Paroles de Poilus. Collectif – 2006 (BD)
Publié le 17 Février 2021
Paroles de Poilus
Lettres et Carnets du Fronts 1914-1918
Collectif sous la coordination de Jean WACQUET
D’après l’ouvrage original de Jean-Pierre GUENO et Yves LAPLUME (Librio, 1998)
Éditions Soleil, octobre 2006
120 pages
Thèmes : Première Guerre Mondiale, Correspondance, Adaptation,
En Lecture Commune avec Hilde
En 1997, suite à un appel lancé sur Radio France, Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume avaient reçu des quantités de lettres de Poilus envoyées par leurs descendants. Après un choix forcément difficile et émouvant, une centaine avait été publiée dans un livre édité par Librio un an plus tard.
La même année paraissait un Beau Livre chez Tallandier qui les présentaient avec des photographies, journaux, cartes postales, reproductions diverses et documents d’époque. En 2013, en partenariat avec les Editions Retrouvées et France Bleu, le livre a été réédité dans une version enrichie. De nombreuses rééditions ont aussi été faites, en audio, en DVD…
Entre deux, en 2006 et 2012, le projet s’est emparé de la bande dessinée (ou inversement). Pour toucher un public plus large, pour continuer à faire vivre des émotions écrites hier et encore si vives aujourd’hui, pour les traduire en images, leur donner une autre vie, teintée de l’interprétation du dessinateur.
Automnes, saisons de ruines, saisons des deuils et des forêts humides
Saisons du déclin. Saisons de l’acier qui rouille et du métal tordu.
Saison des vendanges.
Dans ce premier tome, vingt lettres ou extraits de carnets ont été retenus, en préservant la structure de l’édition originale.
Ainsi, découvrons-nous les mots de ces hommes au fil des saisons, qui s’en vont et reviennent, chacune introduite par un poème et une illustration à la façon des cartes postales d’alors, dessinées par Lidwine.
Les lettres sont de longueur variable, sobres ou dans un style plus littéraire, écrites pour une épouse, un frère, un ami, une mère… Et pour l’une d’elles, à un administrateur de la Compagnie du Gaz de Paris. Avec un sarcasme subtil et en faisant référence à Jules Verne, Louis Bloch tacle les Planqués d’une administration comptable et imbécile.
Je frémis d’épouvante en songeant que je pouvais être tué et que la location de mon compteur aurait continué jusqu’à la consommation des siècles (la seule qui soit gratuite).
Certaines racontent la mort et la souffrance, les batailles, une exécution martiale comme il y en eut tant/trop. D’autres une anecdote du quotidien, un évènement inconcevable comme les Fraternisations de 1914, un moment de légèreté comme cette nuit où une intendance a scellé dans le noir une vache au lieu du cheval du Lieutenant, ce qui fit bien rire.
Certains écrivent des recommandations ou des encouragements, écrivent leur amour, très peu font des demandes mais remercient pour l’aide matérielle et alimentaire. Ou font preuve d’un fort patriotisme, d’une dette envers la France, comme dans la dernière (double) lettre où son auteur se sent redevable à l’égard de son pays d’adoption en cherchant à tout prix à se faire incorporer.
Un autre déplore l’indifférence de l’Arrière, et même l’égoïsme et le mépris rencontrés lors de sa permission attendue durant deux ans, sans plus en vouloir d’autres.
Puissent les hasards de la guerre ne pas me faire infirme pour toujours, plutôt la mort, c’est maintenant mon seul espoir.
Quelques-uns pensent au souvenir qu’ils laisseront, s’adressent à leurs enfants et s’intéressent à leur éducation, à leur futur. Ils leur écrivent des mots empreints de paix, d’humanité et d’empathie.
Et puis, mon pauvre Maurice, il faut réfléchir que les Prussiens sont come nous.
Chaque lettre est titrée, reproduite sur une page couleur sépia avec une photographie ou un dessin. Quelques mots nous dévoilent son auteur, son âge, sa condition sociale et familiale, d’où il vient et où il combat (plusieurs origines et plusieurs Fronts sont ainsi représentés), sa mort, pendant ou après le conflit, et ce qu’il devint s’il en a échappé. Quelques portraits mentionnent le devenir des enfants, souvent tragique.
Chacune a donc été mise en images par des dessinateurs contemporains de BD. Quelques-uns me sont connus, j’ai aimé retrouver leur « patte » et découvrir les autres.
Chacun y est allé de son style, de son interprétation, de sa sensibilité.
Les dessins sont faits avec plusieurs techniques, réalistes, stylisés, métaphoriques, percutants, avec des traits esquissés ou plus appuyés, en noir et blanc, bichromies ou éclatants de couleurs.
