Les nuits d’Akşehir – Tome 1. Raku ICHIKAWA – 2017 (Manga)
Publié le 19 Août 2020
Tome 1
Raku ICHIKAWA
Editions Akata, avril 2017
195 pages
Thèmes : Turquie, culture orientale, Japon, Confiance en soi, Amitié
Ayako est une jeune fille réservée et solitaire, qui porte autour du cou un nazar boncuk, l’œil bleu turc.
Cette amulette qui protège du mauvais œil est à l’origine d’une méprise qui va lui permettre de s’ouvrir et de (se) découvrir.
Etudiante en école de mode, Ayako commence à travailler le soir à Akşehir, le restaurant d’Hodja, un vieil homme turc.
Elle y fait la connaissance de Zakuro, fascinante jeune femme franche et déterminée qui aide Hodja dans la gestion du restaurant, fait le service en salle et offre chaque soir aux clients une danse orientale différente.
Peu à peu, Ayako prend de l’assurance, s’intéresse à la culture turque et s’affirme.
Serveuse, elle se doit de connaître les plats qu’elle propose, et son initiation fait aussi la nôtre.
Ainsi, les différents mets qui composent la cuisine turque sont-ils mis en valeurs dans le dessin comme dans les mots. Les similarités et dissemblances d’avec la cuisine japonaise sont soulignées.
Aux côtés de Zakuro, elle découvre les subtilités des différentes danses, ainsi que leurs origines, les croyances et vertus qui leur sont associées.
C’est ainsi qu’Ayako trouve l’inspiration pour le design de la robe qu’elle doit rendre à l’Ecole, et qu’elle aide Matsuo, étudiant comme elle, en lui montrant des céramiques turques au restaurant.
Il la trouve changée, plus ouverte, plus épanouie qu’à l’école, et ce changement lui plaît. Alors qu’il attise la défiance de Riisa, autre étudiante qui aime concentrer l’attention sur elle.
En filigrane, des éléments du passé d’Ayako se dévoilent et l’on apprend qui a lui a offert le nazar boncuk et la relation qu’elle entretenait avec cette personne. A la fin du tome, Ayako apprend que quelque chose de terrible lui est arrivé.
On ne peut pas contrôler son propre œil.
L’œil est le miroir de l’âme et reflète tout aussi bien le bon que le mauvais en nous.
Le mauvais œil tente de maudire quelqu’un d’autre, et la protection contre cet œil, c’est…
Le Nazar, « mauvais œil », Boncuk, « perle de verre ».
C’est le nazar boncuk de la surcouverture qui m’a attirée vers ce manga, très riche et original.
Si la cette dernière n’est, à mon sens, pas réussie, l’intérieur l’est complètement.
La couverture intérieure reproduit des motifs de céramique et le livre s’ouvre (à la japonaise) sur quatre pages colorées, reproduisant le paysage d’Istanbul depuis le Bosphore avec la Grande Mosquée, puis un conte turc.
Une page transparente nous donne le sommaire et ainsi commence l’histoire.
Chaque chapitre est introduit par quelques éléments et goûts personnels de la mangaka, qui vit à Istanbul.
Côté dessin, il est agréable et dynamique, se focalisant sur les plats ou les éléments du corps mis en valeur par les danses de Zakuro.
Zakuro, au fort caractère, se met souvent en colère contre Hodja. Pour la figurer, des serpents plus ou moins nombreux jaillissent de sa chevelure, comme la Gorgone Méduse, archétype du pouvoir féminin, de la puissance du regard et l’importance des talismans (notamment contre le mauvais œil).
Les caractères des personnages, très variés, sont très bien représentés.
Ainsi, plusieurs thèmes s’entremêlent de manière franche, tels la cuisine (et d’avoir envie de goûter à presque tous les plats présentés), la danse orientale (avec ses différentes formes et influences), la spiritualité (avec la divination ou les superstitions), l’amitié (et les différentes formes qu’elle revêt), ou plus discrète (comme le départ de la femme d’Hodja ou le phénomène des hikikomori au Japon, qui tend à s’accroître).
Ils donnent à voir la richesse des cultures et traditions turques et orientales, leurs différentes formes d’expression et les résonnances avec les japonaises.
Les nuits d’Akşehir (du nom d’une ville turque, qui veut dire « ville blanche ») est un manga très complet, d’ouverture à l’autre, de tolérance et d’enrichissement mutuel.
Une très belle découverte!
Il se compose de trois tomes (tous parus) et il me tarde de lire les deux suivants pour voir comment va évoluer Ayako et découvrir plus encore la culture turque.
Ce manga participe au « Petit Bac 2020 » d’Enna pour ma 10e ligne, catégorie Lieu ; ainsi qu’à l’Objectif PAL d’Antigone.
Bidib a aussi beaucoup aimé cette série, qu'elle a lu en entier. Pour lire son avis, c'est ICI.
Liste des plats turcs mentionnés: Manti (raviolis semblables aux gyôzas japonais); Ekmek (pain turc creux et chaud); Mercimek Çorbasi (soupe de lentilles); Iskender Kebap; Pilav (riz cuit avec d'autres ingrédients); Baklava (dessert avec du miel des amandes, des pistaches); Karniyarik d'aubergines (évidées et farcies de viande); Moussaka; Tavuk sote (poulet sauté); Çay (thé); Kemalpaşa (dessert préféré d'Atatürk avec un gâteau de Savoie imbibé de sirop); Menemen (un plat de tomates et d'oeufs); Kiymali yumurta (Oeufs en sauce et boeuf); Köfte (boulettes de viande); Hanbagu (steak haché avec oignons sautés et légumes).
Belles lectures et découvertes !
Blandine.