Dans la gueule de l’ours. James A. McLAUGHLIN - 2020
Publié le 29 Mars 2020
Dans la gueule de l’ours
James A. McLAUGHLIN
Traduit de l’américain par Brice MATTHIEUSSENT
Éditions Rue de l’Echiquier Fiction, janvier 2020
448 pages
Thèmes : Etats-Unis / Mexique, Réserve Naturelle, Nature, Braconnage, Vengeance
Rick Morton est biologiste et est le nouveau gardien de la Réserve Naturelle de Turk Mountain, Comté de Turpin, Appalaches, Virginie.
La vue était époustouflante : trente mètres plus bas, la canopée moutonneuse de la forêt primaire occupait tout le canyon. Les cimes majestueuses de sapins-ciguës, de chênes rouges et blancs, de hickorys, de gommiers, de frênes – une douzaine d’espèces au moins, uniquement des spécimens géants, oscillant dans la brise humide chargée de brume. Ça et là, des branches nues émergeaient de la canopée comme des doigts osseux. Sous leurs yeux, les falaises du bord opposé disparurent derrière des nuages bas dont les volutes remontaient de la rivière située plusieurs kilomètres en aval.
Cadre sauvage et préservé, forêt primaire au fond d’un canyon qui abrite de nombreuses espèces végétales et animales, la Réserve et ses interdictions ne sont pas au goût de la population locale.
Lorsqu’un mystérieux chasseur de champignons vient lui montrer le cadavre mutilé et éviscéré d’une ourse, Rick comprend qu’il va devoir lutter contre le braconnage qui sévit et tue les ours sauvages dont les vésicules biliaires et pattes sont très prisées dans la pharmacopée asiatique, et pour laquelle un fructueux marché parallèle s’est développé.
Aussi décide-t-il de mener sa propre enquête, pour trouver ces hommes, chasseurs d’ours depuis des générations.
Et il compte bien la faire en solitaire.
Car il ne veut surtout pas attirer l’attention sur lui.
Rick Morton s’appelle en réalité Rice Moore. Il sort de prison et jusqu’à l’année dernière, sa profession de biologiste, réelle, était sa couverture pour un cartel de drogue mexicain qui lui permettait, avec sa complice et compagne Apryl, de passer sans inquiétude la frontière entre les États-Unis et le Mexique, tout en menant des recherches.
Jusqu’à la manipulation, la trahison, l’envoi en prison et la mort d’Apryl, extrêmement violente.
Rice sait qu’il doit se cacher, se faire oublier et la Réserve est un excellent endroit pour.
Il se montre extrêmement prudent, ne se rendant que peu en ville, où il n’est pas apprécié, en ne branchant pas le téléphone, en n’allant pas sur internet, en fermant constamment le cadenas du portail…
Mais ce cadavre d’ourse bouleverse tout et l’expose.
D’autant que Sara, la gardienne de la Réserve juste avant lui, partie suite à une agression des plus sauvages, revient.
Enquêtes multiples et parallèles, gangs de bikers, gangsters locaux, xénophobies diverses, sombres secrets, vengeance patiente, cadre sauvage, magnifique et rustre, Rice n’a d’autres choix que de donner de sa personne.
***
Cela donne un roman dense, nerveux, rude, sombre et qui se lit bien.
Il mélange les genres et les intrigues, policière et écologique, et dans lequel la nature occupe la première place.
Les personnages, hormis Rice et Sara, ne sont pas sympathiques et on se les représente très bien.
Les descriptions des grands espaces et de la faune sont nombreuses, détaillées, parfois trop longues, mais immersives, floutant les frontières entre humanité et animalité, entre réalité et rêve.
Les passages avec la tenue ghillie, fabriquée et revêtue par Rice, sont saisissants. L’auteur est un photographe passionné de nature et cela se ressent.
Il trouvait étrange que tant de gens de la campagne soient hostiles à l’endroit où ils habitaient et même terrifiés par leur environnement. Ce n’était pas seulement le peu de temps que ces paysans surmenés avaient à consacrer aux préoccupations sophistiquées des écolos urbains décadents. Ce qui stupéfiait Rice, c’était qu’on puisse passer toute sa vie immergé physiquement dans un écosystème spécifique et néanmoins y rester aveugle, par superstition, tradition ou préjugé.
Mention spéciale à l’objet-livre.
La couverture, que je n’aime pas, donne le ton.
Les pages sont douces et aussi légères que le livre est lourd. La présentation est aussi aérée que l’atmosphère est oppressante.
La typographie est soignée et même double pour nous permettre de bien situer les évènements passés et présents vécus par Rice.
Ce roman participe au « Petit Bac 2020 » d’Enna pour ma 4e ligne, catégorie Animal.
Belles lectures et découvertes !
Blandine.