India Dreams. Tomes 1 à 4. Maryse et Jean-François CHARLES - (BD)
Publié le 13 Mai 2020
India Dreams
Tome 1
Les Chemins de Brume
Maryse et Jean-François CHARLES
Editions Casterman, 2002
48 pages
Thèmes : Inde, Empire colonial britannique, Quête, identité, famille, Amour
1944, Londres est sous les bombes
Emy Gilmore, enceinte, s’apprête à ouvrir un paquet envoyé d’Inde par Kenneth Lowther, son ancien précepteur, lorsque l’on frappe à sa porte. Sans ménagement, elle éconduit l’importun mais l’alarme retentit.
Celui à qui elle a refusé de parler tantôt la sauve alors des griffes d’hommes à l’allure sinistre et en revenant chez elle, elle découvre que sa maison a été fouillée. Pourquoi ?
Cet homme qui l’a aidée s’appelle Jarawal. Il vient de la province indienne de Khalapour. Il fait partie d’un passé, de son passé, qu’elle veut oublier.
Il lui rappelle sa mère, Amelia, disparue plusieurs années auparavant et à qui Emy semble reprocher nombre de choses encore obscures.
Dans le paquet, se trouvent une lettre, une photographie et un journal.
Celui d’Amelia.
Par les yeux d’Emy, nous quittons l’Angleterre pour Londres, un jour d’automne 1927.
Amelia, accompagnée de sa fille, part rejoindre son époux, le capitaine Thomas Harryson, affecté à la garde personnelle du Maharadjah de Khalapour, le père de Jarawal.
Avec Amelia, nous ressentons la chaleur écrasante, les parfums envoûtants, le poids des traditions comme des superstitions, les coutumes aussi étranges qu’attirantes, les tensions politiques et de pouvoir entre Indiens et Anglais, et ce que cela entraîne comme complots et alliances.
Un Amour naît, un autre se meurt.
Emy aperçoit l’avatara de Ganesh et son âme est perçue comme très vieille. Emy est appelée Kamala par le Maharadja.
Et ce tome qui pose plein de questions se termine sur une double tragédie.
Ce pays-là provoque, on le sait, un syndrome particulier chez les voyageurs occidentaux : le « syndrome de l’Inde », quand l’Européen se trouve soudain confronté à la mort dans la rue, à la misère nue, à la sensualité crue et à l’irrationnel. Bref, à tout ce que, en Occident, nous avons mis si longtemps à refouler (dans les cimetières hors des villes, dans les hospices et dans les lits).
L’Inde attire et fait fantasmer.
Et le titre de cette série (qui se compose de deux cycles, dix tomes en tout) abonde en ce sens.
Découverte grâce à Hilde, j’en ai de suite aimé le dessin, certes un brin classique, et ses couleurs.
Le premier tome (qui a connu plusieurs couvertures) porte un scénario riche, trop peut-être car il m’a parfois perdue.
Je crois qu’il faut connaître un peu de l’Histoire d’alors (la domination britannique, la société indienne) pour en saisir tous les aspects.
Elle est plus ou moins cachée dans la double histoire principale et ses replis : celle d’une mère, d’une femme écartelée entre deux traditions et une envie de liberté, et de sa fille qui apprend à la connaître par son journal. Cette dernière trouve des réponses pour elle-même, alors qu’elle s’apprête à son tour à donner la vie.
Des thèmes qui me plaisent et auxquels je reviens toujours.
Voilà pourquoi je lirai les tomes suivants (qui, en plus, m’attendent !).
Cet album participe au RDV « BD de la semaine », aujourd’hui chez Noukette (CLIC) ; au challenge d'Hilde "Les étapes indiennes" et au « Petit Bac 2020 » d’Enna, pour ma 6e ligne, catégorie Lieu.
Tome 2 - Quand revient la mousson - 2003
Le premier tome s'achevait avec la fin du journal d'Amelia, la mère d'Emy que l'on voit en couverture. Les dernières pages en étaient arrachées et Emy a supposé que c'était Kenneth Lowther, son ancien précepteur aux Indes qui les avait arrachées.
