L'enfant inattendue. Marguerite VAN COOK et James ROMBERGER – 2014 (BD)
Publié le 3 Juin 2020
L'enfant inattendue
Scénario de Marguerite VAN COOK
Dessin de James ROMBERGER
Éditions ça et là, 2014
176 pages
Thèmes : Autobiographie, Famille, Amitié, Identité, Nature
« L'enfant inattendue » est Marguerite van Cook (artiste, écrivaine, musicienne, chanteurse et cinéaste anglaise vivant à New-york).
Inattendue car non désirée, issue d'un adultère, mais néanmoins aimée.
Au gré de cinq parties, Marguerite van Cook nous raconte d'abord sa famille maternelle et sa mère, avant de glisser progressivement vers elle-même, son enfance puis son adolescence.
1940, nous sommes à Plymouth. La ville est en feu après un bombardement allemand et nous faisons connaissance avec Hetty, la mère de Marguerite, mariée à Fred, engagé volontaire et combattant en Afrique du Nord.
Nous passons d'une lettre qu'il lui a envoyée, une belle aquarelle fleurie à la réponse favorable à leur demande d'adoption. C'est ainsi que la petite June entre dans la vie de Marguerite et dans son cœur. Une fillette blonde qu'on tentera de lui reprendre lorsqu'elle apprendra le décès de son mari.
Combat pour la garder dans une société très conservatrice qui considère qu'une femme seule ne peut élever un enfant, et oublieuse du sacrifice à la patrie .
Mais que l'on ne revoit plus par la suite, ni n'entend parler.
Dix ans plus tard, Hettie doit en livrer un autre, pour garder son enfant naturelle, Marguerite, mais née d'une relation avec un homme marié. Les dessins nous immergent dans ses sensations de peur et de vertiges, devant ces hommes qui la jugent et la jaugent. Ainsi sont-ils représentés en corbeau, les couleurs se font agressives, criardes, et les cadrages sont-ils bousculés.
Nous découvrons Marguerite fillette de 6 ans, dans ses explorations à la campagne où sa mère l'emmène chez des amis pour y passer les week-ends. Célébration de la nature, de ses couleurs et de ses odeurs, de l'attrait comme de la peur qu'elle exerce sur l'enfant.
Je ne me suis jamais sentie si petite, ni avant, ni après. Cet instant s'empara de mon identité, de tout ce que je pensais savoir sur la vie, sur ma place dans ce monde.
Ainsi apprend-elle la danse, la vie, les autres, l'amitié, les hommes en échappant aux griffes de l'un d'eux. L'agression à laquelle elle se dérobe de justesse commence de manière floutée, comme un récit dans le récit, comme issu des histoires qu'elle se raconte avec son amie, passant de son « je » à elle à un « il » impersonnel, glaçant et calculateur. Les couleurs jusqu'alors lumineuses se font sombres, dissimulatrices.
Elles redeviennent belles et lumineuses en France, en Normandie, là où Marguerite passe désormais tous ses étés, dans la famille de Catherine, son amie. Amitié fusionnelle, découvertes culturelles, gustatives et quelque peu cruelles, premiers émois, entre grandir et laisser partir.
Au-delà de ces quelques scènes fortes de sa vie qui l'ont façonnée et marquée, Marguerite nous emmène dans la société d'alors. En Angleterre d'abord, où il vaut mieux n'être pas une mère célibataire, en France ensuite, en 1968. Cela lui permet de lier de manière thématique (et peut-être floue) sa vie personnelle au monde auquel elle appartient dans un ordre certes chronologique mais pas linéaire.
J'aime les récits initiatiques, d'identité, qui retrace des parcours de vie (d'autant qu'ici, je ne connaissais pas du tout Marguerite van Cook). Et en cela, ce roman graphique (servi par un bel objet-livre à la couverture et aux pages épaisses avec un ruban marque-page) m'a plu, tout comme les dessins de James Romberger. Les scènes dans la nature sont aussi belles et oniriques que celles au tribunal ou dans la nuit sont oppressantes et difficiles.
Néanmoins, je ne suis pas sûre qu'il fasse long feu en moi.