NOIRE. La vie méconnue de Claudette Colvin. Emilie PLATEAU – 2019 (BD)
Publié le 19 Février 2020
NOIRE
La vie méconnue de Claudette Colvin
Scénario et dessin Emilie PLATEAU
Éditions Dargaud, janvier 2019
136 pages
Thèmes : Histoire, Etats-Unis, Ségrégation, Conditions des Noirs, Biographie
Ville de Montgomery, Etat de l’Alabama, Etats-Unis d'Amérique.
1955
Née en 1939, Claudette Colvin a 15 ans, elle va à l’école et veut devenir avocate.
Elle prend le bus deux fois par jour.
Ce 2 mars 1955, elle est jetée en prison.
Le motif : dans le bus, elle a refusé de céder sa place assise à une dame qui la lui réclamait.
Son crime : être noire, être femme.
Après délibérations, j’abandonne les charges suivantes : trouble à l’ordre public et violation de la ségrégation. Je laisse néanmoins l’agression sur les représentants de l’ordre.
Bien que représentée par Fred Gray, l’un des deux avocats noirs de la ville, soutenue par une certaine Rosa Parks de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) et par Jo Ann Gibson Robinson du WPC (Women’s Political Council) qui veut mettre en place un boycott mais non suivi en raison du jeune âge de Claudette et faute de leader (masculin), Claudette perd son procès et se retrouve remisée.
Et ce d’autant plus qu’elle tombe enceinte d’un homme marié (suite à un viol ou à une relation consentie, je ne sais pas) et est contrainte de quitter la ville.
Bref, son histoire n’est pas bonne.
Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, 43 ans, couturière et mariée, monte dans le bus au sortir de son travail et refuse de se lever lorsqu’on le lui réclame.
Madame Rosa Parks est quelqu’un de bien.
Puisque ça devait arriver, je suis heureux que ce soit arrivé à quelqu’un comme madame Park, qui ne peut être accusée d’être un élément perturbateur dans la communauté.
Personne ne peut douter de son intégrité, de sa grandeur d’âme, de son profond engagement chrétien et de sa dévotion à l’enseignement de Jésus.
La suite de cette (bonne) histoire, vous la connaissez.
Le soutien de Martin Luther King (également choisi, notamment en raison de son jeune âge – là, ce n’était pas un problème mais un avantage), le boycott des bus massivement suivi, qui a abouti à la fin de la ségrégation dans les bus de Montgomery, le 20 décembre 1956.
Mais ce que cette histoire ne dit pas, ce sont tous les oublis, les omissions, les petites ou plus grandes erreurs, les transformations qui ont été faits avec la réalité.
Que cet album nous révèle.
Pour réparer. Pour rétablir une vérité.
Pour rendre hommage.
Source: Wikipédia
C’est dans l’essai de Jonathan Safran Foer, L’avenir de la planète commence dans notre assiette, que j’ai découvert cet arrangement dans l’Histoire. Le lien entre son livre et Rosa Parks ne paraît pas d’emblée évident, mais c’est pour mieux nous expliquer et démontrer ce qui fait une « bonne » histoire, et ce que nous avons besoin d’entendre pour y croire, lui donner vie et la suivre.
Les responsables des droits civiques – y compris Rosa Parks elle-même – ont jugé la biographie de Claudette Colvin trop imparfaite, son caractère trop instable pour faire d’elle l’héroïne du mouvement qui émergeait : l’incident ne ferait pas une assez « bonne histoire ».
(…)
L’histoire de Rosa Parks est à la fois un épisode bien réel qui appartient à l’histoire et une fable destinée à faire date.
(…)
Elle a néanmoins incarné la version la plus édifiante des évènements parce qu’elle avait compris la puissance d’un récit.
Rosa Parks s’est montrée courageuse en étant l’héroïne de son histoire, mais réellement héroïque pour avoir su en être l’un(e) des auteur(e)s.
Il y a donc l’âge de Claudette Colvin, sa situation personnelle, mais aussi, simplement, le fait qu’elle soit femme.
Condition qui nuira aussi à d’autres (citées - qui comme Claudette ont refusé de se lever) et Rosa Parks ne fera pas exception, mais dans une moindre mesure.
Elles ont été écartées au profit des hommes.
Rosa Parks est à l’image du monde. Les femmes sont petites et fragiles, les hommes sont grands et forts.
Le dessin d’Emilie Plateau, d’abord simple et en trichromie, peut rebuter (ça a été mon cas lors de la parution de l’album).
Et pourtant ! Il convient parfaitement au propos et fourmille de détails.
Moi qui d’ordinaire n’aime pas trop lorsque le narrateur s’adresse à nous lecteurs, j’ai ici apprécié ce procédé. Il nous transporte auprès de Claudette et de ses sentiments, nous la rendant proche pour mieux nous indigner face à cet oubli volontaire.
Aujourd’hui, vous avez 79 ans et, lorsque je vous regarde, je me dis qu’il fallait être quelqu’un pour être celle qui n’était pas Rosa Parks.
Vous êtes Claudette Colvin.
L’album se conclut sur quelques portraits, rédigés par Tania de Montaigne. J’aime !
Bref, lisez-le !
Il participe au RDV « BD de la semaine » qui se passe aujourd’hui chez Stéphie (CLIC), au Challenge « African American History Month » d’Enna ainsi qu’à son « Petit Bac 2020 », pour ma 2e ligne, catégorie Couleur.
Retrouvez l'avis de Fanny;
Belles lectures et découvertes,
Blandine