CHINE Regards croisés. Collectif – 2009 (BD)
Publié le 29 Septembre 2021
CHINE
Regards croisés
Collectif d’auteurs et de dessinateurs
Editions Casterman, collection « Ecritures », mars 2009
192 pages
Thèmes : Chine, chronique sociale, Histoire
Cet album a pour ambition de nous dévoiler un peu de la richesse et de la diversité de la Chine au-travers de onze récits (six asiatiques, cinq occidentaux) se déroulant dans quatre villes références (Pékin, Shanghai, Chengdu et Hong Kong).
Leurs thèmes entremêlent Histoire, coutumes, croyances, humour, et métaphores.
Leurs graphismes sont variés, typiques, inattendus ou rendant hommage.
La « feuille de route » fournie à tous, totalement ouverte, n’avait pour seule limite que l’imagination et l’implication individuelle : proposer, par fiction interposée et sans à priori, un regard d’auteur sur ce vécu chinois.
Le chant des grenouilles. Zhang Xiao Yu
Un enfant mutique et souffre-douleur disparaît un beau jour de l’école. Son professeur décide d’aller le chercher dans son village. Ainsi découvre-t-il au-delà des murs d’enceinte, la campagne et la nature, à la fois si proches et si lointaines, si inconnues et réminiscences de souvenirs qui s’estompent au fur et à mesure que la ville sans âme les grignote.
The King of Kowloon. Viravong
Ce récit nous dévoile en quelques planches alourdies d’épais idéogrammes la revendication de Tsang Tsou-Choi, empereur autoproclamé de Kowloon, quartier chinois de Hong Kong, désireux de retrouver son dû. Combattant par l’encre et le pinceau jusqu’à sa mort, il est considéré comme étant le pionnier des graffeurs.
Ses dates : 1921-2007
Le Sceau d’or. Gu Bao Xin
Dans un graphisme plus attendu à la teneur numérisée, ce récit nous apporte une réponse possible à la disparition de l’Empereur Jianwen, évincé du pouvoir par son oncle Yongle, à qui l’on doit l’impénétrable Cité Interdite de Beijing.
Trois semaines en Chine, c’est trop peu pour saisir un pays aussi étranger. La Chine. Il faudrait écrire les Chines. Impossible de coller ensemble les morceaux, un puzzle auquel il manque des pièces et, pire encore, des pièces qui ne s’assemblent pas, des formes qui ne se conforment pas. Telles sont mes Chines.
Mémoire(s) vive(s). Bandini
Par son onirisme, ses réflexions existentielles sur la vie, la mort, ce que nous laissons, le temps ressenti, le vide, ou encore l’espoir, ce récit a été un coup de cœur.
Géant. Han Feng
En revanche, celui-ci m’a laissée dubitative.
On voit un géant bodybuildé détruire une ville, puis tel un enfant vouloir emboîter des bouts d’immeuble auparavant balayés d’une main, avant que le tout s’écroule et que, de dépit (ou rage ?), il pleure et rapetisse en même temps.
Toujours désireux de vouloir faire étalage de sa force, il ne fait pourtant pas peur à une bande d’enfants qui se moquent, réduisant toujours plus sa taille, mais pas sa vindicte.
Le Crachoir. Anne Simon
Celui-ci m’a fait grimacer...
L’une des épouses d’un eunuque prend la fuite à cause des demandes particulières de son mari. Elle se réfugie chez l’une de ses amies qui l’interroge sur leur intimité, pendant que lui rêve de vengeance et trouve réconfort dans une maison où l’emmène un ami.
Et nous de découvrir le pourquoi de ce titre...
Cartes postales de Hong Kong. Chihoi
Par le biais de cases qui reproduisent des cartes postales, un peu de l’histoire de Hong Kong nous est racontée par un homme qui manifeste son désaccord avec un projet de réaménagement du territoire.
Détruire certains lieux à la haute portée historique et symbolique reviendrait à effacer la mémoire et à enlever aux jeunes générations le pouvoir de s’opposer à un gouvernement dictatorial.
Visa. Sylvain Saulne
Un dessin simple et sans fioritures pour nous montrer ce que sont prêtes à faire certaines personnes pour acquérir la liberté. Le prix à payer est parfois bien lourd et déshumanisant. Ce qui, malheureusement, profite toujours à d’autres ou à un système fort peu scrupuleux.
Tape-cul. Laï Tat Tat Wing
Ce récit avec mise en abyme m’a vraiment beaucoup amusée !
Un couple se sépare avec de fortes exclamations, mais décidant chacun de partir de leur côté, ils se retrouvent où qu’ils aillent, quoiqu’ils fassent, quelles que soient les choses qui leur arrivent : au cinéma, sur internet et même à l’hôpital.
N’est-ce pas des messages évidents pour dire qu’ils sont faits pour être ensemble ?!
Le décor urbain traversé entre l’aéroport et l’hôtel accentue ma torpeur. Le décalage entre ce que je vois et mon idée de la Chine amplifie un sentiment de malaise.
Harbin/Shanghai : 1980/2008. Olivier & Denis Desprez
Aller à Shanghai et ne pas se sentir dépaysé.
Vouloir tout de même être imprégné des lieux et se remémorer une lecture sur la Révolution Culturelle, sujet tabou, et se demander qui se souvient encore de Wang Shouxin, dernière fusillée en 1980.
Un récit mélancolique qui joue avec l’obsucrité.
De quelques drôle d’oiseaux sous les Ming. Yao Fei La
J’ai adoré ce dernier récit qui nous décrit dans un graphisme manga un système politique au temps des Ming par le biais d’anachronismes concernant les moyens de communications. Le langage oral d’abord bien sûr, mais aussi, et surtout, écrit avec l’usage d’oiseaux messagers transcripteurs, de menus de graines offrant plus ou moins de missives, de gratuités, d’autonomie.
Et d’aborder ainsi le temps qui coule, le passage des générations et leur inévitable décalage.
C’est jubilatoire !
La Chine ne vous séduit pas. Elle vous capte, vous saisit, vous prend.
Et, comme une addiction, ne vous lâche plus jamais.
Avec cette dernière citation, tout est dit !
Cet album participe au RDV BD de la semaine qui se déroule aujourd’hui chez Moka (CLIC), au "Petit Bac 2021" d'Enna pour ma 10e ligne, catégorie Lieu, ainsi qu'à l'Objectif PAL d'Antigone.
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Belles lectures et découvertes,
Blandine