Le joueur d'échecs. David SALA. D'après Stefan ZWEIG. – 2017 (BD)
Publié le 27 Mai 2020
Le joueur d'échecs
Adaptation de David SALA
D'après la nouvelle de Stefan ZWEIG (1943)
Éditions Casterman, octobre 2017
128 pages
Thèmes : Échecs, Identité, Nazisme
1941
Depuis le pont d'un paquebot reliant New-York à Buenos Aires, deux hommes observent la foule qui se presse de monter à bord. Jusqu'à ce qu'un homme retienne leur attention : Mirko Czentovic, champion du monde des échecs. Grand, blond aux yeux bleus, une origine modeste et une histoire extraordinaire, il est réputé aussi fin tacticien qu'inculte.
Le narrateur aimerait disputer une partie contre lui, mais ce dernier refuse toute approche et reste enfermé dans sa cabine à s’entraîner « sur un tout petit échiquier de voyage ».
Grâce à une petite mise en scène, la rencontre se fait, moyennant 250 dollars, entre Czentovic et un riche et arrogant ingénieur écossais, Mc Connor, entouré de quelques hommes, eux-mêmes joueurs, et de notre narrateur.
Petit retard calculé, défaite au vingt-quatrième coup, Czentovic accepte la revanche.
Tout se déroule au mieux, trop bien même et c'est là qu'entre en scène un homme, tapi dans l'ombre jusqu'ici, et qui conseille Mc Connor jusqu'à obliger le Champion à déclarer le match nul.
Devant la perspective d'une partie contre Czentovic, l'homme fuit, précisant que cela fait vingt-cinq ans qu'il n'a pas joué.
Curiosité pour les uns, orgueil pour l'autre, il faut que cet affrontement aux échecs se fasse ! Et notre narrateur de partir à sa recherche.
Il le trouve sur un pont et la discussion s'engage entre eux.
Comme lui, M. B., est autrichien, et il lui raconte comment il en est venu à s'intéresser à la théorie des échecs.
Une histoire compliquée, révélatrice de notre charmante et grandiose époque.
Cette nouvelle, écrite au Brésil et publiée à titre posthume en 1943, est la dernière de Stefan Zweig. Je ne l'ai jamais lue (ou peut-être par petits bouts) et ne peux donc dire si cet album lui est fidèle.
Néanmoins, il m'a beaucoup plu.
Par son esthétique d'abord.
Le dessin de David Sala est particulier, fait de crayon et d'aquarelle, floutant certains contours et conférant à ses personnages des expressions faciales très fortes, même si certains se ressemblent.
Les cadrages jouent sur différents plans serrés, décortiquant les émotions, figurant l'emprise du jeu jusqu’à l'obsession, jusqu'à l'oppression.
Ainsi, les décors sont très travaillés et l'échiquier se rappelle partout : le montant des fenêtres, le sol, sur les vêtements, un couvre-lit, le carrelage au mur. Et ce, jusque dans le découpage des cases, qui rapetissent, se multiplient, nous rapproche, nous distancie.
Cela commence dès la couverture et donne un mouvement au dessin, tout en l'alourdissant quelque peu.
Ainsi, tout est partie d'échecs.
Ainsi, tout est affaire de patience, de stratégie et d'emprise.
« Les échecs », ce mot polysémique sert autant à décrire le jeu, la défaite, que l'Histoire, représentée par M. B. et Mirko Czentovic. Cette nouvelle, grâce à différents récits enchâssés, décrit la concentration comme la folie qui peut s'emparer d'un joueur mais aussi, et surtout, la barbarie nazie qui déchire le monde.
Subtil et saisissant !
Une adaptation qui a également ravi Moka !
Cet album participe au RDV « BD de la semaine », aujourd’hui chez Noukette (CLIC) ; à notre challenge « Cette année, je (re)lis des classiques » de Nathalie et moi ; au « Petit Bac 2020 » d’Enna, pour ma 7e ligne, catégorie Mot au pluriel.
Belles lectures et découvertes !
Blandine
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