Ma participation au Grand Prix des Lectrices Elle 2020 - Catégorie Romans + Lauréat
Publié le 7 Juin 2020
Encouragée depuis quelques années par mon amie Nathalie pour participer au Grand Prix des Lectrices Elle, j'ai enfin osé sauter le pas l'année dernière.
Auparavant, le rythme de lecture annoncé me faisait un peu peur et, surtout, je ne me sentais pas à la hauteur, craignant que mes chroniques de livres ne soient pas assez bonnes, pas assez approfondies. Et puis, je me suis dit, pourquoi pas ? Pourquoi pas moi ?
J'ai donc rempli le questionnaire et joins les deux critiques de livres demandées : un classique et un au choix.
J'ai opté pour Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, l'un de mes romans classiques préférés, que j'avais justement choisi de relire, mais que je n'avais encore jamais présenté.
Et Surface d'Olivier Norek, mon premier policier de cet auteur qui avait été récompensé par ce même Prix en 2017 pour Surtensions.
Bref, je partais sous les meilleurs auspices.
Réponse positive reçue début juillet et réceptions des premiers livres fin août, l'aventure du 51e Grand Prix des Lectrices Elle commençait !
8 mois – 28 livres lus, 3 chaque mois, 1 pour chaque catégorie Romans / Documents /Policiers, et 7 en décembre, le mois de mon jury – et autant d'articles rédigés (souvent à la dernière minute, paradoxalement, j'y arrive mieux!) et de notes données. Ce sont ces notations (sur 20) qui déterminent les gagnants de chaque catégorie et sélection, et finalement les Lauréats du Prix.
J'ai publié sur le blog une chronique pour chacun des livres lus, que je l'ai aimé ou non, vous pourrez retrouver chacune en cliquant sur le titre.
Aujourd'hui, je souhaite faire un bilan, vous dire ce qu'il me reste de ces livres (bien sûr l'ordre de lecture peut en favoriser ou défavoriser certains, mais c'est le jeu!) et vous livrer mon palmarès personnel (ouille que c'est dur!) avant la révélation des trois lauréats le 19 juin prochain. Ce qui devrait donner lieu à un live sur Instagram, en lieu et place de la cérémonie habituelle, « merci » le Covid !
Le Grand Prix des Lectrices Elle est une aventure livresque riche et intense, et je suis vraiment très heureuse d'avoir pu y participer. Un grand MERCI!
J'ai découvert des auteurs, un peu plus apprécié le genre des documents, beaucoup appris, découvert des univers, des pans historiques, psychologiques, géographiques... J'ai rencontré, de manière virtuelle, des lectrices, des boostagrammeuses pour la plupart, échangé des coups de cœur, déceptions, interrogations...
Il y a une organisation à avoir et un rythme à tenir. Pour moi, la difficulté a surtout résidé dans la retranscription de mes sentiments de lecture. Comme toujours.
Je sais que je suis assez longue pour décrire et écrire, mais je crois m'en être plutôt bien sortie. Le confinement n'a pas aidé la dernière sélection. Impossibilité de lire pour moi, par manque de temps d'abord, mais aussi faute d'envie. Alors pour faire mes fiches de lecture, cela a été assez compliqué. Mais j'ai été jusqu'au bout, j'en suis contente, d'autant que deux livres sur trois m'ont ravie !
Et finalement, c'est passé si vite!
Vivement dans trois ans que je puisse postuler à nouveau!
Allez, c'est parti pour le récapitulatif !
Je précise qu'avant d'arriver entre nos mains, chaque livre a d'abord passé le cap de sélections opérées par des journalistes et critiques littéraires, et que pour chacun des mois (sauf celui de notre jury – décembre pour moi), les trois reçus sont ceux qui ont reçu les meilleures notes. Donc, ces livres ne sont pas « nuls » ou ratés, c'est juste que pour moi, les thèmes, l'écriture ou le moment de lecture, n'ont pas fait mouche, n'ont pas été les bons.
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Un mariage américain de Tayari Jones. C'est l'histoire de la descente aux enfers d'un couple noir américain, dont la vie leur souriait pourtant. Accusé de meurtre sans preuves ni témoins fiables, Roy est incarcéré pendant douze ans et nous assistons au lent délitement de son couple avec Celestial. La quatrième de couverture laissait penser à un roman engagé sur la cause noire aux États-Unis et à leur combat encore trop actuel aujourd'hui (ce qui est encore plus tristement vrai au moment où j'écris ces lignes #blacklivesmatter). Mais cette lutte ne m'a pas semblée assez approfondie car elle n'est en fait pas le sujet du roman. Son sujet est le couple et comment il résiste ou rompt face aux adversités et au temps qui passe. Je suis donc ressortie mitigée de cette lecture car je m'attendais à autre chose. Hormis cela, la construction polyphonique et l'écriture de ce roman sont agréables.
