Ô Verlaine ! TEULÉ, THIRAULT, DELOYE – 2021 (BD) + CONCOURS
Publié le 21 Avril 2021
Ô Verlaine !
D’après le roman de Jean TEULÉ (2005)
Adaptation par Philippe THIRAULT
Dessin d’Olivier DELOYE
Couleur de Marie GALOPIN
Éditions Steinkis, avril 2021
120 pages
Thèmes : Poésie, Paris, Adaptation, Biographie
Né en 1844 ; grand admirateur de Charles Baudelaire ; publication à 22 ans de son premier recueil Poèmes Saturniens ; liaison aussi passionnée que tumultueuse avec Arthur Rimbaud qui lui fera faire de la prison ; marié, père et divorcé ; répétiteur puis agriculteur un court temps ; autoproclamé poète maudit et donné précurseur du mouvement du symbolisme ; auteur de nombreux recueils de poèmes et de textes en prose ; Paul-Marie Verlaine, alcoolique, colérique et plus que malade, meurt à Paris en 1896 dans une misère crasseuse, entre le mépris de ses pairs et l’adulation d’une jeunesse estudiantine, grâce à qui il eut des funérailles grandioses.
Dans le roman éponyme dont est issue cette adaptation, Jean Teulé, avec la verve qu’on lui connaît et son amour pour Verlaine, nous transportait auprès du poète, à la fin de sa vie.
J’avais beaucoup aimé ce roman.
J’adore Verlaine (découvert en CM1 avec « Il pleure dans mon cœur ») comme entendre et lire Teulé (il est vraiment génial en interview).
Aussi lire cette adaptation a-t-il été une évidence !
1895
Henri Albert Cornuty, jeune homme roux de 15 ans, est venu de Pantin pour rencontrer son idole après que son oncle lui eut offert les Poèmes Saturniens.
C’est à ses côtés, presque par ses yeux et dans son adoration, que nous assistons aux derniers mois de la vie de Verlaine.
Ainsi découvrons-nous Verlaine alité dans l’hôtel de passe du 18 de la rue Descartes où il a ses habitudes et son habituée (Esther qui ne veut pas qu’on l’appelle Philomène), le pied gauche bandé et blessé à la tête.
Que nous le voyons aller chez sa maîtresse, Eugénie Krantz, dite Nini-Mouton, à qui il écrit des poèmes quand ce n’est pas pour Philomène, et qu’il lui arrive de confondre. Des vers alimentaires payés à la ligne par son éditeur Vanier, pour acheter les vêtements de l’une ou le bois de l’autre, alimenter les jalousies de la deuxième, et surtout, remplir les verres d’absinthe, sa fée verte.
Je n’ai pas fini de vous étonner par mon ingratitude.
Tout à tour chez l’une ou l’autre, violent, profiteur, méchant avec son entourage et ivrogne, parfois facétieux fichu par avance en raison de son passé, il va en prison avant d’arriver à l’hôpital pour être opéré. La liste de ses maux est si longue qu’une seule pancarte ne suffit pas (syphilis, altération sanguine, diabète, souffle au cœur, cirrhose du foie, érysipèle infectieux, hydarthrose, pneumonie).
Puis à sa sortie, de repartir dans ses décadences toujours plus violentes et infernales, vêtu d’une chemise de nuit, nous emmenant à l’Eglise ou dans les tréfonds sordides de Paris comme de lui-même.
Cet homme est génial si vous voulez, mais surtout fou, convenez-en.
Dans le même temps, nous suivons donc Henri Albert qui, quand il n’est pas à son travail aux abattoirs de la Villette, fait connaissance avec La Nuit, la maîtresse fortunée et opiomane de Tailhade ; se taillade la joue pour être hospitalisé aux côtés de Verlaine dans le lit 27, « le lit du mort » ; assiste fasciné aux défilés des Etudiants au chevet du poète pour lui poser mille questions ; se tient à ses côtés lorsqu’il se fait sculpter le portrait (dont Verlaine détestera le résultat) ; organise une collecte avec les amis pour fêter la sortie de l’hôpital de Verlaine à qui les infirmières lui ont offert un beau costume, haut-de-forme compris, et dont la coquette somme sera dilapidée en trois jours ;avant de s’enfuir du 39 rue Descartes quand Verlaine veut le violer... et de s’en repentir à la mort de celui-ci, quelques jours plus tard.
En parallèle, alors qu’il n’est entouré que de quelques admirateurs de son acabit (visibles sur la couverture), avant de l’être par les jeunes, Verlaine est conspué par les écrivains (tel François Coppée) ou journalistes (Laurent Tailhade), dénigré par des gens « respectables », mais protégé par le Préfet Lépine qui a interdit aux policiers du Quartier Latin de l’arrêter quelque soient ses folies, mais qui ne peut plus le faire lorsque certains de ses détracteurs sont victimes d’accident et de meurtre.
La côte du poète remonte, ce qui fait les affaires de son éditeur.
Ce côté policier, aussi glauque soit-il, apporte suspense et souffle dans toute cette décadence infernale.
Cette adaptation est vraiment très fidèle au roman, dont il me reste des sensations et des images que le dessin d’Olivier Deloye me reconstitue pleinement. Seul le ton si particulier de Teulé ne se retrouve pas vraiment, ce qui rend l’album un peu moins piquant.
Coté graphique, j’ai été totalement transportée dans le Paris de cette fin XIXe siècle dont les couleurs salies restituent tout à fait l’atmosphère, auprès de Verlaine tel que je me le représentais, les yeux furieux et souvent vifs, la barbe et les cheveux en friche.
Quelques planches reviennent en arrière, sur ses relations avec sa mère ou avec Rimbaud, quand les cases s’affranchissent de cadre comme Verlaine de règles ou de morale.
Je suis l’âme par Dieu choisie
Pour charmer mes contemporains
Par tels rares et fins refrains
Chantés à jeun, ô cieux sereins !
Je reviens à la poésie.
Un album réussi, qui me donne envie de relire la poésie de Verlaine, le roman dont il est issu, de continuer ma lecture de Crénom, Baudelaire ! de Teulé, puis de commencer Rainbow pour Rimbaud, toujours de Teulé.
Merci aux Editions Steinkis
Il participe au RDV BD de la semaine, qui se passe aujourd’hui chez Moka (CLIC); et à notre challenge avec Nathalie "2021, cette année sera classique!"
Grâce aux Editions Steinkis, je vous propose de remporter un exemplaire de ce roman graphique sur mon profil Instagram
Sur le blog, retrouvez Olivier Deloye avec le premier tome de l'adaptation BD d'Oliver Twist.
Belles lectures et découvertes,
Blandine