Honoré et moi. Titiou LECOQ - 2019

Publié le 15 Février 2020

Honoré et moi Blog Vivrelivre

Honoré et moi

 

Parce qu’il a réussi sa vie en passant son temps à la rater, Balzac est mon frère

 

Titiou LECOQ

 

Editions de l'Iconoclaste, octobre 2019

304 pages

 

Thèmes : Honoré de Balzac, Biographie, Humour, Littérature classique

Pour la plupart d’entre nous, Balzac c’est un nom de lecture obligatoire en classe de seconde.
Parce qu’à défaut d’hommage national, il aura eu, au désespoir de certains élèves, la consécration scolaire.

C’est exactement cela.

Balzac, comme beaucoup de ses (amis) auteurs contemporains, je n'aimais pas.

Ah ces lectures scolaires, obligatoires et ennuyantes... La peau de chagrin, une de plus qui m'a dégoûtée et de l'œuvre comme de l'écrivain... 

 

Et pourtant !

Lorsque j'ai su que ce livre était sélectionné pour le Grand Prix des Lectrices Elle, j’ai été emballée et même impatiente ! De son autrice, je n’avais jamais lu aucun livre ni chronique (Titiou Lecoq écrit notamment pour Slate et anime un blog, « Girls and Geeks »), mais le titre, comme la couverture, pimpante et vitaminée, m’ont irrémédiablement attirée, pressentant que cette biographie n’aurait rien de conventionnel !

Ce qu’on raconte moins, que ce soit à l’heure de son enterrement ou pendant les cours de français, c’est que Balzac, ce n’est pas seulement le monument de la littérature française, le génie monstrueux qui dévorait gigots et cafetières, c’est aussi un type qui a tout raté. Il existe un Balzac intime, humain, fatigué, qu’on pourrait nommer le plus gros poissard de l’histoire littéraire, et qui m’émeut et m’interroge infiniment plus que la figure du demi-dieu. Comment ne pas aimer un homme qui a cherché tous les moyens imaginables de faire fortune et s’est révélé le roi de la foirade ?

Le ton est donné !

Tout du long, Titiou Lecoq use d’un langage pour le moins familier et contemporain.

Cela peut paraître étonnant, déroutant, mais je le trouve parfait pour nous rendre Balzac proche, et même attachant, tout en nous décrivant son caractère et son époque à lui, finalement si similaire de la nôtre.

De nos jours, ce qui plaît au plus grand nombre est toujours suspect. Avant Balzac, la question ne se posait pas vraiment, la lecture restant réservée à certains milieux. Mais Honoré commence à publier au moment où elle se démocratise. Les succès de librairie deviennent de plus en plus louches : le peuple n’est pas censé avoir bon goût. Balzac est sans doute le premier grand écrivain à avoir été sous-évalué de son vivant précisément parce qu’il vendait en masse et que, en prime, il s’en vantait.

Avec ce monde littéraire si dédaigneux (imaginez ! Honoré a dû écrire pour vivre et manger ! – et c’est sans compter LE sujet de ses livres : l’argent) ; son physique ingrat (et qui, en plus, n’avait rien de celui d’un écrivain selon les idées de l’époque, qui associaient traits et professions) ; ses relations avec les femmes (sa mère bien sûr, ses sœurs, sa voisine, les femmes de passage, celle qui est si loin et à qui il écrit, celle avec qui il vit un temps, celles qui sont ses amies, celle de sa vie…) ; sa mauvaise foi ; ses mauvais choix ; ses projets ambitieux, géniaux (comme faire le buzz) mais en avance sur leur temps et donc foireux…

Et ses dettes qui enflent toujours, encore (graphique à l’appui de la [je cite] « dèche balzacienne »), jusqu’à en devenir monstrueuses ; son goût du beau et du luxe, pour ses vêtements, pour ses maisons et appartements…

Un ensemble en porcelaine qu’il a acheté entraîne forcément l’acquisition de deux candélabres et trois vases russes, parce que, vous comprenez bien, « autrement, l’effet de la pièce sera toujours boiteux et louche ». Comme il le dit, les billets de mille francs s’envolent telles des hirondelles.

Et au cœur de tout cela, Titiou nous décrit aussi sa manière d’écrire, ses multiples corrections, les épreuves envoyées aux imprimeurs et les clauses de contrats spéciales, le sujet de ses livres, sa Comédie humaine et son prodigieux recyclage de personnages, ses positions en faveur des femmes (presque féministes sans qu’il ne le soit – il y a un ordre à respecter !)

 

Balzac n’écrivait pas pour l’amour de l’Art et de la Littérature, il écrivait non pas pour survivre, mais pour vivre et en profiter. Pleinement.

« Je prévois donc pour moi la plus sinistre destinée : ce sera mourir la veille du jour où tout ce que je désire m’arrivera. »

Et c’est ce qu’il se passa.

Pire, il ne reste de lui que peu de choses, hormis son œuvre littéraire.

 

Titiou Lecoq conclut son livre par une sorte de pamphlet pour mieux mettre en parallèle sa société et la nôtre, les valeurs qui la et les gouvernent comme ceux qui sont à sa tête, et la peur qui tient en tenaille : celle du déclassement social, de la pauvreté, de la misère… Un sujet très et trop actuel. Encore, toujours.

 

Honoré et moi, c’est donc une biographie décalée, dynamique, jubilatoire, passionnante.

Un coup de cœur, génial, enjoué, qui m’a fait (re)découvrir cet écrivain et surtout l’homme, qui m’a fait m’esclaffer, qui m’a fortement enthousiasmée, ne cessant d’en parler autour de moi – et notamment à ma fille qui a vécu (subi) l’étude de ses textes en classe. J’adorerais qu’elle lise cet ouvrage ! Quant à moi, je compte bien relire les siens, à lui !

Il participe à notre Challenge avec Nathalie, « Cette année, je (re)lis des classiques », ainsi qu’au « Petit Bac 2020 » d’Enna pour ma 3e ligne, catégorie Prénom.

Challenge Classiques Blog Vivrelivre
Petit Bac 2020 Blog Vivrelivre

 

 

 

 

Belles lectures et découvertes !

Blandine.

 

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E
coup de coeur partagé!
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B
Chouette!