Aujourd'hui, il me reste ce sentiment d'être passée à côté de ce roman.
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Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena. Ce roman aux allures biographiques lie et relie l'historie de famille de l'auteur à lui-même. Il nous raconte la vie de son grand-père maternel en Argentine, son métier, son foyer, et surtout sa plongée dans le silence lorsqu'il a appris la guerre en Europe et particulièrement le joug nazi en Pologne et les conditions de vie du Ghetto de Varsovie, dans lequel se trouve sa mère. C'est un récit poignant qui décrit avec force le sentiment (injuste, coupable, fataliste) de n'être pas à sa place et la cruelle dualité du temps.
Aujourd'hui, il me reste un mélange d'impressions de justesse, de douceur, mais aussi de grande tristesse tant ce qui est décrit me semble aussi apaisé et apaisant que terriblement intemporel.
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Dévorer le ciel de Paolo Giordano. Voici l'histoire de deux amours. Celui entre Teresa (la narratrice) et Bern. Et celui de Bern (et ses amis) pour la Terre, et celle des Pouilles (Italie) en particulier. C'est le récit d'un retour aux sources, d'une furieuse envie de vivre en autarcie, de manière raisonnée, de s'éloigner des modèles de consommation et donc d’asservissement. Mais n'est-ce pas en créer un autre que de vouloir vivre autrement et donc dans la lutte, constante ? Et comment faire lorsque les idéaux et illusions de notre jeunesse se heurtent aux réalités matérielles et viscérales ? Est-ce se trahir ?
Lorsque j'ai lu le titre et vu la couverture de ce roman, je savais qu'il me plairait et me marquerai. Il me reste un fort sentiment d'authenticité, de goût de terre et de soleil, d'amour impossible. C'est un roman d'apprentissage qui se laisse le temps de se faire apprécier.
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Rien n'est noir de Claire Berest. L'autrice a choisi de nous raconter Frida Kahlo d'une manière chromatique et picturale, à l'instar de cette belle couverture. Au gré des couleurs et de sa vie, elle nous décrit la relation intense, passionnée, tumultueuse, dévastatrice de Frida avec Diego Riviera, son emprise sur elle.
Aujourd'hui, lorsque je pense à ce roman, c'est d'abord la plume douce et poétique de Claire Berest qui me vient. Avant la vie de Frida, avant les souffrances décrites. Cela contribue bien sûr à la force des mots et des images suscitées (aidées par les tableaux de Frida) mais je reste encore sous le charme de son écriture.
C'est ce roman dans ma sélection qui a été le mieux noté et lu par les autres jurys, au détriment de La Mer à l'envers et de Jour de courage.
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La Mer à l'envers de Marie Darrieussecq raconte la rencontre d'un jeune réfugié nigérien et d'une mère de famille alors que celle-ci fait une croisière sur la Méditerranée avec ses deux enfants. Le but : se ressourcer et se retrouver. Lorsqu'elle aide ce garçon, Younès, sauvé des eaux avec tant d'autres, elle ne peut encore mesurer combien cela va changer sa vie et l'orienter dans ces choix qu'elle n'osait faire. (Roman non lu par les autres jurys)
Dans ce récit, l'autrice nous décrit Rose pour mieux parler de nous, face aux Migrants, à leurs conditions de non/survie et à notre attitude face et/ou avec eux. Aide, indifférence, culpabilité, honte, un maelström d'émotions et de comportements qui se succèdent, se juxtaposent, se heurtent. Un récit riche et humain qui fait réfléchir et qui se rappelle à moi par intermittences. Avec ce roman, j'ai découvert cette autrice dont j'aime beaucoup la plume, douce et empathique.
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Jour de courage de Brigitte Giraud, et à nouveau, une autrice découverte. Dans ce roman, elle nous fait le récit de la prise de parole de Livio. A travers le choix du personnage historique de son exposé, Livio parle de lui-même. Et ainsi il lie plusieurs temporalités pour dire que certaines choses n'ont malheureusement pas changé et l'autrice entremêle-t-elle le présent de Livio à quelques éléments de son passé et de son amitié avec Camille. Entre maladresses, dénonciation et désarroi, il laisse son auditoire tantôt intéressé, tantôt ennuyé, tantôt pantois. (Roman non lu par les autres jurys)
Lorsque j'avais lu ce roman, j'avais ressenti les mêmes émotions que celles des camarades de classe et de la professeure de Livio, et ce jusque la fin du roman, que l'on redoute de voir venir. Aujourd'hui, il me reste un sentiment entremêlé de tristesse et de fatalité, car ce qui y est décrit n'est malheureusement que trop vrai et toujours d'actualité.
