Chez nous... Paroles de réfugiés. Marco RIZZO et Lelio BONACCORSO – 2021 (BD)

Publié le 2 Juin 2021

Chez nous
... Paroles de réfugiés

Rescapés des guerres et de la misère, l’accueil des migrants, pour le pire et le meilleur

Récit de Marco RIZZO
Dessin de Lelio BONACCORSO

Traduit de l’italien par Hélène DAUNIUOL-REMAUD

Éditions Futuropolis, février 2021
Avec Amnesty International
112 pages

Thèmes : Chronique sociale, Migrants, Italie, Politique, Humanité

Nous avons tous en tête et dans les yeux ces images effroyables de bateaux surchargés de migrants qui s’échouent en mer ou qui parviennent sur nos plages européennes, et italiennes en particulier.
Images terribles, saisissantes, glaçantes.
Nombreux sont les flashs info et les reportages qui nous les retransmettent.
Suivis par ces images de camps précaires, qui dérangent, qui bousculent.
Moins fréquents sont ceux qui s'interrogent vraiment sur les raisons du départ de leur pays, ce qu’ils ont fui, ce qu’ils ont dû laisser.
Plus rares encore sont ceux qui se penchent sur ce qu’il se passe après, sur leur accueil véritable et leur insertion, pour leur (re)construction et leurs désirs de vie.

Après avoir été A bord de l’Aquarius (Futuropolis, 2019 – album que je n’ai pas lu), Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso se rendent en Calabre, région du sud de l'Italie, l’une des plus touchée par le chômage, et pourtant, l’une des plus hospitalières pour les réfugiés. 

A leurs côtés, nous découvrons les multi facettes de leur accueil, motivé par le besoin d’une main-d’œuvre agricole bon marché ou de subsides « faciles » ; ou bien fruit d’une évidence d’humanité ; entre relations diplomatiques tendues, cruauté administrative aux noms mouvants, qui privilégie désormais l’urgence à la pérennité.

La bureaucratie n’a aucun scrupule. La politique non plus.

Nous rencontrons d’abord Giovanni qui travaille dans l’association Recosol, le « réseau de communes solidaires » « qui cherche et partage des solutions durables aux problèmes qui se posent. »

Nous découvrons les parcours faits de violences, peurs et mépris, de la Nigériane Blessing, dont l’une des sœurs est menacée de rapatriement ; de l’Egyptien Ishak, chrétien copte ; du Togolais Mohamed qui craint de devenir un clandestin ; du Sénégalais Buba qui a exercé tant de métiers et qui a pu s’installer ; du Lybien Shérif qui ne trouve pas de travail et sent peser les regards sur lui. Tous expriment un attachement et reconnaissance à ce pays qui les a accueillis, devenu le leur dans leur cœur.

Nous parcourons, avec les auteurs et le Malien Fodié, le camp de San Ferdinando, « un morceau d’Afrique arraché et transporté ici », où les incendies sont (trop) fréquents, qui sera détruit puis reconstruit (pour la récolte des oranges ?).

Nous allons à Riace, une commune qui a accueilli entre 1998 et 2018 des milliers de réfugiés, d’où qu’ils viennent, dans une volonté utopiste de village-modèle, « città futura ». Elle avait sa propre économie et faisait travailler de nombreux Italiens, en premier lieu dans les écoles.
Marco et Lelio discutent avec Mario et Antonio, deux hommes qui s’expriment sur la politique du Maire destitué, Domenico Lucano, « un naïf, un bon garçon... qui a donné un peu trop de liberté à certains qui en ont profité. »
Ce qui a entrainé sa suspension par le gouvernement de Salvini (le même qui a modifié les systèmes de protection et donc l’obtention des papiers), puis le délitement de Riace, la précarisation de sa population italienne, déjà mise à mal par la forte présence de la mafia.

C’est vrai, ça semble cynique, on instrumentalise les réfugiés. Mais ce sont des postes de la fonction publique qui sont supprimés.

Nous écoutons Domenico (surnommé Mimmo) nous raconter ce qu’il a voulu entreprendre avec Riace, pour en faire « un petit rêve », « pour reconstruire la dimension humaine, en se renouvelant dans une convivialité sereine. »

Ce ne sont pas juste des sentiments naïfs. Les jeunes doivent comprendre vers quel type de société nous voulons aller.

Chez nous... Paroles de réfugiés. Marco RIZZO et Lelio BONACCORSO – 2021 (BD)
Chez nous... Paroles de réfugiés. Marco RIZZO et Lelio BONACCORSO – 2021 (BD)
Chez nous... Paroles de réfugiés. Marco RIZZO et Lelio BONACCORSO – 2021 (BD)
Chez nous... Paroles de réfugiés. Marco RIZZO et Lelio BONACCORSO – 2021 (BD)
Chez nous... Paroles de réfugiés. Marco RIZZO et Lelio BONACCORSO – 2021 (BD)

L’évocation de l’Italie vous amène peut-être des images lumineuses et ensoleillées, de sourires et de convivialité.
Lelio Bonaccorso a choisi de s’éloigner de cette représentation, idéalisée, fantasmée, pour nous transporter dans une Italie grisée. L’album s’ouvre sur des planches comme griffées par la pluie.
Leurs couleurs bleutées laissent ensuite place à un lavis grisé pour le présent, sépia pour les douloureux souvenirs de ceux qu’ils écoutent. Pour un rendu tout en pudeur et délicatesse.

« Chez nous » album poignant, révoltant et émouvant, pour ne pas oublier que derrière la réalité de la pandémie, s’en trouve une autre qui n’a pas cessé. Celle des Migrants qui affrontent tant de dangers et misères, pour qu’ils puissent aussi enfin dire « chez Nous ».

Cet album participe au RDV BD de la semaine, qui se passe aujourd’hui chez Moka (CLIC) et au "Petit Bac 2021" d'Enna pour ma 7e ligne, catégorie Voyage.

 

 

 

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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N
Intéressant ! Je m'aperçois aujourd'hui que j'ai "zappé" quelques billets...
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N
Témoignage incontournable, je note la référence !!
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C
Sujet très intéressant, mais je ne sais pas si j'ai "besoin" de ça en ce moment... Je le garde pour plus tard je pense !
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A
Les dessins et le thème sont intéressants !
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Exactement, et ils prennent au cœur!
F
C'est noté évidemment... j'aime beaucoup ce genre de témoignages qui peut réveiller les consciences.
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Moi aussi, même si je rejoins Natiora: je crains que seuls ceux qui sont déjà sensibles aillent vers ce type de récit, si nécessaire pourtant.
S
BD indispensable, on dirait ! Je note !
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Totalement !
M
Justement, je cherche des ouvrages sur ce thème. Je note cette bande dessinée. Mais c'est toi qui a scanné le livre et mis en numérique ?
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Cette BD est parfaite! Oui j'ai pris les pages du livre en photo.
S
Je note précieusement ce titre, c'est tout à fait mon univers. Il est heureux que ces sujets soient abordés sur ce type de support.
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Exactement, pour qu'un maximum de personnes soient sensibilisées, touchées, connaissent. Même si une part de moi rejoins Natiora.
C
Extrêmement tentée !
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J'étais sûre que tu serais touchée ;-)
N
C'est grâce à des ouvrages tels que celui-ci que l'anonymat des chiffres donnés au JT deviennent les vies de nos voisins humains. Une lecture nécessaire qui malheureusement, n'intéresse généralement que ceux qui sont déjà sensibilisés à la cause des migrants.
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Je te rejoins malheureusement. Mais pour nous et ceux qui y sommes sensibles, ce genre d'ouvrages est important, et nécessaire même