Le journal de Nisha. Veera HIRANANDANI – 2020 (Dès 12 ans)
Publié le 15 Juin 2021
Le journal de Nisha
Veera HIRANANDANI
Traduit de l’anglais par Jean POUVELLE
Editions Hatier, 2020
320 pages
Dès 12 ans
Thèmes : Journal intime, Famille, Gémellité, Inde, Pakistan, Indépendance, Liberté
Lecture Commune avec Hilde, Agathocroustie (Instagram), Ninijolivre (Instagram), Katell
14 juillet 1947
Nisha vient d’avoir douze ans et commence à écrire dans le carnet offert par Kazi, le cuisinier de la famille. Elle décide d’en faire son journal intime et de l’adresser à sa mère, qu’elle n’a pas connue, morte en couches pour lui donner la vie, à son frère jumeau Amil et à elle.
Elle lui écrit le besoin de la connaître, la façon dont elle se la représente d’après le peu d’informations dont elle dispose. Elle lui décrit le caractère d’Amil, si opposé au sien. Fantasque, joueur, doué pour le dessin mais réfractaire aux études, au grand dam de leur père, médecin. Elle, elle est peu loquace et préfère économiser ses mots, par crainte de mal les utiliser. Elle écrit un peu sur Dadi, sa grand-mère paternelle, qui grince des dents et prie souvent. Elle lui raconte les moments passés en cuisine avec Kazi, la senteur des épices, le goût des aliments et des plats, et comme elle aime l’aider, en utilisant le mortier.
Peu à peu, ses mots se parent d’inquiétudes.
Amil qui est poursuivi, puis elle aussi, par des garçons du quartier.
Pourtant, l’été s'annonce historique
Après deux siècles de domination britannique, l'Inde s'apprête à devenir indépendante, à être libre ! Pourtant, cette liberté n'est pas là qu'elle crée des tensions que Nisha ne comprend pas. Les attitudes changent, des heurts surviennent, des violences sur fond de religion divisent les différentes communautés qui vivaient jusqu’alors en très bons termes.
Tout le monde sait qui est hindou, musulman ou sikh par les vêtements qu’il porte ou par son nom.
Mais nous avons tous vécu ensemble dans cette ville depuis si longtemps. Je n’avais jamais vraiment fait attention à la religion des gens. Est-ce que tout ça, c’est parce que l’inde est en train de devenir indépendante des Britanniques ? Je ne vois pas très bien le rapport.
Il est question de partition, il est question de deux pays, d’un Pakistan musulman et d’une Inde Nouvelle où iraient vivre les Hindous et les Sikhs.
Et eux, qui sont musulmans par leur mère, hindous par leur père, où aller ? Pourquoi partir ? Et pour Kazi qui est musulman et qui n’a personne à part eux ?
Ces tensions permettent à Nisha et son frère de connaître les difficultés traversées par leurs parents pour pouvoir se marier et s’établir, ailleurs, loin de leurs familles respectives.
La partition est signée dans la nuit du 14 au 15 août 1947.
Ne pouvant plus aller à l’école, attaqués jusque dans leur maison, Nisha, Amil, son père et Dadi n’ont plus le choix et doivent quitter Mirpur Khas.
Commence alors un long et terrible périple en direction de la frontière et de la ville de Jodhpur, où les frères de son père sont partis s’installer et leur trouver où vivre.
Quand Amil a dit ça, j’ai compris qu’il avait raison à propos de Papa. (...) Tu dois lui manquer, Maman, d’une autre façon que tu me manques à moi. Ce qui lui manque, ce sont les moments qu’il a passés avec toi. Ce qui me manque, ce sont les moments que je n’ai pas eux avec toi.
Nisha écrit la nuit dans son journal.
Elle décrit la marche, la faim, la soif, les atteintes au corps, le mutisme, la crasse, la fatigue, la faiblesse, la peur, les rencontres avec d’autres qui, comme eux, vont vers la frontière, l’animailité, la bestialité, qui s’empare d’eux tous... et parfois, les quelques bribes d’humanité qui surgissent.
Ils font la connaissance de leur oncle maternel Rashid, et elle raconte tout le paradoxe de cette situation, les notions de richesse et de bonheur qui tiennent finalement à si peu de choses, elle découvre l'homme derrière son père, les femmes derrière sa grand-mère et l’image idéalisée de sa mère.
Basé sur des faits réels comme l’explique l’autrice, Le journal de Nisha nous restitue avec les mots d’une jeune adolescente grandie trop vite, cette guerre fratricide, ce déchirement national, « fratricide » et intime.
Plus de quatorze millions de gens se sont exilés, au moins un million d’entre eux ont été tués.
Avant, je pensais que la plupart des gens étaient bons, mais maintenant je me demande si n’importe qui peut devenir un assassin.
Par ses mots encore empreint d’une candeur enfantine, si brutalement abîmée, elle nous restitue son quotidien fait de couleurs et de saveurs (avec de belles descriptions de plats), et ses questionnements autour de l’identité, de la famille, de l’amour, de l’appartenance à un pays, de la liberté.
Le Journal de Nisha est un roman poignant et révoltant qui nous éclaire sur une période sombre de l’histoire de l’Inde. Des repères historiques et politiques (avec Gandhi notamment) nous sont donnés deci-delà, quand Nisha arrive à les obtenir, car son père leur cache les journaux papier et en dit le moins possible. Pour les préserver, pense-t-il.
Paradoxalement, ce roman se lit très vite
La forme du Journal intime nous rend Nisha très proche et nous fait ressentir ses émotions, ses peurs et ses espoirs. Nous sommes avec elle, avec eux, dans leur exil, et ce vers quoi ils aspirent, un avenir serein.
Et de faire un triste parallèle avec "aujourd'hui" et les venues de Migrants, qui fuient leurs pays, pour vivre, simplement. (CLIC)
J’allais avoir des souvenirs de ma vie ici, à Mirpur Khas, et des souvenirs de ma vie dans l’Inde nouvelle. Ma jeunesse serait toujours coupée en deux : avant et après.
Ce roman participe aux Etapes Indiennes d’Hilde et moi, et à la toute nouvelle Etape au Pakistan.
Qu'en ont pensé Hilde, Agathocroustie (Instagram), Ninijolivre (Instagram), Minililloise (Instagram), Katell? Allons lire leur avis (cliquez sur le prénom)!
Avec Hilde, nous vous proposons de prolonger cette lecture par un débat/discussion sur Instagram - disponible en story permamente.
Belles lectures et découvertes,
Blandine