l’autre côté du mythe » pour en découvrir toutes les facettes et connaitre tous les points de vue.
Si Ariane (ici Ariádnê) en est le personnage principal, elle fait aussi parler Thésée (Thêseús) et Pasiphaé (Pasipháê – la mère d’Ariádnê) au gré de trois « chants », à la manière du théâtre grec antique ». Ils sont entrecoupés d’intermèdes laissant la parole aux Dieux. Des dieux aussi indifférents que facétieux face au sort des Humais qu’ils manipulent à leur guise...
Elle n’a pas de destin.
Pourtant elle est mortelle, or il serait très inquiétant pour nous que les mortels puissent s’autodéterminer. Tu es d’accord avec moi, n’est-ce pas mon frère ? Je suis maître de leurs destinées. Il n’est pas question que celles-ci se mettent à m’échapper.
Ariádnê est la fille de Pasipháê et de Minós, roi de Crète. Peu à peu depuis dix ans, ce dernier sombre dans la folie après avoir été berné par Poséidon dont il avait voulu s’attirer les bonnes grâces.
L’assassinat de son fils aîné, Andró, à Athènes six ans auparavant, l’a rendu assoiffé de vengeance. C’est pourquoi il exige chaque année que quatorze jeunes Athéniens lui soient livrés.
Descendus dans le Labyrinthe qui serpente sous son palais et où réside le Minotaure, aucun n’en est jamais revenu...
Mais cette année, Ariádnê est lasse de ce spectacle cruel, qui ne revêt plus aucun panache, splendeur ou honneur à ses yeux.
C’est aussi cette année qu’un jeune homme décide de défier seul le Minotaure, et donc le Roi, en demandant à descendre seul dans le Labyrinthe.
Son courage, ou son inconscience, paient. Minós accède à sa requête.
Confié à la garde de Deukalión, son fils cadet, alors que le palais se livre à des libations, Thêseús rencontre Ariádnê, qui lui raconte toute son histoire familiale comme son aversion soudaine pour le spectacle à venir.
Un coup de foudre, une passion soudaine, un besoin irrépressible d’être ensemble se sont emparés des deux jeunes gens qui échafaudent ensemble un plan pour triompher de cette épreuve.
Mais... ce que tu me demandes là c’est... Je ne peux pas, ajoute-t-elle d’une petite voix douloureuse. Je suis crétoise et j’aspire à être libre. Tu me proposes un avenir qui n’est pas le mien... Et je... Ce qui nous attend n’est pas une formalité, Thêseús, même en faisant preuve de beaucoup de courage.
Tiraillée entre sa loyauté à sa famille et sa patrie et bien qu’amoureuse, Ariádnê veut avoir et garder le choix. Le choix de sa vie, de son avenir et de sa destinée.
Elle fait preuve de courage, de volonté, d’intelligence et de lucidité.
En aidant Thêseús, elle se découvre et prend connaissance de ses origines et de sa famille.
Et nous, nous découvrons les us et coutumes de Crète, leurs croyances et festivités.
Ma sœur a risqué sa vie pour sauver la mienne... J’ai... cru moi aussi quand j’e me suis réveillé après le choc, que c’était la déesse-mère elle-même qui m’était venue en aide. Mais ce serait nier de beaucoup le courage et la valeur d’Ariádnê.
Déterminisme ou libre-arbitre, amour ou autodétermination ?
Le roman explore et oscille tout du long entre ces questionnements et extrêmes existentiels.
La romance occupe une très (trop ?) grande place, occultant presque la volonté de la jeune femme. Mais peut-on résister à l’Amour ? Si nous savons ce qu’il est advenu de Thêseús, nous ne connaissons pas pourquoi ni comment Ariádnê et lui ont rompu. Flora Boukri se base sur plusieurs versions du mythe (qu’elle nous explique) pour nous offrir une fin tout à fait plausible.
J’ai beaucoup aimé cette revisite et surtout ce changement de perspective. Et pas seulement parce qu’il met en avant une figure féminine qui est actrice de sa vie. Et pourtant nous savons qu’il y a beaucoup à dire sur ce sujet !
Ce qui m’a plu, c’est l’exploration dans son entièreté du mythe et les différentes vérités qui en ressortent : sur Thésée et Ariane, mais aussi sur Pasiphaé, Minos et le Minotaure (ici doté d’émotions sensibles), comme sur le Labyrinthe !
Je ne peux que vous encourager à découvrir ce roman, servi par une magnifique couverture !
Il participe au "Petit Bac 2022" d'Enna pour ma 4e ligne catégorie Ponctuation; au Challenge Contes et Légendes de Bidib et à son "Tour du Monde en 80 Livres"; ainsi qu'à l'Objectif PAL d'Antigone
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