Le résultat est hétéroclite, pluriel, puissant, toujours empreint d’humilité, respect et hommage.
Toutes ces querelles passeront, heureusement, et les œuvres vraiment dignes de vivre resteront, malgré les crimes, malgré la méchanceté, malgré les criailleries des journalistes en mal de patriotisme !
Certains suivent le fil de la lettre ou bien s’en écartent plus ou moins, voire totalement, en changeant la perspective (montrer la destinataire d’une missive et sa réaction plutôt que son auteur qui la rédige), ou en incluant des éléments anachroniques.
Les lettres sont reproduites entièrement ou partiellement, dans des encadrés et/ou changées en dialogues. Les encadrés ou bulles prennent plusieurs formes, les typographies sont dactylographiées ou comme manuscrites, pour certaines presque illisibles…
Adrien Floch a inséré la lettre dans une seule planche en double page, Juanjo Guarnido l’a réduite à une image et une phrase, quand Emmanuel Lepage livre des cases muettes.
Avant, puis après ces lettres, se trouve un récit fictionnel intitulé Le rêve de Pétain, écrit par Jean-Pierre Guéno et illustré par Thierry Démarez. Les auteurs ont imaginé Pétain ayant le projet d’honorer les souffrances et les sacrifices de la France au-travers de dix lettres, qui deviendraient des symboles de patriotisme et de fierté nationales. Idée abandonnée au profit d'une autre.
Au-delà de l’émotion évidente, ces six planches, comme le projet Paroles de Poilus dans son ensemble, visent à nous montrer comment l’Histoire (officielle), la Mémoire et la Postérité se construisent. Selon quels angles et quels critères. Forcément biaisés et collectifs.
La société immédiate d’après-guerre voulait oublier et glorifier (pour mieux dissimuler) ; cent ans plus tard, nous sommes désireux de nuances et d’authenticité.
Noms des Poilus : Henri Aimé Gauthé ; Lazare Silbermann ; Maurice Antoine Martin-Laval ; Maurice Drans ; Désiré Edmond Renault ; Jacques Ambrosini ; René Jacob ; Michel Taupiac ; Gervais Morillon ; Marcel Garrigues ; Gaston Biron ; Raymont Rollinat ; Martin Vaillagou ; Maurice Maréchal ; Maurice Drans ; Léon Pénet ; Louis Bloch ; et Henry Lange.
Noms des dessinateurs (ceux en bleu ont été chroniqués sur le blog) : Thierry Démarez ; Lidwine ; Thierry Martin ; Jean-Philippe Bramanti ; Denis Bajram ; Christian de Metter ; Juanjo Guarnido ; Franck Biancarelli ; Eric Herenguel ; Juan Guiménez ; Teddy Kristiansen ; Cromwell ; Adrien Floch (couleurs de Lyse) ; Eric Bourgier (lettre adaptée par Benjamin Goutte) ; Régis Penet (adaptation par Frédéric L’Homme) ; Emmanuel Lepage ; Joël Parnotte et Vincent Mallié ; Alec Séverin ; Pierre Alary ; Jérôme Jouvray (adapation par Olivier Jouvray et couleurs par Anne-Claire Jouvray) ; Farid Boudjellal ; et Marc N’Guessan.
Que mes larmes que je verse en faisant cette lettre vous inspirent de faire tout ce que je voudrais et que vous deveniez tout ce que je vous souhaite.
Il est difficile (voire même impossible je crois) de ressortir indemne de cette lecture tant les mots empreints d’espoir, d’illusions, de vie, de déception ou d’humanité de ces hommes sont forts et actuels.
J’avais lu le Librio à sa parution, j’en avais été très émue. Je crois que l’impact de ces lettres sur moi est encore plus fort aujourd’hui. Il me tarde de le relire comme de découvrir le deuxième tome de ces « Paroles de Poilus » sous-titré « 1914-1918 Mon papa en guerre ».
Qu’a pensé Hilde de cette adaptation ? Allons lire son avis !
Paroles de Poilus, Lettres et carnet du Front de 1914-1918, tome 1
Cette année, je participe au Challenge sur la Première Guerre Mondiale organisé par Blandine et on a décidé de découvrir cet album ensemble. Ce livre réunit 20 lettres de poilus adaptées en...
Cet album participe au RDV BD de la semaine qui se déroule aujourd’hui chez Moka (CLIC) ; à mon challenge dédié à la Grande Guerre; à notre Challenge dédié aux Classiques avec Nathalie ; au "Petit Bac 2021" d’Enna, pour ma 3e ligne, catégorie Objet; ainsi qu’à l'Objectif PAL d'Antigone.
Belles lectures et découvertes,
Blandine