1945 - Avec Jarawal, elle retourne en Inde, qu'elle avait quitté vers 6 ans, afin de retrouver Kenneth Lowther.
Mais sa maison semble abandonnée depuis des années et ils vont de lieux en lieux , jusqu'à un temple bouddhiste pour le retrouver.
Malheureusement, les sinistres personnages qui déjà les suivaient à Londres sont aussi sur leurs traces et cherchent à les tuer.
Emy et Jarawal, qui s'aiment, découvrent des pans méconnus de leurs histoires, ce qui bouleverse leurs certitudes. Ils apprennent que le père d'Emy est mort assassiné à la façon des Kastriyas, mais pourquoi et par qui? Les soupçons se portèrent sur le Maharadja Dharma Sing, le père de Jarawal, ce qui entraîna de violents heurts politiques, entre colonisateurs et colonisés.
Le tome s'achève sur le départ, ou plutôt la fuite, d'Emy vers Londres.
A nouveau les dessins nous immergent dans la culture indienne, ses traditions, ses coutumes (le bain dans le Gange par exemple), des couleurs chaudes, quasi odorantes voire suffocantes, car comme sa mère avant elle, Emy a du mal et se sent souvent mal.
"Chacun ayant sa vérité, détient une parcelle de la Vérité. Ainsi progresse le sage, ainsi l'intolérant sème la discorde."
Un tome qui ouvre de nouvelles questions.
Tome 3 - A l'ombre des bougainvillées - 2007
Vingt ans plus tard, en 1965, Jarawal a retrouvé la trace d'Emy... en Inde. Elle a épousé Kenneth Lowther, qui vient de mourir. Une femme a accompli le rite du sati sur son bûcher funéraire et Emy ignore son identité. Jarawal découvre qu'elle a une fille, appelée Kamala, du même nom que son père, le Maharadja, avait donné à Emy enfant.
Kamala, fraîchement diplômée, part en road trip avec son petit-ami et des amis hippies. C'est l'occasion pour elle d'aller sur les traces de sa famille, entre rencontres et lieux emblématiques. Mais peu avant Katmandou, ils sont arrêtés par des gurkhas, des militaires indo-britanniques à qui profitent les tensions politiques et religieuses entre le Népal et la Chine.
En parallèle, nous suivons Jarawal qui incite les derniers Maharadjas à s'occuper de politique pour ne pas perdre leurs privilèges, déjà bien abîmés par la Partition et ses conséquences sur l'armement et l'agriculture.
Entremêlant symboles, Histoire, référence littéraire et quête identitaire, ce tome nous parle d'amour sous toutes ses formes, avec ses espoirs, ses impossibilités et ses douleurs.
"Je n'étais qu'une étrangère, une hors-caste et tu te devais à ton pays ! ... Tôt ou tard, j'aurais été un obstacle ! ... Tu aurais fini par avoir des regrets ! ..."
Il se referme sur une grande révélation pour l'un des personnages.
Tome 4 - Il n'y a rien à Darjeeling - 2007
Kamala, aidée par Mr Cairncross, fonctionnaire international à l'ambassade britannique et ancien ami de son grand-père, arrive à faire sortir de prison ses amis. Elle rend ensuite visite à Jarawal, en convalescence suite à un attentat. Emy et lui se trouvent enfin réunis.
Dans un long épilogue qui entremêle une lette écrite par Herbert Harryson (aux couleurs sépia) au voyage de Kamala à Darjeeling, des secrets de famille et d'Etat sont révélés, permettant à Kamala de comprendre son passé familial et bi culturel.
"Il n'y a rien à Darjeeling, Miss Lowther, que les réminiscences d'un passé colonial..."
L'intrigue est assez complexe mais belle et libératrice. Elle nous plonge dans une ambiance teintée d'apparences, d'ascendance et de spiritualité. De nombreux passages sont très émouvants. J'ai aimé découvrir des détails historiques et illustratifs (tel le nom d'un train).
India Dreams est une très belle série, tant dans le récit que graphiquement.
Elle se poursuit dans un second cycle de quatre tomes.