ALABAMA 1963. Ludovic MANCHETTE et Christian NIEMEC - 2020
Publié le 4 Février 2022
ALABAMA 1963
Ludovic MANCHETTE
Christian NIEMEC
Éditions France Loisirs, 2021
384 pages
Thèmes : Etats-Unis, Ségrégation raciale, Racisme, Enquête
Lecture Commune avec Natiora, Enna et Anne
Birmingham, Alabama, de début août 1963 à début janvier 1964
Plusieurs filles disparaissent et sont retrouvées quelques jours plus tard, assassinées après avoir subi d’horribles sévices.
Fillettes, jeune ado, ado... L'âge varie, mais pas leur couleur. Elles sont toutes Noires.
Et en cette année où la ségrégation est encore active, où le racisme du plus ordinaire au plus violent divise les communautés, leur disparition ne suscite d'émoi que dans une certaine partie de la population.
La police ne fait pas grand-chose pour ne pas dire rien, alors les parents de Dee-Dee Rodgers, la première disparue, font appel à Bud Larkin, ex-flic devenu détective privé, alcoolique et bourru dont le bureau est un vrai cloaque.
Pour s’amuser, deux de ses ex-collègues (et amis), Walt et Edwin, déposent une annonce pour une femme de ménage.
Une annonce que Bernice Cobb, 17 ans, montre à sa mère, en recherche d’un nouvel employeur pour les mercredis et samedis.
Adela, jeune veuve de trente-quatre ans, mère de trois enfants qui héberge chez elle son beau-frère, feignant et estropié, a d’abord pensé ne plus jamais mettre les pieds chez cet homme sale et irascible qui a appelé sa chienne « M’ame ».
Elle revient pourtant, et peu à peu, un dialogue et un respect s’instaurent entre eux que tout oppose.
Naïvement, Adela fait des remarques sur l’enquête, et Bud comprend que s’il veut résoudre cette affaire, il va avoir besoin d’elle. Car à lui, les Noirs ne parlent pas. Ils n’ouvrent d’ailleurs même pas leurs portes.
Une dame ignora complètement Bud. Alors même qu’il lui parlait, elle resta obstinément tournée vers Adela. Lorsque celle-ci finit par désigner son employeur du doigt, l’autre feignit la surprise, le regardant pour la première fois :
« Oh, un Blanc! Je vous avais pas vu, en plein jour !
Si le contexte historique est terrible et est très bien restitué avec la haine raciale séculaire faite de mépris, d’ignorance, d’habitudes ou de convictions ; les misérables quartiers noirs qui s’opposent à ceux des Blancs, opulents ; les différentes places dans le bus ; la marche sur Washington menée par Martin Luther King ; les exactions du Klu Klu Klan ; l’assassinat du Président Kennedy et ses obsèques retransmises à la télévision ; le ton de ce roman policier se veut léger et empreint d’un humour narquois.
Dès les premières pages, l’ambiance de ce roman m’a rappelé celui de Kathryn Stockett, La couleur des sentiments (que j’ai tellement aimé - CLIC), et à qui un joli clin d’œil est fait. D’ailleurs, les personnages et les lieux que je me suis représentée étaient issus du film éponyme. J’ai eu du mal à imaginer Adela « si jeune ».
L’écriture de Ludovic Manchette et de Christian Niemec est très vive et visuelle. Et pour cause, tous deux traduisent et adaptent en français des dialogues de séries ou fils américains. Cela se ressent dans le récit fait d’échanges nombreux et de chapitres courts que l’on enchaîne très vite.
Les deux personnages sont vraiment bien campés, bien qu’un peu stéréotypés. J’ai adoré les suivre dans leur enquête comme dans leur connaissance mutuelle, qui est vraiment le cœur du livre. Ils apprennent au contact l’un de l’autre et leurs préjugés respectifs et héréditaires s’amenuisent peu à peu.
Bud nous apparaît peu à peu plus humain avec ses fêlures, Adela forte et volontaire. Grâce à sa fille Bernice, elle va apprendre à lire.
Les personnages secondaires ne sont pas en reste.
J’ai adoré les passages où Adela retrouve ses amies à la laverie après être passée chez la coiffeuse. Elles discutent de leur vie, de leurs difficultés, des Blancs et de leurs patronnes. Et celles d’Adela ont des profils très variés !
Dorothy manqua de glisser sur le parquet fraîchement lustré.
« Ouh, vous avez failli me tuer, Adela, dit-elle en s’esclaffant.
- Ah… » fit Adela, une pointe de regret dans la voix.
Il y a celle qui veut lui donner du poisson avarié ; celle qui parle d’un oiseau qui lui rend visite et qui a des visions ; celle qui nettoie sa maison en encourageant Adela à prendre un café...
Ces différents portraits nous offrent un tableau sociétal aussi varié que réussi et crédible. Et surtout qui implose, on le sent sur sa fin. Et ça, ça fait peur à beaucoup.
Il est bien sûr question de la condition des Noirs, mais aussi de la place de la femme, dans son travail, dans ses amours, en tant que mère et elle-même.
-Vous préférez qu'on dise de vous que vous êtes une femme noire ou que vous êtes une femme de couleur ?
-Je préfère qu'on dise que je suis une femme bien.
En un mot : Foncez lire ce roman !
Qu’en ont pensé Enna, Natiora et Anne ? Allons lire leurs avis !
Ce roman participe à l'African American History Month d'Enna ainsi qu'à son « Petit Bac 2022 » pour ma 2e ligne, catégorie Lieu
Découvrez aussi l'avis de Nathalie sur ce roman - CLIC
Belles lectures et découvertes,
Blandine