Prodige. Nancy HUSTON – 2002

Publié le 30 Août 2020

Prodige

Polyphonie

 

Nancy HUSTON

 

Editions Actes Sud, janvier 2002

174 pages

 

Thèmes : Maternité, Famille, Musique, Transmission

 

Lara est mariée à Robert, est professeure de piano au Conservatoire et reçoit aussi quelques élèves chez elle. Chez eux, habite aussi sa maman Sofia, musicienne, qui a quitté la Russie alors qu’elle était enceinte, puis son mari, une fois arrivée en France.

 

Lara désire ardemment un enfant mais aucune grossesse n'a pu être menée à son terme.

Aussi quand celle-ci s'interrompt brutalement et beaucoup trop tôt mais que l'enfant vit, Lara s'attache-t-elle, se dédie-t-elle toute entière à ce petit être si fragile.

A ce prodige de la vie nommé Maya.

Dans la chambre au blanc immaculé, Lara (se) fait des promesses.

Elle va la porter, l’accompagner, tout lui enseigner et la musique même s'inclinera.

Maya est sa raison de vivre et d'être, sa raison de continuer.

Autour d'elle tout s'efface, devient secondaire, elle est son souffle.

Un souffle qui se transmet, qui la porte mais qui s'(l')essouffle...

C'est là que j'ai été la plus heureuse. Là que, pour la première fois de ma vie, je me suis sentie nécessaire. Quelqu'un avait besoin de moi: de moi et de personne d'autre. La vie exigeait de moi une chose que j'étais en mesure de fournir, je n'avais aucun doute là-dessus. Ce n'était pas comme le reste... Le piano... Ma mère... Même toi, Robert... Je ne passais pas mon temps à me demander si j'allais être à la hauteur. J'étais ce qu'il fallait que je sois.

Maya, nous la découvrons pleine de vie, de candeur et de curiosité, à ses dix ans.

En elle, la musique s’accomplit. Sous ses doigts agiles, le piano se soumet.

Elle est virtuose, perfection, excellence, prodige et renvoie à Lara ce qu'elle n'est pas, n'a pas été et ne sera jamais.

Maya incarne les espoirs déçus et les nouveaux portés. 

Je n’aime pas le matin, la lumière du jour qui revient. Schumann l’a compris, Robert, ce cher Robert dont les « Chants de l’aube » étaient ceux de la folie, ceux de l’asile.
Atroce déception quotidienne que le réveil : avoir à délaisser le sommeil si riche en couleurs, en dimensions, en significations, pour la pâle pauvreté du réel, où l’on n’a d’autre choix que d’avancer, mettre bêtement un pied devant l’autre… Chaque matin la Chute.

Autour d’elles, les personnages, vont et viennent, parfois restent. Seuls leur voix et ressentis, aussi fugaces soient-ils, comptent et nous offrent des contours, leurs contours, impressions, imperfections, limites, peurs et délicatesses.

Robert le père, si scientifique, exclu de cette relation mère-fille si fusionnelle, qui fait le choix de partir, non loin.

Lucien, vieil homme et nouveau voisin, qui fait des vitraux et sculpte des sujets religieux.

Benjamin, son neveu, passionné d’entomologie, qui explique à Maya la métamorphose des papillons et des vers à soie, sans que la petite soit effrayée.

Sofia, la grand-mère maternelle, ancienne musicienne, partie de Russie mariée et enceinte, et qui meurt en écoutant Maya jouer du Bach.

 

***

 

Sous-titré "Polyphonie", ce roman fait parler tour à tour ses personnages sans interlude narratif ou descriptif et si peu de dialogues. Tout est pensées, subjectivités et perspectives.

Seule la voix de Lara nous décrit le passé, les premiers instants suspendus de Maya, la chambre dépouillée, la transmission du souffle de vie. Un souffle que l'on sent faillir, s'estomper au gré des voix des autres personnages.

Qu'on les croise une fois ou tout du long.

 

Prodige est un roman de femmes, de mères et de maternités, de couples, de transmission, d’amour maternel et filial, sublimé par la musique qui semble s'échapper des pages.

 

Un roman entre France et Russie qui raconte les rêves avortés, les impuissances, les exigences de réussite et de perfection qui entravent, soulignés par le miracle qu'est Maya et l'espoir qu'elle suscite.

Les vrais musiciens savent déchiffrer le silence, c'est toi qui me l'as appris. Tu m'as appris tout ce que je sais et tout ce que je ne sais pas au sujet de la musique, les quatre-vingt-huit notes du clavier et puis les cent millions de constellations dans l'univers, chaque note une étoile et toi aussi, étoile ma petite étoile, j'ai besoin de toi, ma mamotchka.

Un roman fort et délicat, qui se lit vite et aux passages qui résonnent.

 

Ce roman participe à l’Objectif PAL d’Antigone.

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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N
Vous en parlez si bien, et puis, Nancy Huston <3<br /> Il donne vraiment envie.<br /> Belle journée à vous.
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B
oooh merci <3 mais comme vous le dîtes si bien: Nancy Huston ;-)<br /> Belle journée Nancy!
A
On me l'avait prêté mais comme mon fils est né prématuré je n'avais pas réussi à dépasser les pages qui traitaient de ce moment là...
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B
Oh j'imagine...
I
Coucou Blandine, tu me donnes vraiment envie de lire ce livre, tu en parles si bien, Merci !
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B
Oh merci beaucoup Isabelle! J'espère qu'il te plaira autant qu'à moi!