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Girl d'Ena O'Brien. Avec son roman et le personnage de Maryam, l'autrice revient sur l'enlèvement des lycéennes nigérianes par Boko Haram en 2014. Elle nous décrit l'enlèvement, l'asservissement, la fuite et survie puis le retour au village natal de Maryam dans sa famille avec sa fille.
Girl est un roman dense qui m'avait été difficile de lire et qui avait nécessité de nombreuses pauses. A cause des descriptions, du lieu et de l'écriture de l'autrice, dense. Il ne me reste aujourd'hui que des impressions fugaces de certains passages.
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Et toujours les forêts de Sandrine Collette. Nous voici dans un roman post-apocalyptique auprès de Corentin qui a miraculeusement survécu au passage du Souffle. Un Souffle destructeur qui a laissé sur place êtres humains, animaux, véhicules, vie urbaine et rurale. Un Souffle qui a grisé le ciel, contaminé les pluies, stérilisé la Terre. Certains ont survécu, comme Corentin. Dès lors, c'est la Loi du plus fort qui prime concurrencée par l'envie, le besoin de savoir si les êtres aimés ont survécu ou péri. Corentin n'a qu'une seule personne, sa grand-mère paternelle, qui vit aux Forêts. Il se met en marche, il a un but. Mais qu'adviendra-t-il après ?
Sandrine Collette, par le biais de phrases aussi courtes que percutantes, dans un style glaçant mais empreint de poésie, nous décrit un possible monde d'après. Un genre qui n'est pas nouveau (son récit m'a beaucoup renvoyée à la série U4) mais qui prend au ventre. Et comment ne pas penser à ce que nous vivons depuis plusieurs mois ?
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10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange d'Elif Shafak. L'autrice turque nous emmène à Istanbul auprès de Tequila Leila qui se meurt, cadavre abandonné dans une poubelle. Une théorie dit que l'âme, les pensées, l'esprit de quelqu'un peuvent survivre au corps et au cœur pendant un laps de temps plus ou moins long, jusqu'à 10 minutes et 38 secondes. Au gré de chapitres qui font le décompte, Elif Shafak nous restitue la vie de son héroïne, ses amitiés, ses espoirs, ses souvenirs, les traditions turques. Au gré de trois parties, elle donne voix à ceux et surtout celles qui sont des laissées pour compte, que l'on ne veut ni voir ni entendre, et qui, même s'ils souffrent, ne renonceraient pour rien au monde à leurs différences.
A chaque fois que je lis ce titre, j'ai envie de le prolonger, en disant 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange et beau. Car il y a tant de beauté dans ce roman. Des choses difficiles, abjectes, mais aussi tant d'autres splendides. Et quelle écriture ! Elif Shafak m'a fait voyager et je garde un souvenir fort et ému de cette lecture avec une très forte envie de découvrir ses précédents romans !
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La soustraction des possibles de Joseph Incardona. Fin des années 1980, en Suisse, l'argent coule à flots et certains en profitent allègrement, quand d'autres ne font que le toucher du bout des doigts et rêvent d'un avenir meilleur... grâce à l'argent. L'argent, ce moteur, qui fait qu'on en veut toujours plus, mais où est la limite ? Certains personnages vont l'apprendre à leurs dépends, d'autant que l'argent ne fait pas tout, et surtout pas le bonheur ! Et l'amour dans tout cela ? C'est l'autre thème majeur du roman, parce qu'au final, il n'y a que cela qui compte.. (et de me rendre compte que j'utilise un vocabulaire pécunier!).
J'ai aimé le style de l'auteur qui entremêle plusieurs genres, qui nous restitue cette époque et fait des parallèles avec la nôtre, qui inclue des citations de « méchants »/truands à sa narration, qui nous interpelle (un procédé que je n'affectionne pourtant pas spécialement). J'ai adoré cette lecture, mais je ne sais pas si il me restera beaucoup de ses personnages. J'ai plus le sentiment que c'est cette impression de « jeu » auquel se livre les « puissants » et qui font de nous des pions qui va perdurer. Un « jeu » que nous voyons hélas, sous plusieurs formes, tous les jours aux informations.
Voici mon TOP 3 :
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10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange. Elif Shafak. Éditions Flammarion
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Rien n'est noir. Claire Berest. Éditions Stock
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Dévorer le ciel. Paolo Giordano. Éditions du Seuil
Un podium très hétéroclite avec ces thèmes qui me sont chers et me reviennent : l'amour, l'art, l'ailleurs, la quête de soi.
Retrouvez mes bilans pour les catégories Documents et Policiers.
Découvrez l'interview de l'autrice sur le site du magazine Elle!